Moins meurtrières que les noyades, les attaques de requin restent toutefois une préoccupation majeure en Australie. Filets, drones, traceurs et combinaisons résistant aux morsures… À Sydney, on ne manque pas d’idées. Ambiance.
Au-dessus des plages de Sydney, des drones surveillent l’un des prédateurs les plus meurtriers de l’océan, guettant le moindre mouvement de queue, de nageoire ou d’ombre glissant à travers les vagues. Les eaux australiennes abritent de nombreux requins, qui effraient sans dissuader les passionnés de nage, surf et autres sports aquatiques. En 2024, près des deux tiers de la population australienne ont effectué 650 millions de visites sur le littoral, selon une enquête. Mais cette affluence n’est pas sans risque. Même si elles restent rares, les attaques mortelles de squales semblent augmenter, avec 56 signalées depuis 2000, contre 27 au cours du quart de siècle précédent.
La surpopulation des eaux et la hausse des températures océaniques pourraient contribuer à l’augmentation du nombre des attaques, malgré la surpêche qui décime certaines espèces, avancent des scientifiques. Le mois dernier, un surfeur a perdu la vie après avoir été attaqué par un grand requin blanc au large d’une plage populaire du nord de Sydney. Un «accident tragique et inévitable», selon sa famille, qui touche un point sensible en Australie : quel dispositif adopter pour se protéger des requins?
Une technique en plein essor fait intervenir des drones, qui ont repéré et suivi plus de mille squales le long des côtes de la Nouvelle-Galles du Sud en 2024. «Si l’on voit quelque chose, on descend et on zoome pour voir s’il s’agit d’un requin dangereux ou non», explique Oliver Heys, cadre de l’association Surf Life Saving New South Wales. Les pilotes de drones recherchent trois types de requins considérés comme les plus dangereux : les requins-tigres, les requins-bouledogues et les grands requins blancs, dont l’espèce est à elle seule à l’origine de 42 % des attaques depuis 2000. Le cas échéant, les secouristes envoient un jet-ski ou un bateau afin d’éloigner l’animal.
Il n’y a pas de solution miracle!
Autre dispositif courant : la mise en place chaque été de filets au large des côtes de Nouvelle-Galles du Sud et du Queensland suscite de nombreuses controverses. Trois collectivités locales ont envisagé de les supprimer cette année, mais leur initiative a été suspendue après le drame mortel de septembre. Des données officielles montrent que ces filets capturent des tortues, des dauphins, des poissons ou des raies en voie de disparition. À l’échelle mondiale, environ 37 % des espèces océaniques de requins et de raies sont maintenant considérées comme menacées ou en danger critique d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Et ces filets, déployés depuis près de huit décennies, ne sont plus adaptés, affirme Leonardo Guida, un spécialiste des squales à l’Australian Marine Conservation Society. «Il n’y a pas de solution miracle!», concède-t-il. «On ne va pas éliminer 100 % du risque, mais nous pouvons l’atténuer autant que possible», soutient-il cependant. Une autre technique repose encore sur l’utilisation de bouées, équipées d’hameçons avec des appâts, qui envoient une alerte lorsqu’un requin mord et marquent alors l’animal avec des traceurs. Les baigneurs et les surfeurs peuvent alors surveiller les squales grâce à une application appelée Shark Smart, qui les avertit en temps réel lorsqu’un spécimen marqué s’approche.
Mais cette technologie ne fonctionne que si le requin a été marqué ou nage à proximité d’une antenne capable de le détecter. Attaquant le problème sous un autre angle, des scientifiques cherchent à réduire le risque de mourir en cas de blessure. Avec son équipe, Charlie Huveneers, professeur à l’université Flinders d’Adélaïde, a testé des combinaisons de plongée résistant aux morsures afin de déterminer si elles pouvaient réduire les blessures et les pertes de sang, la cause de mort la plus fréquente au cours d’une attaque de requin.
Cette étude, financée par le gouvernement de Nouvelle-Galles du Sud, révèle que les quatre matériaux testés peuvent réduire les dommages provoqués par une morsure par rapport aux combinaisons classiques. Les précédentes recherches de Charlie Huveneers ont également montré qu’un dispositif électronique individuel, conçu pour repousser les squales en perturbant leur système électrosensoriel, pouvait réduire le risque de morsures d’environ 60 %.
«L’Australie est à la pointe des méthodes pour réduire les morsures de requin», assure-t-il. «Nous pouvons réellement sauver des vies.» Selon une base de données nationale, plus de 1 280 incidents impliquant des requins ont été enregistrés autour de l’Australie depuis 1791, dont environ 260 ont été mortels. Ces attaques restent donc relativement peu fréquentes, au regard d’autres dangers. Ainsi, les noyades, par exemple, sont à l’origine d’un plus grand nombre de morts, 357 entre juin 2024 et juin 2025.