En mai 2006, les Rout Léiwen avaient été balayés 7-0. Ceux qui avaient pris le bouillon dans ce dernier match contre la Mannschaft se souviennent.
Appeler Marc Oberweis et lui annoncer qu’on veut parler de Fribourg, c’est s’exposer à un grand éclat de rire gêné de l’ex-gardien de but international. «OK mais quand j’y repense, j’ai un œil qui rit et un œil qui pleure.» À quelques jours de l’ouverture du Mondial allemand, en 2006, la Mannschaft a en effet opéré le même calcul que le Portugal de Figo (qui battra le Grand-Duché 3-0 quelques jours plus tard à Metz) et l’Ukraine de Shevchenko (0-3 à Saint-Symphorien) : rencontrer un nain du continent pour donner confiance à son attaque. Et elle y a réussi, avec trois doublés au menu, signés Podolski, Klose et Neuville.
Aujourd’hui encore, Guy Hellers, qui a repris les rênes de l’équipe un an et demi plus tôt, l’avoue sans se cacher : «J’étais contre ces matches. On n’était pas prêts et c’était très risqué. Mais on ne dit pas non à l’Allemagne ou au Portugal. Ne serait-ce que pour l’aspect financier. C’était une période où chaque sou était compté et c’est sans doute pour ça qu’on a été transportés à Fribourg dans un bus indigne et qu’on a même failli refuser d’embarquer».
«J’avais couru 20 km et touché deux ballons»
Mais les joueurs, qui avaient déjà «la tête à leurs valises parce qu’ils devaient partir en vacances après», sourit Hellers, sont montés dans ce car. Et près de vingt ans plus tard, ils se souviennent encore de manière extrêmement mitigée de ce qu’ils ont vécu sur cette pelouse, pour la dernière rencontre en date du Luxembourg avec l’Allemagne, qui l’avait déjà battu 0-7, huit ans plus tôt, à Mannheim, en amical. «Moi qui suis fan du Bayern Munich, je me suis dit après le match que j’avais joué quand même contre certains gars qui étaient mes idoles, mais que rien ne s’est gravé dans ma mémoire tellement j’étais déçu, lâche René Peters. Pour eux, c’était un entraînement. Nous, l’équipe venait d’être renouvelée, les principes de jeu aussi. J’avais eu l’impression de courir vingt kilomètres et j’avais dû toucher deux ballons. C’était horrible.»
Marc Oberweis, qui allait céder dans la foulée les clefs de la maison à Jonathan Joubert, sur le point de fêter sa première sélection internationale contre les Lusitaniens au stade Saint-Symphorien, est dans le même état d’esprit. «L’ambiance était torride», déjà. Et le match… pourri. «Le score est extrêmement sévère par rapport à ce qu’ils avaient montré. On prend deux penalties. Et deux buts dans les arrêts de jeu. Si tu enlèves ça… Bon, en même temps, tu ne peux pas l’enlever.»
«Montrez que vous avez de la fierté»
Il y a surtout que l’Allemagne, c’est «une machine à buts», pointe «Obi». «S’ils peuvent t’en mettre le plus, ils le feront.» Les deux joueurs se souviennent qu’à l’époque, le discours de leur sélectionneur avait tourné autour d’un principe tout bête : «Montrez que vous avez de la fierté». Parce qu’il n’y avait pas moyen de faire autre chose. «Mais aujourd’hui, lance crânement Mario Mutsch, qui faisait l’arrière gauche en face de Bernd Schneider, on ne peut plus du tout comparer ce qu’on a vécu à ce que pourrait faire la génération actuelle.» René Peters va même un peu plus loin : «Ce qu’on faisait nous, en comparaison à ce que fait cette génération « Kiki« Martins-Leandro Barreiro, c’est même un sport différent».
«D’autant plus que je ne sais pas ce qui se passe chez eux, mais on dirait que ce n’est pas la folle alchimie entre Nagelsmann et l’équipe», hasarde Hellers. «J’ai confiance en Jeff pour mettre parfaitement l’équipe en place.» Et faire oublier Fribourg.