Accueil | A la Une | «Une atmosphère d’antisémitisme» autour d’une dispute à l’école

«Une atmosphère d’antisémitisme» autour d’une dispute à l’école


Lors des manifestations pro-Palestine, des slogans antisémites seraient présents selon Bernard Gottlieb, figure de la lutte contre l’antisémitisme. (photo Georges Noesen)

L’Éducation nationale a confirmé mardi la dispute dont a été victime un élève israélien d’une école fondamentale. Le caractère antisémite de l’incident, avancé par certaines voix, reste à prouver.

Depuis au moins trois jours, quelques médias israéliens rapportent l’agression d’un élève israélien de 10 ans dans une école primaire luxembourgeoise en raison de sa nationalité. D’abord avancée sans preuve, cette information a finalement été partiellement confirmée par l’Éducation nationale lundi. Contacté par nos soins, le service communication du ministère évoque «un incident survenu au sein d’un groupe d’élèves d’une école fondamentale», en précisant qu’«un élève d’une classe d’intégration a agressé un autre élève».

Après l’incident, les élèves impliqués et leurs parents se sont entretenus avec les responsables de l’établissement, dont le nom reste confidentiel, qui ont conclu «qu’une dispute à propos d’une balançoire dans la cour de récréation avait été à l’origine de l’incident». «Le ministère ne peut pas se prononcer davantage sur le déroulement de l’incident», nous précise-t-on, ce qui laisse donc planer l’incertitude sur le caractère antisémite de l’agression.

Un élève agressé, plusieurs versions

Ce qui est certain, c’est que des excuses ont été présentées à l’élève agressé, à qui un soutien psychologique a été proposé. Le ministère ajoute qu’«une formation interne a été sollicitée auprès du Zentrum fir politesch Bildung, à destination de l’ensemble des enseignants de l’école fondamentale concernée ainsi qu’à ceux des classes d’intégration». Le but : renforcer les actions de sensibilisation en classe autour de la culture de l’accueil et contre toutes formes de discrimination.

Malgré les informations du ministère, Bernard Gottlieb, président de l’association Recherche et information sur l’antisémitisme au Luxembourg (RIAL), parle de «la première agression physique de nature antisémite depuis des décennies».

L’élève aurait été jeté par terre, frappé, griffé, mordu et insulté de «pleurnicheur israélien». «Il parlait hébreu avec sa petite sœur qui est dans la même école. C’est probablement comme ça que les gens ont su qu’il était israélien», avance-t-il. «Il est aussi juif, alors est-ce parce qu’il était israélien et juif? Je dirais les deux.»

L’intéressé assure également avoir été en contact avec la mère de l’écolier agressé et qu’elle aurait porté plainte. «Le parquet, bien qu’il ne soit pas encore saisi d’une plainte, a eu connaissance d’une éventuelle agression entre élèves. La police est en train de procéder aux vérifications utiles», déclare de son côté l’administration judiciaire.

115 actes antisémites selon la RIAL

Dans ce contexte, Bernard Gottlieb ajoute que «d’autres élèves juifs ne sont pas à l’aise, parce qu’ils ont, j’imagine, des remarques et que l’on essaie de les éviter». Selon lui, tout cela illustrerait «une atmosphère d’antisémitisme» dans la société. Pour justifier ses propos, il s’appuie notamment sur les 115 actes antisémites qu’il dit avoir recensés depuis le début de l’année au Grand-Duché. Un chiffre en hausse ces dernières années mais qui serait «beaucoup plus bas que la réalité».

«Je ne sais pas si on capte rien que 20 % des incidents, mais ce n’est pas le plus important. Ce qu’il l’est, c’est de montrer que cela existe.» Les membres de RIAL listent les incidents, avec une description et un indice de gravité subjectif, et les signalent sur BeeSecure lorsqu’ils ont lieu en ligne, comme «80 % des cas».

Le président de l’ASBL constate néanmoins que «les actes dans la vraie vie ont augmenté parce que, depuis deux ans, il y a toutes ces manifestations à Luxembourg». Lors des rassemblements régulièrement organisés pour la Palestine, des phrases antisémites déguisées seraient prononcées selon lui. «En disant que la Palestine sera libre de la mer au Jourdain, implicitement, c’est un appel à détruire l’État d’Israël. Et cela vise indirectement les juifs.».

Selon Bernard Gottlieb, cette «ambiance pesante» pourrait être combattue en informant les gens sur le judaïsme et en communiquant au sein de forums interconfessionnels. «Mais il n’y a pas assez de ressources pour le faire et avec la guerre qui dure depuis deux ans, beaucoup de gens ne sont plus réceptifs.»

Pas de commémorations pour le 7-Octobre

Contrairement à l’an passé, la communauté juive n’a pas organisé, hier, de commémorations pour les victimes de l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023. «Ce dimanche, si on a l’autorisation, une petite manifestation pour réclamer la libération des otages aura lieu», annonce néanmoins Bernard Gottlieb.