Avant, André buvait beaucoup. Aujourd’hui, il abreuve son auditoire de paroles et de récits rocambolesques pour couvrir ses délits. Dont un commis avec son frère aussi assoiffé que lui à l’époque.
André cause et cause et cause… Son histoire n’en finit pas. Il part dans tous les sens. Digresse et est parfois difficile à suivre. Tout ce qui lui est reproché par la justice s’explique aisément et, surtout, le trentenaire n’a – de son point de vue – jamais eu l’intention de faire de mal à quiconque. Avec son frère, absent hier, il est accusé d’avoir terrorisé un adolescent et volé un vélo.
La présidente de la 9e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement doit s’accrocher face à ce flot de paroles. À peine libéré de ses menottes – le prévenu purge une peine de 18 mois de prison pour une autre affaire –, le trentenaire se lance dans une première logorrhée de plusieurs minutes finalement interrompue par la juge. «Ce ne sont que des excuses. Vous avez pris quelque chose qui ne vous appartenait pas», tranche-t-elle.
André explique en substance que, dans la nuit du 28 au 29 février 2024, son frère Gabriel et lui ont acheté deux bouteilles d’un whisky américain dans une station-service de Remich avant de prendre un bus pour Bettembourg. Bettembourg où ils ne sont jamais arrivés. «Il y avait un chantier et le chauffeur nous a demandé de descendre. C’était le terminus. Je ne sais pas encore aujourd’hui où nous avons atterri», raconte André. «Il faisait froid, nous étions légèrement vêtus. Nous n’avons trouvé aucun véhicule pour nous emmener.»
Le duo écume les rues de la localité en question. «Soudain, j’ai vu une énorme maison, je n’en avais jamais vu d’aussi grande, avec plein de grosses caméras. J’ai sonné, je me suis dit qu’ici, on nous aiderait. J’étais au début de ma cirrhose du foie», continue le prévenu. «Un homme a répondu à l’interphone. Je lui ai demandé de nous conduire à Luxembourg-Ville. Il a refusé. Je lui ai demandé de nous appeler un taxi ou la police. Il a refusé.»
Dépité, André croit voir une deuxième chance de s’en sortir à côté de la maison. «Il y avait un chemin. Je pensais que c’était une rue tellement il était grand. Je suis myope, je ne vois pas bien. Si j’enlève mes lunettes, je ne vous vois plus Madame la juge», poursuit-il. «C’était une entrée de garage. D’où je viens, les entrées de garage ne sont pas aussi grandes. Elles vont de là à là, mais celle-ci allait de là à là», mime le prévenu.
Dans le local en question, il trouve quatre vélos. «Je voulais en emprunter un. Je l’aurais ramené», jure-t-il. «Le premier bus ne passait pas avant 6 h. Nous serions morts de froid. (…) J’étais à 30 mètres de la maison quand la police est arrivée. J’ai cru que ce seraient nos sauveurs!»
Un comportement inacceptable
Les deux frères paraissent totalement incontrôlables sous l’influence de l’alcool. Deux ans plus tôt, en avril 2022, ils ont fait vivre la frousse de sa vie à un adolescent de 13 ans. Cette fois, ils avaient bu deux bouteilles d’une liqueur à base de plantes et faisaient des pompes dans le salon du domicile parental.
«Nous avons attrapé chaud et avons décidé de continuer nos pompes à l’extérieur.» Leur maman avait décoré le jardin avec des flambeaux factices. André se saisit de l’un d’entre eux «pour faire comme aux Jeux olympiques».
La situation dégénère au passage d’un groupe de jeunes accompagné d’une éducatrice. André se serait approché du plus grand du groupe et l’aurait mis au défi de faire des pompes. L’adolescent, terrifié, s’est exécuté. «La boule qui constituait le flambeau s’est détachée et a glissé à terre. Le jeune est parti en courant comme Speedy Gonzales. J’ai eu peur», commente André qui n’a, à ce jour, pas compris ce qui s’est passé. «Il était plus grand et plus costaud que moi.»
Oui mais voilà, sa jeune victime présumée souffrait déjà à l’époque d’angoisses et d’autres troubles dus à des traumatismes passés. Ce qui apparaît comme une blague aux yeux d’André n’en était pas une pour l’enfant. Son avocate s’est portée partie civile et a réclamé 5 000 euros pour son préjudice moral et physique.
«Votre comportement est inacceptable», lance le procureur que les histoires d’André n’ont pas fait rire du tout. Il a requis des peines de six mois de prison à l’encontre des deux frères. Fermes pour Gabriel et assorties du sursis probatoire pour André, qui se dit également traumatisé des effets que l’alcool a pu avoir sur lui. «Je ne sortais plus de chez moi de peur de me créer des ennuis», indique le prévenu qui jure ne plus consommer d’alcool. «Si je n’étais pas entré en prison, je serais mort.»
Le prononcé est fixé au 2 octobre.