Clément et Mael sont les papas de la petite Morgane, née par GPA il y a dix mois. Ils nous racontent leur parcours et leurs souhaits pour l’avenir.
Clément et Mael vivent une belle histoire d’amour. Venant tous deux de France, ils se sont installés au Luxembourg il y a respectivement 15 et 12 ans. C’est ici qu’ils se sont rencontrés et ont voulu, bien des années plus tard, fonder une famille. «J’ai toujours eu l’envie d’avoir un enfant dans le coin de ma tête», raconte Clément. Son conjoint, quant à lui, avait un rapport différent à cette question : «En tant qu’aîné d’une famille de cinq enfants, j’ai toujours eu envie de fonder ma propre tribu.» Mais son désir a disparu lorsqu’il a fait son coming out. «La GPA est un parcours long et difficile pour n’avoir qu’un seul enfant… Alors, j’ai fait le deuil d’une famille nombreuse», confie-t-il.
Mais par la force des choses, Clément et Mael ont parlé de ce sujet lorsqu’ils se sont mis ensemble. Cela a demandé cinq années de réflexion à Mael pour que l’idée fasse son chemin. «J’ai vu que plusieurs de mes amis d’enfance ont eu un ou deux enfants par GPA, alors je me suis dit que c’était possible pour nous aussi», sourit-il. «Nous avons décidé de devenir parents en 2019», précise Clément. Le couple a alors entamé un questionnement plus profond sur la manière de faire. «Nous avons étudié les possibilités, notamment celle de l’adoption au Luxembourg et en France… Mais il n’y avait pas d’horizon dégagé puisque nous sommes un couple d’hommes et que Mael était considéré comme trop vieux.»
Ils se sont alors tournés vers la GPA et ont choisi de la réaliser au Canada. «C’est la méthode la plus proche de nos valeurs», appuie Clément. En Amérique du Nord, il y a beaucoup de données existantes sur la GPA. Et surtout, l’approche canadienne est altruiste, c’est-à-dire que les donneuses d’ovocytes et mères porteuses ne sont pas rémunérées, mais remboursées de leurs frais. «Nous voulions aussi que la mère porteuse ait un rôle et une place dans la vie de notre enfant, alors l’approche canadienne était la mieux adaptée pour permettre cela», souligne Mael.
Une procédure longue mais un retour au pays positif
Une fois la procédure lancée, il a fallu attendre qu’elle fonctionne. «Nous avions peur que cela ne marche pas», se remémore le couple. D’autant plus que le covid est passé par là et a quelque peu modifié les volontés de Clément et Mael : «Nous voulions tisser une vraie relation avec la mère porteuse, mais tout a dû se faire à distance…» La première fois qu’ils se sont rendus au Canada, c’était seulement au moment de la naissance de leur fille, Morgane, fin 2024. «Nous avions la crainte que tout déraille.»
Toute cette période a été difficile à vivre pour le couple. «Nous avons fait un premier essai qui n’a pas marché… La mère porteuse a fait une fausse couche. Cela a été une expérience traumatisante pour elle et pour nous», livre Mael. Ils ont dû se tourner vers une autre mère porteuse et faire six transferts avant que le dernier fonctionne. «C’était un véritable ascenseur émotionnel, on se demandait souvent si nous allions continuer.» Ce qui leur a permis d’avancer, c’est la qualité de la relation et de la communication qu’ils entretiennent avec la mère porteuse et son mari. «Ils viendront d’ailleurs en France pour les un an de Morgane !»
S’il existait un cadre en Europe de l’Ouest, nous n’aurions pas traversé l’océan
Une fois la petite Morgane née, la famille est revenue au Luxembourg. «Nous n’avons pas eu de soucis administratifs, elle a tout de suite été inscrite comme notre fille à tous les deux», rassurent les papas. Selon eux, l’acte de naissance canadien a aidé. «Et comme nous avons tous les deux la nationalité luxembourgeoise, Morgane l’a eue tout de suite.» Ils savent que ce n’est pas aussi simple pour tous les parents et qu’ils sont, d’une certaine manière, à la merci de cette bienveillance «gracieuse».
Socialement, la petite famille est bien reçue et accueillie aussi. «À la crèche et chez le pédiatre, Morgane n’est pas la première enfant d’un couple d’hommes», s’amuse le couple, qui ne voudrait pas devoir être «pionnier» et avoir à tout «débroussailler». «Nous sommes une famille comme les autres !»
Ils avouent tout de même manquer de recul et reconnaissent leur chance : «Nous habitons dans le centre de Luxembourg et travaillons dans des milieux ouverts, même si nous avons quelques doutes et incertitudes, nous sommes soutenus.» Et dans la rue, le couple remarque surtout des sourires ou des questionnements de curiosité, mais n’ont jamais été confrontés à de la discrimination. «Nous nous préparons à en recevoir si jamais, mais nous pensons que la présence de l’enfant désamorce les discours en face», estiment-ils.
«Il faut que ce soit gravé dans la Constitution»
Pour leur parcours de parentalité, Clément et Mael ont fait avec le cadre légal existant. Mais ils souhaiteraient que la reconnaissance des enfants nés par GPA soit officialisée et qu’un débat soit lancé pour créer un modèle permettant aux familles arc-en-ciel de se fonder ici. «S’il existait un cadre en Europe de l’Ouest, nous n’aurions pas traversé l’océan», avouent-ils. Selon eux, la société est prête et le sujet mérite débat. «Une amie proche nous avait proposé de porter notre enfant… Cela secoue et prouve que les femmes sont prêtes à participer si cela est bien encadré», appuie Mael.
Et pour les couples qui souhaiteraient se lancer à leur tour dans la parentalité, Clément et Mael conseille de prendre le temps. «La préparation pousse loin dans les valeurs, on ne s’y attend pas et on se pose des questions qui font pleurer», prévient Mael. Pour Juliette Tirabasso, travailleuse sociale et coordinatrice du service Fair, c’est justement la force des parents LGBTIQ+ : «Cela devrait être le cas partout, tous les parents devraient se poser les questions que les parents LGBTIQ+ se posent. Ils se sentent d’ailleurs souvent moins légitimes à avoir des enfants, mais ils peuvent le faire tout autant qu’une personne hétérosexuelle.»
Si le Luxembourg se positionne positivement en faveur des familles arc-en-ciel, Juliette Tirabasso rappelle également les problématiques qui peuvent toucher ces familles : enregistrement dans les communes difficile, impossibilité d’avoir directement un numéro CNS ou encore manque de filiation – dans le cas d’un couple de femmes, la deuxième maman ne peut adopter son enfant qu’au bout de trois mois. «C’est une aberration de devoir adopter son propre enfant. C’est l’intention qui devrait faire le parent, c’est plus important que le biologique», appuie Juliette. C’est aussi sans compter le coût énorme d’un parcours de GPA, qui crée des inégalités face aux projets parentaux… «Il faut que ce soit gravé dans la Constitution. Tant que ce ne sera pas le cas, nous resterons stressés et prudents face à toutes ces questions», insiste-t-elle.
Un premier Pride Family Day
Samedi, le centre Cigale organise le premier Pride Family Day, une journée dédiée aux familles arc-en-ciel. «L’objectif est de donner de la visibilité à ses familles, de montrer aux parents et aux enfants qu’ils ne sont pas seuls, et d’informer sur les difficultés», explique Maud Théobald, directrice adjointe du centre Cigale.
Pensé comme un espace convivial, festif et inclusif, cet évènement met l’accent sur le partage, la tolérance et la joie d’être ensemble. Au programme : ateliers créatifs, lectures, spectacles, jeux et animations pour petits et grands. Ce sera également l’occasion pour les parents de se familiariser au service Fair, crée il y a six mois pour être un endroit neutre où trouver des informations et du soutien professionnel.
Organisé par les communautés L-Mums, G-dads et Lilies du Cigale, avec le soutien de la Ville de Luxembourg et du MEGA, il aura lieu de 10 h à 18 h sur la place de la Constitution.