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Tunnel Gousselerbierg : les victimes se sentent laissées pour compte


Le tunnel n’a pas de voie d’arrêt d’urgence. (photo archives LQ)

La camionnette de deux jeunes pères a été percutée de plein fouet par un camion. C’était il y a cinq ans dans le tunnel Gousselerbierg embouteillé. Les parties civiles réclament réparation.

«J’ai reçu une alerte de danger. J’ai vu la voiture s’immobiliser. J’ai fermé la voie. Quand nous avons constaté l’accident, nous avons fermé le tunnel», a expliqué l’opérateur du CITA de permanence au moment de l’accident dans le tunnel Gousselerbierg. La signalisation a été modifiée. «L’accident s’est produit au moment où j’enclenchais la première manœuvre.»

L’accident mortel a eu lieu en plein après-midi dans le tunnel de l’A7 le 8 juillet 2020. Un camion a foncé dans un bouchon qui s’était formé à l’intérieur du tunnel sur la voie de droite. Une automobiliste paniquée avait immobilisé sa voiture qui perdait dangereusement en vitesse. Des camions et des camionnettes s’étaient arrêtés derrière elle, feux de détresse allumés.

Depuis lundi, la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg doit déterminer les responsabilités des uns et des autres. À qui la faute ? Le parquet a inculpé l’automobiliste et le chauffeur de camion. Leur défense cherche à trouver une erreur dans les procédures d’urgence du CITA. Fractions de secondes, mètres et vitesse sont décortiqués par Me Penning.

Le jour de l’accident, Maria se rendait à Mersch avec sa fille, alors âgée de 9 ans. «Je roulais normalement. En approchant du tunnel, la voiture a commencé à freiner. Elle s’est presque arrêtée. J’ai demandé à ma fille de mettre le haut-parleur et de téléphoner à mon fils pour qu’il me dise quoi faire», s’est-elle souvenue. La vitesse est tombée de plus en plus. Elle a essayé d’accélérer, mais rien à faire. Maria commence à paniquer. Son fils, à qui la voiture appartenait, lui aurait conseillé de freiner d’un coup et d’accélérer puis d’éteindre la voiture et de la redémarrer, mais la voiture refuse. Maria et sa fille sont bloquées dans le tunnel.

«Peur de traverser un tunnel»

Soudain, c’est le choc. «Je pense que ma voiture a fait trois tours avant de s’immobiliser et d’être percutée à nouveau.» Face au danger, Maria sort de la voiture et libère sa fille, alors inconsciente. «Pourquoi ne pas avoir attendu d’être sortie du tunnel pour éteindre la voiture ?» La présidente exprime la question que tout le monde se pose. «Je n’y ai pas pensé», répond Maria. «Ma fille pleurait de peur.»

Stefan connaissait la route. «C’était ma dernière course de la journée. Il faisait beau et il y avait peu de trafic», a indiqué le camionneur d’origine polonaise qui venait de charger son camion. «Je cherchais à régler la radio. Je ne regardais pas la route. Quand j’ai relevé les yeux, il était trop tard.» L’homme est sonné et blessé à la tête, mais reconnaît directement aux policiers avoir été distrait.

«Aujourd’hui encore, j’ai peur de traverser un tunnel.» Touché sur le plan psychique, le prévenu ne travaille pas pendant deux ans après l’accident avant de reprendre petit à petit son activité avec l’aide d’un psychologue. Stefan dit avoir des flashs de l’accident.

L’assureur n’assure pas

Cinq ans après les faits, les parties civiles n’ont pas encore été indemnisées et les prévenus ne leur ont pas demandé pardon, regrettent leurs avocats. Les deux occupants d’une camionnette, Michel et Mario, ont perdu la vie et cinq personnes ont été blessées. Personne n’en est sorti indemne. Pas même les avocats des victimes. L’accident a fait deux veuves et des jeunes orphelins qui ne connaîtront pas leurs pères.

Le procès devait débuter en 2023, mais il a été repoussé sur demande des assureurs qui incriminaient les Ponts & Chaussées et ont demandé des devoirs supplémentaires.

«La question de l’indemnisation des victimes ne devrait pas se poser. Elles n’ont rien reçu de leur assureur depuis 5 ans. L’assureur a essayé de nous envoyer sur de mauvaises pistes», regrettent les avocats des deux veuves. «Stefan ne regardait pas la route. Il n’a donc pas pu voir les panneaux d’avertissement.» Peu importe le temps pris par le CITA pour les actionner. «Je n’ai jamais vu de dossier pour un tel accident pour lequel même une provision symbolique n’a pas été payée aux familles.»

L’avocat de la veuve de Michel demande 138 676 euros de dommages et intérêts. Celui de la veuve de Mario, plus de 125 000 euros et celui de la fille de Maria, 26 000 euros. La Caisse nationale de santé réclame, quant à elle, 57 798 euros pour les soins aux blessés. La Luxembourgeoise, 16 251 euros pour une camionnette accidentée et 19 000 euros pour son conducteur. L’administration des Ponts & Chaussées, 60 078 euros pour les nombreux dégâts dans le tunnel. La Caisse nationale de pension, 428 588 euros et 485 944 euros pour les pensions de survie et d’orphelins versées aux deux veuves et aux cinq enfants des deux défunts. Enfin, l’ancien employeur de Stefan a demandé l’euro symbolique en guise de préjudice moral. Sa réputation aurait été entachée par l’accident.