L’artiste français, anonyme, sème depuis quinze ans des hommages colorés au célèbre plombier de Nintendo et à d’autres figures populaires. Avec lui, les rues du monde entier se transforment en terrain de jeu pixélisé.
Perché au-dessus d’une vitrine, à Lyon, le street artiste In The Woup pose la mosaïque d’un personnage aux allures de Mario, le célèbre plombier moustachu qui lui a inspiré plus de 200 œuvres glissées dans les rues du monde entier. Le mosaïste autodidacte, qui ne veut pas être connu autrement que par son pseudonyme, avoue avoir grandi avec le personnage à casquette rouge, dont le jeu vidéo Super Mario Bros fête ses 40 ans. Ainsi, depuis 15 ans, il revisite l’univers pixélisé de cette «icône» reconnaissable «partout», disséminant ses créations aux quatre coins des villes françaises mais aussi au Mexique, en Inde, au Kazakhstan…
«Et si Mario avait d’autres costumes, à quoi pourrait-il ressembler ?», interroge In The Woup, le visage dissimulé derrière un masque à l’effigie du plombier italien pour garder l’anonymat. La Joconde, le pirate Barbe-Rouge tiré de la BD Astérix, le rappeur Orelsan ou encore Karl Lagerfeld… Le père de famille a déjà inventé la version pixélisée de quelque 500 personnages, figures populaires «issues des mangas, des jeux vidéo, du cinéma, de l’actualité…». Et a glissé subtilement la moitié d’entre eux dans le paysage urbain, rappelant aux passants la nostalgie des premiers jeux vidéo de Mario, «madeleine de Proust» de cet artiste né cinq ans après la première apparition sur écran, en 1981, du personnage alors dénommé «Jumpman».
Retrouver des éléments de ma console dans la rue, c’était pouvoir amener dans le réel des choses immatérielles
«Retrouver des éléments de ma console de jeu dans la rue, c’était pouvoir amener dans le réel des choses qui sont immatérielles», explique celui qui se disputait enfant la manette avec son frère. Au total, 224 de ses œuvres ornent les recoins de 56 villes et 12 pays, détaille-t-il fièrement. «Partout où je voyage, j’emmène toujours de la mosaïque», explique le trentenaire, qui occupe un emploi principal – qu’il n’a pas voulu préciser – à côté de son art. Et quand le Lyonnais n’embarque pas ses carreaux colorés avec lui dans sa valise, il vend ses œuvres pour «plusieurs milliers d’euros», confie-t-il. Il collabore également avec des municipalités et a exposé, il y a quelques mois, son travail à l’Urban Art Fair, première foire internationale dédiée à l’art urbain.
Sa recette, un savant mélange de la technologie 16 bits, utilisée à partir de Super Mario World dans les années 1990 – et donc très pixélisée –, et du monde de «la bande dessinée franco-belge, des comics américains, des mangas et des jeux vidéo», énumère l’artiste. «Il faut que les deux univers, à mes yeux, soient parfaitement mélangés», explique In The Woup au milieu de son atelier, une pièce exiguë de son domicile où sont entassés des émaux de Briare, la principale mosaïque qu’il utilise. Après avoir imaginé son motif à l’aide de son stylet sur tablette, il transpose l’image en alignant minutieusement les carreaux colorés, passant ainsi de «pixel artiste» à «mosaïste».
À l’honneur cette fois, Bob Sinclar, DJ qu’il «aime beaucoup», ou plutôt son personnage, barbe, écouteurs aux oreilles et mains aux platines. Après quelques coups de colle balayés au dos de l’œuvre à même le sol d’une rue de Lyon et une pose minutieuse à bout d’échelle, la figure orne la devanture noire d’une boutique du label de musique UML records. Le décor est, comme toujours, soigneusement choisi. Sans demander pour autant l’accord préalable aux propriétaires, car In the Woup n’est «pas du genre à préparer trop de choses en avance».
«En général, ils disent oui», car «les gens aiment bien le street art et la mosaïque», qui transforment les rues en «galeries à ciel ouvert», juge-t-il. Au point de charmer toutes les générations. Jacqueline Fendler, 85 ans, est descendue de son appartement pour admirer la nouvelle mosaïque, après l’avoir aperçue depuis sa fenêtre. Elle la trouve «formidable» et s’empresse de se prendre en photo avec l’artiste, qui remet son masque Mario pour cacher son visage. «Plein de gens différents m’écrivent», constate-t-il. «Mario, tout le monde y a joué, que t’aies pas une thune ou que tu sois blindé. C’est ça qui est kiffant!»