Images à l’appui, l’enquête révèle que Saïd pourrait être plus impliqué dans le meurtre de Diana qu’il n’est prêt à le reconnaitre. De prête-main, il est devenu suspect principal.
Le 26 septembre 2022 à 16 h 12, Gibran a contacté la police «avec un numéro de téléphone marocain» pour dénoncer son oncle, Saïd, qu’il accusait d’avoir tué son épouse.
Une semaine auparavant un torse de femme avait été découvert derrière une ancienne boucherie à Mont-Saint-Martin en France. À quelques mètres du lieu de résidence d’un des frères du prévenu. C’était le point de départ de trois ans d’une enquête complexe résumée hier matin face à la chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Diekirch.
Le torse a été identifié comme appartenant à Diana, une Portugaise de 40 ans, grâce à un tatouage du prénom de son fils notamment. Saïd assure ne pas être un tueur. Il aurait uniquement aidé son neveu à se débarrasser du corps de Diana.
C’est Gibran, en fuite au Maroc, qui l’aurait tuée. L’enquête tend cependant à prouver le contraire. Saïd aurait tué et démembré la jeune femme assisté de son neveu qui lui était soumis.
Diana et lui avaient entretenu une relation intime pendant plusieurs mois jusqu’en décembre 2021. La victime avait ensuite contracté un mariage blanc avec Gibran le 14 juillet 2022. Depuis août 2022, elle vivait une relation amoureuse avec un certain Pedro. Il est la dernière personne à avoir reçu un signe de vie de Diana. À 13 h 43, le 18 septembre 2022, elle l’avait contacté pour l’inviter à passer à son domicile plus tard dans l’après-midi.
La thèse du crime passionnel se dessine au fur et à mesure de l’enquête. À travers des écrits découverts par les policiers notamment. Saïd n’arrivait pas à lâcher prise depuis leur rupture. Il lui envoyait sans cesse des messages plus ou moins agressifs avouant sa jalousie, son amour et son envie de celle qu’il traitait de «salope», note l’enquêteur principal.
«Saïd était jaloux, possessif et toujours amoureux de Diana. Il ne supportait pas la relation de la jeune femme avec Pedro.» Ni la complicité naissante entre Diana et Gibran.
Autre indice en faveur de cette thèse : les bras de la jeune femme n’ont jamais été retrouvés. Elle s’était fait tatouer ses initiales et celles de Saïd sur la main.
Diana aux abonnés absents
L’appel téléphonique entre Diana et Pedro serait déterminant pour la suite des faits, selon l’hypothèse des policiers. «Il s’est passé quelque chose à ce moment là», indique l’enquêteur. «Ensuite, il n’y a plus eu d’activité sur le téléphone de Diana.» Saïd a rejoint la jeune femme et son neveu juste après.
Les images de vidéosurveillance du commerce jouxtant le domicile de Diana à Diekirch ne laissent aucun doute sur l’implication de l’oncle et de son neveu, estime le policier.
Elles montrent des allées et venues de Gibran autour de la maison de Diana à pied ou en voiture pendant plus d’une heure, jusqu’à l’arrivée de Pedro qui tentait désespérément de contacter la victime avant de rebrousser chemin.
La voie étant libre, Gibran est entré et ressort immédiatement, «Il portait des sacs, Il a dû vider le frigo», pendant que «Saïd démembrait le corps». Peu avant 20 heures, les deux hommes sont partis à Mont-Saint-Martin et sont rentrés trois heures plus tard.
«Nous partons du principe qu’ils sont revenus chercher le reste des membres entreposés dans un frigo pour se rendre à Temmels.» À cinq minutes du domicile d’un deuxième frère, où la tête et les membres inférieurs ont été découverts.
Une caméra de vidéosurveillance d’un hôtel de Grevenmacher a filmé leur passage en direction de l’Allemagne et leur retour après minuit. Les jours suivants, Saïd a monté la garde devant la maison de Diana ainsi que rempli les poubelles.
Le frigo de Diana a été retrouvé dans un centre de recyclage. Il contenait des traces ADN des deux hommes et de la victime. De l’ADN de Diana a également été trouvé sur les lunettes de Saïd.
Les preuves s’accumulent contre Saïd qui n’a pas hésité à mettre la police sur de fausses pistes comme celle des anciens amants de Diana. Les enquêteurs ne se sont pas laissés abuser pour autant.
Le 6 février 2023, ils se sont rendus au Maroc pour interroger Gibran. Il incrimine toujours son oncle et prétend ne pas avoir été impliqué dans la commission du crime. Aux questions de l’enquêteur, il se serait contenté de répondre : «Je ne sais pas.»
Il a expliqué avoir fui par peur de son oncle. Saïd l’aurait menacé de mort s’il dénonçait les faits. Sa version ne concorde pas avec ses mouvements constatés sur les images de vidéo surveillance.
Un médecin légiste du CHU de Nancy a estimé que Diana est décédée des suites d’une rupture de l’artère carotide et a été démembrée post mortem. L’arme du crime et les outils qui ont servi à découper le corps ont disparu.