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Loi antitabac : «Nous sommes allés plus loin que d’autres pays»


Très appréciés des lycéens, les sachets de nicotine seront interdits à la vente aux mineurs si le projet de loi est adopté.

Après deux années de travail, le projet de loi 8333 va être débattu et soumis au vote des députés ce jeudi. Son but : durcir la réglementation concernant les produits nicotiniques en vogue, surtout chez les jeunes.

Déposé le 20 octobre 2023 par l’ancienne ministre de la Santé, Paulette Lenert, le projet de loi sur la lutte antitabac est enfin à l’ordre du jour de la Chambre des députés cet après-midi. Ledit texte législatif va être débattu et soumis aux votes après deux années mouvementées, tant par l’importance du sujet que les nombreuses procédures parlementaires effectuées.

«J’ai une vingtaine de pages sur mon bureau et c’est déjà une version assez courte du projet en vue de mon discours de jeudi» raconte Françoise Kemp, députée CSV et rapporteure du projet de loi depuis septembre 2024 et le décès de son prédécesseur, Max Hengel, un mois auparavant.

Depuis, la jeune élue a pris le sujet du tabac à bras-le-corps et ne peut cacher une certaine émotion avant la présentation du texte à la Chambre. «Du fait que c’était un dossier aussi compliqué et long, je ressens un peu de pression. C’est aussi une question de santé publique, surtout pour protéger la jeunesse, donc c’est un sujet très important et qui intéresse tout le monde.» En quinze minutes, elle aura la lourde tâche de résumer l’historique du dossier composé de dix-sept avis, de sept réunions de commissions et de trois séries d’amendements.

Fini les arômes et l’emballage attirants

L’objectif initial est le retrait de certaines exemptions dont bénéficient les produits du tabac chauffés, ceux qui utilisent un appareil électronique pour chauffer du tabac autour de 350 degrés, une température plus basse que la combustion des cigarettes (800-900 °C) et qui n’engendre pas de fumée.

Selon la Commission européenne, «ce marché du tabac chauffé a extrêmement augmenté» avec une hausse du volume des ventes d’au moins 10 % dans cinq États membres. Cette popularité a ainsi suscité une directive européenne, que le projet de loi 8333 souhaite transposer dans la législation nationale, afin de réglementer plus strictement ces produits grâce à l’interdiction des arômes (goûts fruit, bonbon, menthe, etc.) et l’obligation d’avertissements sanitaires.

Grâce à un amendement, ces deux mesures, déjà appliquées aux cigarettes et tabac à rouler, ont été étendues à d’autres produits également en vogue : les sachets de nicotine (aussi appelés snus) et autres nouveaux produits nicotiniques. «En ajoutant les sachets de nicotine, nous sommes allés plus loin que d’autres pays» souligne la députée.

L’enjeu est de «protéger la jeunesse» des arômes sucrés, des packagings colorés et de l’absence d’informations sur les risques encourus. Selon les organismes de santé, dont la Fondation cancer, le danger de ces produits réside dans l’addiction à la nicotine et le risque d’en faire des portes d’entrée vers d’autres formes de tabagisme.

Les sachets de nicotine interdits aux mineurs

Pour les sachets de nicotine, le projet de loi va également au-delà des exigences minimales européennes. D’une part, la teneur maximale de nicotine par sachet, par unité ou gramme de produit nicotinique sera fixée à 0,048 milligramme, sous peine d’être interdit à la vente au Grand-Duché. Autre interdiction : les sachets contenant des additifs et stimulants associés à l’énergie ou la relaxation (caféine, taurine, CBD).

Les produits devront également être inviolables par les enfants afin d’éviter une intoxication accidentelle et les fabricants seront tenus d’observer les règles d’hygiène prévues pour le secteur alimentaire, en plus de devoir lister et quantifier tous les ingrédients.

«Comme l’a dit la Conférence nationale des élèves, qui a rapporté que 21 % de lycéens avaient déjà consommé des sachets, il faut aussi réglementer la vente» explique Françoise Kemp. D’où la présence d’articles visant à interdire la vente aux mineurs, à interdire la consommation dans des lieux fréquentés par des mineurs, à interdire la vente à distance pour les particuliers, à réglementer la publicité et à introduire des actions de sensibilisation.

Si le texte est adopté malgré quelques mécontents parmi les députés et différentes parties prenantes, la rapporteure prévient que «le tabac n’aura jamais de loi terminée, car il y a toujours des nouveaux produits donc le sujet sera toujours présent dans la vie politique». Toujours est-il qu’en cas d’adoption, l’actuel projet de loi entrera en vigueur le premier jour du mois qui suit celui de sa publication au Journal officiel, soit d’ici décembre.

Un texte qui ne fait pas l’unanimité

Coincé entre ceux qui jugent sa réglementation excessive ou insuffisante, le projet de loi fait débat auprès des parlementaires, de la Fondation cancer et de la Chambre de commerce.

À la Chambre, «je sais déjà dans quelles directions vont aller les discussions» annonce Françoise Kemp, rapporteure du projet de loi. Si son camp, le CSV, soutient le texte tel quel, deux autres partis ne sont pas satisfaits et l’ont déjà fait savoir. «Le LSAP et l’ADR ont soumis des amendements en octobre 2024 et je crois qu’ils vont s’aligner à nouveau sur ces amendements» anticipe-t-elle, bien que les deux propositions aient été rejetées en commission.

Du côté du parti socialiste, le groupe parlementaire réclame l’interdiction totale des sachets de nicotine par principe de précaution afin de protéger les jeunes. À l’inverse, l’ADR propose d’augmenter la quantité maximale de nicotine par sachet de 0,048 à 20 milligrammes afin de réduire le risque que les consommateurs contournent la loi en se procurant le produit à l’étranger.

Dans les autres camps, il convient de noter que Gérard Schockmel, député du DP, s’est abstenu en commission lors du vote sur l’adoption du rapport. «Le LSAP s’est aussi abstenu lors de ce vote et l’ADR n’était pas présent ce jour-là», précise la rapporteure.

Les «puffs» grandes absentes

Outre quelques parlementaires, le projet de loi est aussi critiqué par la Chambre de commerce qui a demandé son retrait lors de ses trois avis. Tout en reconnaissant les objectifs de santé publique, l’organisme estime qu’aller au-delà des exigences européennes serait nuisible à l’attractivité économique du pays ainsi qu’au libre-échange européen. Elle s’oppose à l’assimilation des sachets de nicotine en tant que denrées alimentaires et considère que la limite de 0,048 milligramme de nicotine par sachet ou unité de produit revient, de facto, à une interdiction totale.

La Fondation Cancer, elle, est favorable mais regrette certaines insuffisances, à commencer par l’absence d’interdiction des «puffs», ces cigarettes électroniques jetables très appréciées des jeunes. «Sur ce point, ce sera dans un autre projet de loi lancé par le ministère de l’Environnement puisqu’il s’agit de déchets», explique Françoise Kemp. L’organisme de santé aurait également souhaité que les «puffs» aient la même réglementation que les nouveaux produits nicotiniques et milite, comme le LSAP, pour l’interdiction totale des sachets de nicotine.

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