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[Cinéma] «Une histoire d’amour  et de douleurs»


(Photo : new light films)

Roschdy Zem et Marina Foïs incarnent le couple Montand-Signoret, et racontent les amours tendres comme cruels de ce duo mythique.

On connaît leur vie publique, le film parle de leur intimité : dans Moi qui t’aimais de Diane Kurys, Marina Foïs et Roschdy Zem prêtent leurs traits et leur amitié au couple formé par Simone Signoret et Yves Montand. Entretien croisé.

Que représentent, pour vous deux, Simone Signoret et Yves Montand?

Roschdy Zem : Avant de me pencher sur eux, pour moi, c’était un couple public de grands acteurs. Et j’avais surtout un souvenir de personnes très engagées.

Marina Foïs : Ils ont incarné la culture et l’engagement politique, à gauche, très fort. Un courage aussi qui est assez rare : celui d’avoir cru à un idéal communiste dont ils sont revenus et d’avoir assumé de le dire. Ça, c’est la face émergée. On se doute bien qu’être un couple d’acteurs, c’est plus complexe. Être un couple aussi dans ces années-là, où les femmes n’ont pas les mêmes droits, où elles acceptent ou ont intériorisé une espèce de misogynie.

Comment avez-vous réagi lorsqu’on vous a proposé de les incarner? 

R. Z. : J’ai été surpris – je ne me suis pas imaginé dans ma carrière incarner un jour quelqu’un comme Montand. Mais la réalisatrice m’a expliqué qu’elle avait établi une corrélation entre lui et moi. En me parlant de son parcours, celui d’un enfant d’immigré, elle m’a convaincu. Je me suis alors penché sur sa biographie et j’y ai vu pas mal d’analogies avec moi. Cela a donc fini par faire sens à mes yeux.

M. F. : À 16 ans, j’étais très fan de Signoret : c’était ma référence absolue. Pas tant pour sa filmographie que je connaissais pourtant, mais pour le personnage public qui me plaisait beaucoup. Je pensais avoir un rapport privilégié avec elle, que je lui ressemblais, et je m’étonnais que personne autour de moi ne voie cette ressemblance. Aujourd’hui, après l’avoir longuement « étudiée », je peux quand même dire que nous avons des points communs…

À force de manger du Montand et du Signoret, on finit par se laisser submerger

Comment vous êtes-vous préparés pour ces rôles?

R. Z. : L’idée de départ, c’est de jouer Montand et de s’en tenir à ça. Mais je me suis laissé emporter, en l’étudiant, en le regardant de près. À force de manger du Montand et du Signoret, on finit par se laisser submerger par leur personnalité, et on est gagné par quelque chose qu’on ne maîtrise pas.

M. F : Diane Kurys a un parti pris fort. On a essayé des prothèses et, très vite, on a abandonné l’idée de transformer nos visages. Elle n’avait pas envie de nous planquer sous des tonnes de latex. Elle avait envie de voir Roschdy et Marina dans Montand et Signoret. C’est une évocation, et à travers eux, on raconte une époque, un état du cinéma, un état du monde, un état du couple. Ça nous laissait une grande liberté.

Qu’avez-vous pensé du scénario?

R. Z. : Ce qui m’a séduit, c’est qu’il ne s’agit pas d’un biopic qui retrace les origines du personnage et sa réussite professionnelle, et qui va jusqu’à sa disparition. Le scénario s’attarde sur la dernière période de leur existence, à lui et à Simone, et raconte avant tout une histoire d’amour. Du coup, le film devient une proposition et non pas une exposition.

M. F. : Idem. En se concentrant sur les quinze dernières années de Simone, la réalisatrice avait trouvé l’axe pour raconter la femme et l’actrice sans être exhaustif, raconter la grande beauté quand elle est passée, le grand amour quand il est abîmé… C’est ce qui m’intéressait chez Simone : cette période où elle a les cheveux gris, où elle boit et où elle a pris du poids, elle a vieilli, elle est marquée. Je ne connais pas d’autre actrice qui assume à ce point ce qu’elle est, et qui ne transforme pas ce qu’elle est, ni à son époque, ni aujourd’hui.

Filmer l’intimité de leur histoire, c’est finalement parler de passion et de souffrances, non?

R. Z. : Oui, ce film, c’est une histoire d’amour entre un homme et une femme qui sont, aux yeux d’un pays, des icônes. Qu’est-ce que cela fait de s’aimer sur toutes ces années à travers le regard que les autres portent sur eux?

M. F. : On connaît leur vie publique mais le film, définitivement, parle de leur intime et de leur vie privée. Je crois qu’il y a une espèce d’honnêteté dans le regard posé sur eux. On ne raconte pas un couple idéal, mais aussi sa douleur. Et puis, il y a cette question de l’image au sein d’un couple qui est intéressant. Qu’est-ce qui reste de Montand et Signoret quand Simone et Yves mangent des pâtes ou s’engueulent? Ça bouleverse quoi dans l’intimité d’être un couple public? Qu’est-ce qu’on doit aux gens? Il n’y a pas une interview de Montand où on ne lui demande pas « et Simone elle en pense quoi? ».

Vous parlez de l’engagement politique du couple Montand-Signoret. Qu’en est-il pour vous?

R. Z. : Pour moi, ça ne veut rien dire d’être engagé politiquement. Si vous n’êtes pas engagé, c’est que vous n’en avez rien à foutre. C’est un droit. Être engagé, c’est être dans la vie. Tout simplement.

M. F. : On est d’abord citoyens et parents avant d’être acteurs. Donc on a une pensée, une morale, une éthique, des idéaux et des engagements.

Moi qui t’aimais, de Diane Kurys.
Actuellement en salles.

 

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