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L’avortement sera considéré comme une nouvelle liberté publique


La proposition de Marc Baum a finalement été adoptée en partie par les députés en commission.  (photo archives LQ)

Les membres de la commission des Institutions ont trouvé un compromis concernant l’inscription du recours à l’IVG dans la Constitution. Ce sera une liberté plutôt qu’un droit.

«Il faudra que ça passe encore au vote, mais on est sur des bonnes bases», réagit Cléo Thoma, membre du conseil d’administration du CID Fraen an Gender, alors que les députés ont trouvé un compromis pour inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution. «Cela nous donne beaucoup de satisfaction, mais on sera tranquille quand ce sera fait, même si l’on est très optimistes», ajoute-t-elle.

En réalité, il ne s’agira pas d’un droit mais d’une liberté d’avoir recours à l’IVG et qui sera inscrite dans le chapitre 2, section 3 des «libertés publiques» de la Constitution. La proposition de Marc Baum (déi Lénk) a été ainsi en partie adoptée en commission, lundi matin. Les députés ont néanmoins préféré utiliser le terme de liberté plutôt que celui de droit, afin d’éviter toute confusion avec la catégorie des droits fondamentaux.

Lors de la dernière révision constitutionnelle, de nouveaux droits fondamentaux avaient été introduits, comme l’interdiction de la torture, l’inviolabilité de la dignité humaine ou encore le droit à l’intégrité physique et mentale. De nouvelles libertés publiques avaient également été consacrées comme le droit de fonder une famille, l’intérêt de l’enfant (introduit à la suite des consultations citoyennes), la protection des données à caractère personnel ou le droit d’asile. Le droit à l’IVG rejoint cette dernière liste des libertés publiques.

Le Conseil d’État doit encore analyser cet amendement, mais dans son avis rendu en juillet dernier, la Haute Corporation estimait «qu’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution permettrait de garantir une protection juridique plus pérenne faisant obstacle à des régressions sur ce droit fondamental, telles que celles observées récemment dans certains États, d’autant plus que le droit à l’interruption volontaire de grossesse n’est qu’insuffisamment protégé en droit international».

Ce lundi, en commission, les députés de l’opposition (à l’exception de l’ADR) qui avaient soutenu la proposition de Marc Baum ont remercié les représentants de la majorité pour ce compromis. Nathalie Morgenthaler  (CSV), a déclaré que le compromis était «en ligne avec la position de (son) parti». La cheffe de la fraction socialiste, Taina Bofferding, aurait préféré «un droit à l’avortement, mais ce compromis nous convient», assure-t-elle, ajoutant que «le plus important, c’est que cette liberté soit dans la Constitution».

Liberté de conscience

Sam Tanson (déi gréng) a fait remarquer que cet amendement n’était pas «anodin». Elle a regretté que le droit à la contraception ne fasse plus partie de la proposition de révision et a estimé également qu’il y avait un «flou»  entre les notions de liberté et de droit. «Je comprends que le narratif était important pour mobiliser les troupes, et je dis un grand merci à la majorité», a-t-elle néanmoins conclu.

Pour les pirates, Sven Clément se dit «content que la majorité des deux tiers puisse être atteinte». Pour lui, droit ou liberté, c’est pareil. Il n’y a guère que Fred Keup (ADR) qui s’oppose à cet amendement, jugeant qu’il n’y a «aucun besoin d’inscrire cette liberté dans la Constitution». Et pourtant, aux États-Unis comme en Europe, la montée des forces réactionnaires cherche à limiter les droits fondamentaux acquis de haute lutte, comme le droit à l’avortement.`

Simone Beissel (DP) ne dira pas le contraire, mais son parti a préféré la notion de liberté, pour ne pas obliger les médecins à pratiquer une intervention en désaccord avec leurs opinions, leur liberté de conscience, également garantie par la Constitution.

«Il ne s’agit pas d’élargir le droit à l’avortement qui est protégé par la loi mais de se mettre à l’abri d’un futur gouvernement constitué de forces d’extrême droite, d’un gouvernement bien plus conservateur», estime de son côté Cléo Thoma, du CID Fraen an Gender.  «On n’est jamais à l’abri d’un revers, mieux vaut prévenir que guérir et redescendre dans la rue pour militer en faveur d’un droit que l’on avait déjà», conclut-elle.

Il faut rappeler que d’après la Constitution, toute limitation de l’exercice des libertés publiques doit être prévue par la loi et respecter leur contenu essentiel.

La majorité des députés a adopté l’amendement parlementaire, qui sera renvoyé pour avis au Conseil d’État.