Conditions indignes, logique sécuritaire, environnement hostile aux enfants : un an après son ouverture, la Commission consultative des Droits de l’Homme étrille la Maison de retour.
C’est une structure qui fait couler beaucoup d’encre depuis son installation dans le hall 6 de Luxexpo, en tant que centre d’accueil d’urgence pour primo-arrivants en 2015, puis comme hébergement temporaire pour demandeurs d’asile déboutés dès 2017.
Dans le cadre d’un projet pilote du gouvernement, le site est transformé depuis 2024 en «Maison de retour», censée promouvoir le départ volontaire de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier au Luxembourg vers leur pays d’origine ou un autre État de l’UE, en application du règlement Dublin III.
Mais un an plus tard, de nombreuses interrogations sont soulevées quant au respect des droits humains de ses résidents, en particulier les familles avec enfants.
Les organisations d’aide aux réfugiés, écartées de la conception du projet, avaient pu visiter les lieux l’année dernière, et s’étaient montrées plutôt confiantes, malgré des points de vigilance, comme l’encadrement psychosocial ou la scolarisation des enfants.
Des inquiétudes reprises aujourd’hui par la Commission consultative des Droits de l’Homme (CCDH) dans une prise de position très critique.
Celle-ci dénonce d’abord «une notion de retour volontaire vidée de son sens», alors que le plus souvent, les personnes se trouvent dans une impasse administrative, mais surtout «des conditions de vie indignes» doublées d’«une logique sécuritaire», incluant des fouilles répétées et une «atmosphère pénitentiaire», incompatible, souligne-t-elle, avec les besoins des enfants.

La structure est installée dans le hall 6 de Luxexpo. (Photo : Fabrizio Pizzolante)
«Près de dix ans après son lancement, les aménagements de cette structure restent précaires», regrette la juriste Charlotte Brouxel.
«Le manque de respect de la vie privée, l’accès aux soins limité, l’absence de soutien psychologique pour les résident, et leur sentiment d’être traités comme des criminels ont maintes fois été dénoncés. Or, aucune amélioration significative n’a été apportée.»
Pour l’experte, ce statu quo révèle un manque de volonté politique et un désintérêt préoccupant du gouvernement pour la protection des demandeurs d’asile. À cela s’ajoute des manquements dans l’accompagnement social et humain : «La Maison de retour compte 13 agents de sécurité pour 5 conseillers psychosociaux seulement», fait-elle remarquer.
Les exemples belges et hollandais
Un environnement hostile aux plus jeunes, tranche la CCDH, qui liste ses préoccupations majeures : «nuisances sonores, cloisons minces, pièces sans fenêtres, obscurité favorisant l’insécurité, peu d’espace pour jouer, sanitaires à l’extérieur», etc.
Des éléments qui compromettent la sécurité, le bien-être et le développement des enfants résidents, déjà fragilisés par l’exil, insiste la commission.
«Des délégations luxembourgeoises ont pourtant visité des Maisons de retour en Belgique et aux Pays-Bas, organisées en appartements avec cuisine, salle de bain, salon et chambres séparées, sans surveillance constante. Il semble qu’aucune leçon n’ait été tirée de ces expériences», souffle Charlotte Brouxel.
Alors que les normes internationales tendent désormais vers une interdiction absolue de la détention d’enfants pour motifs migratoires, la CCDH appelle le Grand-Duché à suivre cette voie.
Enfin, face aux discussions menées actuellement au niveau européen quant à la possibilité d’externaliser certaines procédures de retour – en clair, ouvrir des Maisons de retour dans les pays tiers – elle s’inquiète.
«Le gouvernement veut introduire des clauses de réadmission dans les accords de coopération au développement. L’octroi de l’aide serait conditionné à la bonne collaboration des pays dans le retour de leurs ressortissants en séjour irrégulier au Luxembourg», explique la juriste, qui y voit un puissant levier politique pour instaurer un rapport de force.