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Un cuisinier licencié pour abandon de poste obtient gain de cause auprès de la Cour


Le second de cuisine avait quitté son poste à 10 h, sur un coup de tête. Licencié pour faute grave, il a gagné son procès en appel.  (Photo d’illustration : julien garroy)

Il abandonne son poste de travail, et la Cour estime que cela ne peut pas être considéré comme une faute grave dans son cas. Le licenciement de ce second de cuisine était abusif.

Dans un restaurant, voir son second de cuisine quitter soudainement son poste avant le service de midi, c’est une hantise déjà vécue par des patrons. «Je me souviens d’un tel cas il y a quelques années, c’était un 14 février pour la Saint-Valentin, le restaurant était plein et le patron s’est retrouvé seul en cuisine, assurant aussi une partie du service parce que son chef avait claqué la porte quelques heures plus tôt», raconte un habitué de l’établissement. Dans ce cas précis, le problème provenait d’un retard dans le versement du salaire.

L’histoire de ce second de cuisine qui a été licencié pour faute grave n’a rien à voir avec ce cas de figure. Il a quitté son poste à 10 h 30 un matin sans prévenir sa hiérarchie et sans répondre aux messages que son supérieur lui envoyait dans la foulée pour obtenir des explications. Finalement, il lui en donnera une heure après son départ par téléphone. Le second de cuisine, engagé depuis trois ans dans l’établissement, est parti après avoir essuyé une remarque de son supérieur, alors qu’il était attablé à 10 h dans le salon de consommation de cette pâtisserie avec une jeune femme qui consommait un café.

Ni une ni deux, le salarié décide de quitter son poste une demi-heure plus tard. «Par cet abandon de poste soudain, vous avez mis la société en difficulté pour assurer le service de restauration de midi», lui reproche son employeur, qui s’est vu dans l’obligation de le licencier avec effet immédiat pour faute grave conformément au code du travail. «Cette faute rend immédiatement et définitivement impossible le maintien des relations de travail», conclut son employeur en rappelant que ce jour-là, le second de cuisine savait pertinemment que son collègue était en repos.

Un licenciement contesté par le salarié

Ce courrier valait résiliation immédiate du contrat de travail pour faute grave, de sorte que la présence du salarié sur son lieu de travail lui a été interdite. Le salarié a contesté ce licenciement et il a demandé par requête de voir son employeur condamné à lui payer, à la suite de son licenciement avec effet immédiat qu’il estime abusif, la somme globale de 43 899,86 euros avec les intérêts au taux légal à partir de la demande en justice jusqu’à solde.

Le tribunal du travail a déclaré le licenciement avec effet immédiat du 15 juin 2022 fondé et justifié, mais le 8 décembre 2023, le salarié relève appel de ce jugement. Le salarié a, en première instance, critiqué la précision des motifs invoqués par l’employeur à l’appui du licenciement avec effet immédiat du 15 juin 2022.  Son employeur n’aurait pas expliqué avec précision la désorganisation du service qu’aurait causé cet abandon de poste. La Chambre des salariés explique que c’est une obligation dictée par la loi «pour empêcher l’auteur de la résiliation d’invoquer a posteriori des motifs différents de ceux qui ont réellement provoqué la rupture». Elle permet finalement au juge d’apprécier la gravité des fautes commises et d’examiner si les griefs invoqués s’identifient à ceux notifiés par l’employeur à son salarié dans la lettre énonçant les motifs du licenciement.

Cela permet aussi au salarié de connaître exactement le ou les faits qui lui sont reprochés et de juger ainsi, en pleine connaissance de cause, de l’opportunité d’une action en justice de sa part en vue d’obtenir paiement des indemnités prévues par la loi en cas d’un licenciement abusif.

Fait unique

La Cour a approuvé le tribunal du travail d’avoir retenu que le motif invoqué par l’employeur a été indiqué avec une précision suffisante, étant donné que la lettre de licenciement fait état non seulement d’une absence injustifiée en date du 15 juin 2022, mais explique encore en quoi cette absence était de nature à perturber l’organisation du service.

Dans le cas présent, la désorganisation du service serait d’autant plus importante qu’une autre salariée de la société qui aurait normalement assuré le service avait pris son jour de repos le 15 juin 2022. Le salarié n’aurait par conséquent pas pu ignorer que son absence allait désorganiser le service.

Dans l’appréciation des faits ou fautes, les juges tiennent compte du degré d’instruction, des antécédents professionnels, de la situation sociale d’un salarié et de tous les éléments pouvant influer sur la responsabilité du salarié et des conséquences du licenciement. Un fait unique peut justifier un renvoi immédiat s’il est suffisamment grave.

La Cour a estimé que l’abandon de poste du salarié constitue en l’espèce un fait unique et isolé dans la carrière de ce salarié qui a bénéficié d’une ancienneté de service de trois ans, de sorte qu’il ne saurait constituer une faute sérieuse de nature à justifier un licenciement avec effet immédiat.

La Cour retient en conséquence, par réformation, que le licenciement avec effet immédiat du 15 juin 2022 est abusif.

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