La superproduction française Chien 51 plonge un casting XXL (Adèle Exarchopoulos, Gilles Lellouche…) dans un Paris futuriste et anxiogène, où le maintien de l’ordre a été sous-traité à l’intelligence artificielle.
«J’avais une forte envie de fiction, parce que mes films précédents étaient inspirés de faits réels», a expliqué le réalisateur Cédric Jimenez, connu pour BAC Nord (2020) ou Novembre (2022), en marge de la présentation de Chien 51 en clôture de la Mostra de Venise, début septembre.
Dans ce nouveau film, la capitale française est quadrillée par des checkpoints policiers qui divisent la ville en couches sociales, de la zone 1 réservée aux nantis à la zone 3, entassement de bidonvilles gangrénés par la criminalité.
Adaptation du même nom du roman de Laurent Gaudé, publié en 2022 et qui se déroulait à Athènes, le titre renvoie au matricule «C51» de Zem Brecht (Gilles Lellouche), flic insomniaque relégué dans la zone 3 et chargé d’enquêter sur l’assassinat de l’inventeur d’Alma, une IA surpuissante qui régente l’ordre public avec la bénédiction du ministère de l’Intérieur.
Zem doit faire équipe avec Salia Malberg (Adèle Exarchopoulos), inspectrice de la zone 2, pour élucider ce meurtre que les autorités imputent à une organisation clandestine menée par le mystérieux Jon Mafram (Louis Garrel), qui appelle à faire tomber les checkpoints et à combattre la technostructure.
Dans un Paris qui semble tout droit sorti d’un épisode de la série d’anticipation Black Mirror, la reconnaissance faciale est partout, le port d’un bracelet d’identification obligatoire et l’IA omnipotente, même si elle n’est pas le sujet principal du film, a insisté le réalisateur.
Elle est d’ailleurs totalement absente du roman, qui se penche plutôt sur les technologies invasives liées à la médecine – comme contrepoint, le film laisse hors-champ la question du dérèglement climatique, symbolisé dans le livre par les pluies acides qui s’abattent sur la ville.
«C’est en introduisant l’intelligence artificielle dans le scénario que, progressivement, on a déplacé la narration du roman», reconnaît Olivier Demangel, coscénariste avec Cédric Jimenez. Plutôt que parler de science-fiction ou d’anticipation, le réalisateur «préfère parler de « présent augmenté »» : le classique Blade Runner (Ridley Scott, 1982) était à ce titre l’une des références visuelles et scénaristiques du film.
Entre Minority Report (Steven Spielberg, 2002) pour la dystopie policière et la saga Mission : Impossible pour les scènes d’action, ce film à gros budget dépeint une société déshumanisée. «Je ne crois pas trop au remplacement de l’humain par l’IA dans l’art», a estimé Cédric Jimenez, qui dit par ailleurs ne «pas (avoir) de véritable positionnement» sur le sujet, mais qui a concédé avoir utilisé l’IA… pour créer la voix de l’IA dans le film.
Pour le reste, il s’en est tenu à un «gros travail» avec ses équipes, particulièrement le chef décorateur, Jean-Philippe Moreaux, et le directeur de la photographie, Laurent Tangy, afin de faire vivre ce monde futuriste, «pour qu’il reste proche de notre société sans qu’il ne soit déceptif dans la promesse du genre».
Moreaux, Tangy, le compositeur Guillaume Roussel et bien d’autres dans l’équipe sont des réguliers du cinéma de Cédric Jimenez, qui dit «aimer l’esprit de famille». C’est encore notamment le cas de Gilles Lellouche.
Pour sa quatrième collaboration avec l’acteur, et sa deuxième avec Adèle Exarchopoulos, Cédric Jimenez assure avoir «écrit les rôles pour eux deux, ils étaient au courant avant même qu’on entame le scénario».
Une envie «naturelle», une «évidence» aussi car au cœur du film, il y a cette «histoire d’amour un peu contrariée entre deux personnages qui viennent se soigner l’un l’autre» : avec Gilles Lellouche, «dès que je le fais parler ou dès que je le fais bouger, je sais comment ça va se passer», tandis qu’avec sa partenaire à l’écran, le réalisateur «fantasmait un personnage (…) un peu glacial».
«C’est leur histoire qu’il faut raconter», assure le réalisateur – qui, pour le coup, excuse la liberté de son adaptation par le «respect» de l’esprit du matériau d’origine et des personnages «pas si éloignés de ceux du roman».
Chien 51, de Cédric Jimenez.