Voilà un sujet certainement clivant, mais qui fait beaucoup parler ces derniers mois un peu partout en Europe et aux États-Unis : la non-mixité choisie. Les soirées réservées aux femmes, comme la Bringue, qui a fait une halte il y a quelques semaines à Luxembourg, les clubs de sport «women only» ou encore les applications de covoiturage avec filtre genré se multiplient, comme une réponse pragmatique aux violences et au harcèlement que subissent les femmes au quotidien.
Et il faut le reconnaître : ces espaces fonctionnent. Ils offrent un répit bienvenu, un lieu où l’on peut danser sans être importunée, faire du sport sans regards insistants, exister sans être systématiquement objectifiée, ramenée à son corps. Les soirées de la Bringue affichent très rapidement complet partout en France, et cette non-mixité voulue n’a eu de cesse de prendre de l’ampleur depuis le phénomène #MeToo.
Pourtant, derrière ce soulagement légitime, une question persiste : ne sommes-nous pas en train de fuir le problème plutôt que de le résoudre? En créant des bulles protectrices, nous validons implicitement l’idée que l’espace mixte est irrécupérable, qu’il appartient aux hommes, qui, eux, ne peuvent pas changer, et que la cohabitation égalitaire est donc une utopie.
La non-mixité est un pansement nécessaire sur une plaie sociale, c’est certain. Mais un pansement n’est pas un remède. Le véritable enjeu reste la transformation des espaces mixtes eux-mêmes : sanctionner plus efficacement les comportements déplacés, éduquer les garçons dès le plus jeune âge au respect et au consentement, déconstruire les normes qui alimentent les violences d’hier et d’aujourd’hui.
Le risque ici? Que cette séparation devienne la norme, une forme de résignation collective. Que nous acceptions de vivre dans des mondes parallèles plutôt que de nous battre pour un espace commun réellement égalitaire. Car céder l’espace mixte, c’est aussi renoncer à la mixité comme horizon désirable. Et Emma Watson, en 2014, alors ambassadrice de bonne volonté à l’ONU Femmes, le disait si bien : «Comment pouvons-nous espérer changer le monde quand la moitié de la population n’est pas invitée?»
La non-mixité est bénéfique et je suis la première à y participer avec ferveur. Mais elle doit rester ce qu’elle est : une solution temporaire, un refuge nécessaire, mais jamais une finalité. Notre société ne sera vraiment apaisée que lorsque les femmes pourront enfin investir tous les espaces sans avoir à choisir entre liberté et sécurité.