Après un parcours semé d’embûches dans le bio, l’éleveur porcin Michel Steichen, basé à Welscheid, a signé ce vendredi un partenariat lui permettant d’atteindre son objectif : les rayons de Cactus.
«Le fait de mal dormir la veille ou de devoir parler à la presse, heureusement qu’on ne fait pas cela tous les jours», sourit Michel Steichen, un peu perturbé par l’heureux évènement du jour. Ce vendredi, ce jeune éleveur de porcs bios reçoit du beau monde dans sa ferme «Biohaff Steichen» : Laurent Schonckert et Jeff Leesch, à la direction du groupe Cactus, ainsi que Jo Studer, l’un des patrons de La Provençale. Si ce trio de dirigeants est présent dans cette exploitation basée à Welscheid, petit village au nord d’Ettelbruck, ce n’est pas pour visiter mais signer un partenariat avec l’agriculteur.
Ce dernier vient de signer un contrat permettant à Cactus d’acheter sa viande auprès du grossiste alimentaire qu’il fournit déjà depuis 2023. «J’ai toujours été très content de travailler avec La Provençale, mais ma viande n’alimentait que l’Horeca donc j’ai voulu donner la possibilité aux consommateurs d’en avoir aussi», explique Michel Steichen. «Je suis soulagé et c’est une fierté d’avoir mon produit chez Cactus, cela a toujours été mon but», confie l’intéressé.
Coûts élevés et frilosité des banques
À travers ce partenariat, l’enseigne de supermarchés va commercialiser le label «Bio Porc vum Lëtzebuerger Bauer» qui lui permet de lancer sa septième filière de produits luxembourgeois après le bœuf, le jeune bovin, le poulet, l’agneau, les grains et les fruits et légumes. Pour l’éleveur, c’est la consécration et la récompense d’un travail de longue haleine pour le bio.
«Mon père avait 250 truies en élevage conventionnel et 16 vaches en bio, ce qui a permis de me familiariser avec la méthode. Puis, je suis parti à l’étranger voir ce qui se faisait en matière de maternité bio pour le cochon, motivé par le bien-être animal», raconte-t-il. Après avoir repris l’affaire familiale, Michel Steichen souhaite rénover une porcherie fraîchement construite en 2014 afin de la mettre aux normes bios. Malgré toute bonne volonté, impossible ou presque : «Des experts nous ont dit que ça nous coûterait plus cher que de construire une nouvelle porcherie.»
Cinq ans plus tard, l’éleveur n’a pas abandonné son objectif et part à la recherche de partenaires intéressés par du porc bio afin de financer une nouvelle porcherie adaptée. «Début 2020, La Provençale me dit oui, on signe un contrat d’exclusivité et ils me garantissent un prix plus ou moins fixe ce qui était vital, car le bio coûte plus cher.»
Ce n’est pas gagné pour autant puisqu’il met près d’un an à convaincre la banque de lui prêter, «car personne ne faisait encore du porc bio au Luxembourg donc ils n’avaient pas de chiffres sur un tel projet». Finalement, la construction de la nouvelle porcherie débute enfin en 2022 et permet la vente du premier porc bio en novembre de l’année suivante.
«J’ai toujours voulu faire du régional»
Fin 2023, «je lis que Cactus se dit toujours ouvert à la production bio donc je les appelle en leur disant : « Je suis là« .» L’audace de l’agriculteur paye puisque des représentants du groupe se déplacent à Welscheid à l’été 2024 afin de visiter la ferme et en sortent conquis. Ce qui les conduit à la signature du partenariat tripartite qui stipule, à moyen terme, la vente hebdomadaire de quatre bêtes à Cactus qui se retrouveront en rayon dès le 27 octobre.
«Je suis content que ce soit Cactus, car nous avons besoin de leur clientèle puisque les gens qui vont chez Aldi n’ont pas forcément le même budget pour du bio.» Michel Steichen souligne également les efforts supplémentaires que demande cette reconversion : «Mon père était presque seul à s’occuper de 250 truies, tandis que nous sommes deux et demi à s’occuper de 70 truies».
Dans le contexte actuel délicat pour les éleveurs européens se disant menacés par l’accord du Mercosur et l’importation de viandes à bas coût, l’agriculteur reconnaît «la chance» qu’il a. Pour ses collègues, il espère «que les gens vont faire plus attention d’où vient leur viande et qu’ils seront prêts à mettre deux euros de plus pour avoir du local». Le seul éleveur porcin 100 % bio du Grand-Duché a aussi attiré les regards à l’étranger, dont des acheteurs intéressés aux Pays-Bas. Malgré l’intérêt flatteur, «j’ai toujours voulu faire du régional, du luxembourgeois, donc à quoi bon vendre ailleurs?».