Accueil | A la Une | Le Luxembourg cherche des «talents spécialisés» : les frontaliers, eux, s’essouflent

Le Luxembourg cherche des «talents spécialisés» : les frontaliers, eux, s’essouflent


Les problèmes de mobilité restent l’un des facteurs principaux de fuite des talents hors du Luxembourg.

Alors que les entreprises recherchent de plus en plus de profils hautement qualifiés et multilingues, le nombre de travailleurs frontaliers stagne, voire diminue.

Le marché du travail luxembourgeois traverse une période de transformation : si, selon le Guide des Salaires 2026 à paraître ce jeudi 6 novembre, la demande en talents «dotés de compétences spécialisées» reste importante, les flux frontaliers montrent, eux, des signes d’essoufflement.

L’expertise est devenue le principal facteur influençant les salaires et les stratégies de recrutement au Luxembourg, selon l’étude du cabinet de recrutement Robert Half. «Malgré un léger ralentissement de la croissance de l’emploi, la demande pour des profils spécialisés et multilingues reste forte», peut-on y lire. Les employeurs privilégient désormais «la qualité à la quantité» et «repensent la manière de rémunérer leurs talents».

Ainsi, selon les données européennes du Guide des Salaires 2026, 64 % des entreprises se basent sur «les références du marché pour fixer leurs salaires», tandis que 67 % déclarent être prêtes à «offrir une rémunération plus élevée aux candidats disposant de compétences spécialisées».

«Les employeurs luxembourgeois sont aujourd’hui plus que jamais concentrés sur le recrutement de talents spécialisés», appuie Géraldine Chatelle, Senior Talent Director chez Robert Half. «Le multilinguisme et l’expertise sectorielle restent essentiels pour assurer la conformité, stimuler l’innovation et soutenir la croissance à long terme.»

Le salaire ne suffit plus

Une évolution vers plus de sélectivité qui a été confirmée cette semaine par des universitaires français lors d’une conférence à l’Université de Lorraine axée sur l’avenir des flux frontaliers entre la France et le Luxembourg. «Le marché du travail est de plus en plus sélectif au Grand-Duché», notait ainsi Lionel Viglino, de l’INSEE.

Autre point notable de cette conférence : le tassement, quelque peu surprenant, du nombre de frontaliers lorrains au Luxembourg. Les projections des années 2020, qui évoquaient près de 300 000 frontaliers à l’horizon 2040, sont désormais loin d’atteindre leurs objectifs. Pour rappel, le pays compte actuellement environ 126 600 frontaliers français.

«Les flux vers le Luxembourg ont tendance à s’essouffler un petit peu, tout comme la main-d’œuvre», a constaté Alexandre Parment, chargé de mission de la région Grand Est. La Lorraine n’est pas seule : le nombre de frontaliers allemands et belges tend aussi à la baisse depuis 2023.

Plusieurs raisons expliquent cette évolution : les difficultés de mobilité, mais également des changements dans les motivations des travailleurs. Le salaire luxembourgeois, seul, ne suffit plus désormais à attirer (et garder) les talents.

Selon l’INSEE, un travailleur gagne en moyenne 1,7 fois mieux sa vie en exerçant sa profession au Luxembourg plutôt qu’en France. C’est certes mieux qu’en Belgique (1,3 fois), mais équivalent à l’Allemagne (1,5 fois).

Si le Guide des Salaires 2026 confirme que les entreprises luxembourgeoises sont prêtes à rémunérer généreusement les compétences spécialisées, la réalité du terrain nuance donc l’attractivité salariale du pays. Selon une étude du LISER, seulement 44 % des frontaliers choisissent désormais le Luxembourg pour des raisons salariales…

Proposer d’autres avantages

Une autre donnée surprenante a émergé lors des débats à l’Université de Lorraine : 56 % des frontaliers en poste au Luxembourg il y a onze ans… sont rentrés en France depuis. Une rotation qui varie selon les secteurs : dans la santé, le social et la sécurité, sept personnes sur dix restent au Luxembourg. À l’inverse, dans le secteur de la propreté, ce chiffre tombe à trois sur dix.

Face à ces défis, les employeurs luxembourgeois accordent donc désormais une place plus importante à l’environnement de travail et aux avantages sociaux, si l’on en croit le cabinet de recrutement Robert Half. Les entreprises proposent des avantages plus variés, «comme des régimes de retraite, une assurance maladie, des primes et des jours de congés supplémentaires». Un ensemble d’avantages qui «jouent un rôle clé dans l’attraction et la rétention des talents».

La forte demande persiste surtout dans les domaines de la finance, du risque, du droit, de la conformité et de l’informatique. À noter également que si les professionnels transfrontaliers occupent de nombreux postes à dimension internationale, les fonctions nécessitant une expertise locale restent fermement ancrées au Luxembourg.

Newsletter du Quotidien

Inscrivez-vous à notre newsletter et recevez tous les jours notre sélection de l'actualité.

En cliquant sur "Je m'inscris" vous acceptez de recevoir les newsletters du Quotidien ainsi que les conditions d'utilisation et la politique de protection des données personnelles conformément au RGPD.