Un long rapport de l’Institut français des relations internationales insiste sur l’urgence d’un renforcement militaire de l’Europe.
Les Européens doivent poursuivre leur soutien à l’Ukraine et muscler le rapport de force avec Moscou en réduisant leurs vulnérabilités, recommande un long rapport de l’Institut français des relations internationales (IFRI) publié mardi, qui voit en la Russie une «menace durable» ayant «choisi la guerre». «Les pays européens disposent du potentiel nécessaire, c’est-à-dire des moyens économiques, des compétences militaires et du savoir-faire technologique pour faire face à la Russie d’ici 2030, à condition de faire preuve de volonté politique», souligne le directeur de l’IFRI, Thomas Gomart, qui a supervisé cette étude intitulée «Europe-Russie : évaluation des rapports de force».
Sur le plan militaire, si les armées européennes bénéficient d’un très net avantage dans les domaines aérien, naval, cyber et spatial, «la Russie bénéficie fondamentalement d’un avantage dans le domaine terrestre par sa puissance de feu et par sa masse, par rapport à des armées européennes qui ne sont pas du tout taillées pour ce type de conflit», fait valoir l’expert. L’Europe doit ainsi «accélérer les efforts pour combler les déficits en effectifs et en capacités», notamment en matière de de stocks de munitions, de frappes profondes et de défense aérienne. Tandis que les forces terrestres russes comptent environ 550 000 hommes, «en 2025, 20 pays membres de l’OTAN et de l’UE sur 30 disposent de volumes de forces terrestres professionnelles inférieurs à 15 000 soldats». En cas d’opération majeure, le gros des effectifs devrait être fourni par seulement six pays, dont la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, fait valoir le rapport, dont le comité de pilotage comprenait neuf directeurs de think tanks européens.
L’Europe toujours en «économie de paix»
L’armée française doit être «prête à un choc dans trois, quatre ans» face à la Russie, qui «peut être tentée de poursuivre la guerre sur notre continent», a affirmé fin octobre le chef d’état-major des armées françaises, le général Fabien Mandon, pour justifier «l’effort de réarmement» du pays. Sur le plan budgétaire, les pays de l’Union européenne ont certes nettement augmenté leurs dépenses militaires depuis l’invasion russe de l’Ukraine décidée par Vladimir Poutine en février 2022. Toutefois, il est «indispensable» que les pays européens membres de l’OTAN finissent bien par consacrer 5% de leur richesse nationale à leur défense, conformément à l’objectif fixé par l’Otan et les États-Unis, juge l’étude de l’IFRI, qui a bénéficié du soutien du ministère français des Armées.
En outre, l’Europe «a conservé une économie de paix» et «a peiné à traduire l’augmentation de ses dépenses par une hausse proportionnelle de sa production industrielle», déplore le rapport, en pointant notamment la faible montée des cadences dans le domaine des missiles. «La meilleure manière de faire face à la Russie, c’est de soutenir l’Ukraine et de combler les lacunes militaires critiques», conclut Thomas Gomart. «Si les Européens ne maintenaient pas leur unité, s’ils se retrouvaient confrontés à un retrait américain et à une défaite ukrainienne, le risque d’une confrontation directe entre la Russie et l’Europe augmenterait considérablement», prévient-il. Enfin, face aux agressions hybrides russes (attaques cyber et informationnelles, sabotage, espionnage…), «l’UE doit adopter une position plus affirmée et proactive» en appliquant rigoureusement les sanctions, en restreignant la diffusion des médias pro-kremlin et en intensifiant les poursuites judiciaires visant les activités clandestines, suggère l’étude.