Emprisonnée près de quatre jours en Israël, Nora Rosa Fellens Huberty, participante de la flottille Global Sumud, est rentrée au Grand-Duché hier, accueillie par une soixante de personnes.
Il est presque 18 h à la gare de Luxembourg et le tohu-bohu des heures de pointe règne en ce mercredi. Entre le tumulte et les pas pressés, un groupe calme et immobile se détache sous le tableau des arrivées. Keffieh au cou, fleurs en main et drapeau de la Palestine et Roude Léiw sur le dos, une soixantaine de personnes sont venues accueillir Nora Rosa Fellens Huberty. Cette Luxembourgeoise vient de rentrer d’Israël après l’arraisonnement de la flottille humanitaire Global Sumud, qui a tenté, en vain, de briser le blocus imposé à la bande de Gaza.
«Je voulais la voir à Bruxelles, mais je n’ai pas pu, alors je suis venue pour la remercier et la féliciter», lance Anna, qui tient un bouquet coloré. À ses côtés se trouve Martine. Elle entend remercier «le courage des citoyens face à nos dirigeants démissionnaires et face au génocide». Cette Franco-Luxembourgeoise participe à chaque manifestation organisée en Ville et rêve que «que l’on prenne des sanctions économiques pour changer les choses». En attendant, une haie d’honneur se forme pour recevoir la participante de la flottille.
«Nous avons été enlevés»
Toujours en pleine heure de pointe, Nora Rosa Fellens Huberty arrive finalement dans le hall de la gare sous les applaudissements nourris de la soixante de personnes venues pour elle. Les slogans «Free Palestine» et «Solidarité avec le peuple palestinien» résonnent d’une seule voix. Après quelques minutes d’émotion, le cortège se dirige vers l’extérieur afin de rejoindre le tramway, direction le restaurant Chiche! au Limpertsberg, où doit se tenir une réunion de bilan de la flottille.
Là, devant le micro, on retrouve Nora, accompagnée de Patrick Bosch, le porte-parole de Global Movement to Gaza – Luxembourg. Abdessamad Taqui et Maya Garman sont présents, eux qui ont dû quitter les embarcations à cause, respectivement, d’un problème technique et d’un souci de santé. Nora est, elle, allée aussi loin que possible jusqu’à l’intervention de l’armée israélienne, qu’elle raconte en détail.
«Le 2 octobre vers 6 h 30, en eaux internationales, nous avons été enlevés – et enlevés, c’est le mot», commence la militante. «Ils sont arrivés à pleine vitesse vers nous, ils ont pointé leurs armes vers nous, sont montés dans le bateau, ont fouillé et nous ont empêchés de bouger.»
Une fois débarqués à terre, «c’est là que c’est devenu rude». Elle décrit de longues heures d’attente sous le soleil pour les personnes arrêtées, à genoux et privées d’eau, pendant que leurs biens personnels sont confisqués. «Il y a eu des tentatives d’humiliation très fortes, des rires, des cris et ils ont essayé de nous faire signer un papier pour nous auto-incriminer. Ce que nous avons tous refusé.»
Sans nourriture pendant 46 heures
Toujours sur le port, la Luxembourgeoise est ensuite interrogée. On lui pose trois questions : sur son identité, son lieu de départ et si elle souhaite vivre à Gaza. «Ce qui les a amusés.» «Honnêtement, on s’attendait à un interrogatoire plus musclé», raconte celle qui a été formée, comme tous les membres de la flottille, à y faire face.
«Après, j’ai été menottée, j’ai eu les yeux bandés et je suis montée dans un bus, direction la prison.» Nora Rosa Fellens Huberty dit y avoir été «privée de nourriture pendant 46 heures et d’eau pendant 36 heures». Elle y voit «des formes de torture». Elle rapporte avoir été réveillée trois à quatre fois par nuit lorsqu’elle était en cellule, avec des lasers de fusil, des chiens ou en devant sortir pour un comptage. «Ils essayaient de nous fatiguer pour que l’on signe leur papier.»

Au total, la dernière représentante de la délégation luxembourgeoise est restée près de quatre jours en prison, avant d’être expulsée par Israël lundi. «Nous avons subi un traitement illégal, mais je pense que ce n’est pas 1 % de ce que subissent les Palestiniens», dénonce-t-elle. Malgré cela, «je n’ai jamais eu peur et je savais que j’allais continuer d’agir après». À ses côtés, Abdessamad complète en affirmant que «personne n’avait peur, même à Tunis, après l’attaque de drones. Mais nous avons peur de l’idée qu’un peuple soit affamé à mort et torturé.»
Le Global Movement to Gaza ayant permis de réaliser une avancée encore jamais réalisée vers Gaza, Patrick Bosch annonce qu’une initiative similaire aura lieu, «plus grande et avec déjà 40 000 inscrits». «Si j’y participerais? Bien sûr», annonce Nora. «Tant que Gaza ne sera pas libre, on n’arrêtera pas», lance Maya, tout aussi déterminée.
