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Les hôpitaux mettent en garde


La médecine ne doit pas être exercée comme un commerce, affirment les défenseurs du système solidaire. (Photo : archives lq/fabrizio pizzolante)

Les conseils médicaux des hôpitaux ne sont pas étonnés de l’exaspération de l’AMMD, mais appellent à une solution concertée pour sauver le système de santé actuel et les hôpitaux.

L’ancien ministre de la Santé Mars Di Bartolomeo et actuel député socialiste s’est réjoui publiquement, lundi en commission, de la lettre ouverte signée par les présidents des conseils médicaux des quatre hôpitaux aigus du pays, de l’Institut national de la chirurgie cardiaque (INCCI), du Centre François-Baclesse, du Rehazenter et de l’hôpital intercommunal de Steinfort. Les auteurs mettent en garde, dans une tribune publiée dans le Wort, contre les conséquences de la décision de l’Association des médecins et médecins-dentistes (AMMD) de résilier la convention la liant à la Caisse nationale de santé (CNS).

Pourtant, les présidents des conseils médicaux pointent du doigt l’immobilisme des ministres successifs, tous socialistes entre 2004 et 2023, affirmant que les médecins représentés par l’AMMD «ont jusqu’ici accepté les nombreuses contraintes que leur imposait le conventionnement CNS». Surtout, ils soulignent que «le dialogue entre les parties prenantes s’est amplement dégradé ces dernières années» et ne sont pas étonnés d’assister aujourd’hui à une rupture. Les «préoccupations légitimes des médecins ont été insuffisamment prises en compte», jugent les auteurs de la tribune.

Après deux ans de gestion CSV du ministère de la Santé et malgré les promesses faites aux professionnels d’accéder rapidement à leurs requêtes, la situation est toujours au point mort. Certes, la ministre actuelle, Martine Deprez, promet un projet de loi sur les sociétés de médecins d’ici la fin de l’année, mais les dégâts risquent d’être énormes. Personne ne sait vraiment à quoi s’attendre quant au futur du système de santé.

La médecine ne doit pas être exercée comme un commerce, affirment les défenseurs du système solidaire, et les conseils médicaux des hôpitaux en font partie. «Dans un modèle où des capitaux privés tiers financent des structures médicales, la tentation devient forte d’orienter les activités vers les actes les plus rentables et les moins risqués, au détriment de la prise en charge globale du patient», préviennent-ils.

Dégrader la situation économique du secteur hospitalier

La décision de l’AMMD de résilier la convention et son souhait d’appliquer des tarifs libres «impacte(nt) directement le fonctionnement de l’ensemble du système de soins», indiquent les conseils médicaux des hôpitaux luxembourgeois, qui représentent plus de mille médecins hospitaliers, établis pour la plupart en exercice libéral.

Si le développement de structures extrahospitalières est légitime, écrivent-ils, pour des besoins de médecine de proximité, ils ajoutent que «ce développement doit se faire en cohérence avec les médecins hospitaliers, et non en opposition à eux». Externaliser vers le secteur privé les actes simples et ambulatoires à forte rentabilité, pour laisser aux hôpitaux les prises en charge «lourdes, complexes et coûteuses» va dégrader la situation économique du secteur hospitalier si on lui retire les segments d’activité financièrement viables.

Les conseils médicaux rappellent que la vocation première de la médecine hospitalière est d’accueillir sans distinction, 24 heures sur 24, tous les patients, quels que soient leurs antécédents ou la complexité de leur pathologie. «Ce rôle ne peut être ni substitué, ni fragmenté, ni financé à la marge», estiment-ils.

Protéger les médecins salariés

Si la situation évolue dans le sens d’une libéralisation du système de santé, se posera alors la question de la perte d’attractivité du métier de médecin hospitalier. «Pourquoi un jeune médecin choisirait-il d’exercer dans un hôpital, avec ses gardes de nuit, ses astreintes de week-end, ses responsabilités lourdes, ses urgences imprévisibles, si d’autres structures offrent des activités plus simples, plus rémunératrices et sans contrainte de continuité des soins?», questionnent les auteurs de la tribune.

Les centres ambulatoires extrahospitaliers, qui doivent être cogérés par des médecins hospitaliers et intégrés dans les filières de soins existantes, permettraient de concilier efficacité, accessibilité et cohérence du système. Les conseils médicaux des hôpitaux continueront de plaider en faveur du système existant, fondé sur la solidarité avec un prix des soins identique pour tous. Ils ne contestent pas la nécessaire adaptation du cadre légal et réglementaire du système, mais «toute réforme de la loi hospitalière ou de la convention liant les médecins à la CNS doit être menée dans un esprit de concertation élargie, incluant toutes les composantes de la profession médicale – hospitaliers, libéraux, salariés – ainsi que les patients», insistent-ils.

Ils disent être conscients que les mois à venir «devront impérativement être placés sous le signe de l’écoute, du respect mutuel et de la recherche de solutions durables, au service des patients comme des médecins».

Les conseils médicaux réaffirment leur volonté de contribuer activement à cette reconstruction du lien de confiance, «dans un esprit d’apaisement, de responsabilité et de collaboration».

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