Le groupe CFL Multimodal ouvrira au public les portes de son site à Bettembourg-Dudelange ce dimanche 21 septembre. L’occasion de découvrir les coulisses de ce site au fonctionnement et à l’ampleur méconnus.
Ceux qui empruntent quotidiennement l’A13 en direction d’Esch-sur-Alzette regardent à peine par leur fenêtre le site CFL multimodal avec ses portiques dansants, ses rails interminables, son ballet de camions et son flot de conteneurs et de semi-remorques. C’est pourtant loin d’être une banalité que d’avoir un tel terminal intermodal au Grand-Duché, mais pour s’en rendre compte, il faut avoir l’opportunité d’y pénétrer.
À l’occasion du week-end des Portes ouvertes Luxembourg, la filiale des CFL organisera justement des visites (lire ci-contre) ce dimanche. Devant la presse, hier, la directrice générale du groupe CFL multimodal, Barbara Chevalier, et le directeur de CFL terminals (opérateur du terminal), Laurent Erhard, ont répété leurs gammes en proposant une visite de cette miniville.
«C’est une zone de 100 hectares, dont 33 sont occupés par le terminal intermodal, un autre tiers pour le parc logistique et ses 200 000 m2 d’entrepôts et le dernier tiers pour la gare de triage et le centre routier sécurisé», présente Laurent Erhard, micro en main dans le bus qui parcourt le vaste site.
«L’un des plus modernes d’Europe»
«Le terminal intermodal est ouvert depuis 2017 et c’est probablement l’un des plus modernes d’Europe», fait savoir l’hôte des lieux lorsque l’on passe les portiques d’entrée. C’est par ici que transitent quotidiennement «près de 325 camions, pour charger ou décharger, avec des pics jusqu’à 600 camions par jour».
Une fois la barrière levée, le chronomètre se lance afin que les chauffeurs aillent au plus vite dans leur zone assignée, selon le motif de leur venue. «Le temps de passage moyen d’un camion est de 30 minutes, mais cela peut descendre jusqu’à 15 minutes si c’est seulement pour décharger.» Le temps étant précieux en logistique, CFL terminals s’efforce, pour satisfaire les clients, d’optimiser et automatiser le processus, mais l’entreprise ne se contente pas de cela.
«On propose une large palette de services afin d’attirer les clients», fait savoir Laurent Erhard. Entre autres, un atelier de réparation peut prendre en charge les semi-remorques légèrement endommagés. Des branchements pour les livraisons frigorifiées sont disponibles. Et un centre routier sécurisé a été construit afin que les routiers puissent y dormir, s’y laver, y faire une lessive, y manger, y faire du sport et y entretenir leur véhicule.
Une expertise en matière de semi-remorques
Après la zone de chargement et déchargement, la visite se dirige vers les rails, qui représentent la force de ce hub. «Nous avons 50 % de conteneurs et 50 % de semi-remorques, pour lesquels nous avons acquis une expertise», se félicite Barbara Chevalier. Le terminal se compose, d’un côté, de quatre voies ferrées combinées de 700 mètres et, de l’autre, de deux plateformes d’autoroute ferroviaire qui permettent au site luxembourgeois de tirer son épingle du jeu. «Sans l’autoroute ferroviaire, les semi-remorques ne pourraient pas prendre le train, mais nous avons investi dans ces infrastructures afin d’attirer des clients», explique la directrice des activités fret du groupe CFL.
Chaque jour, trois ou quatre trains font l’aller-retour entre Bettembourg et Le Boulou, une commune près de Perpignan, via l’autoroute ferroviaire. À raison d’un train de 20 wagons par trajet, «cela permet d’enlever de la route 320 semi-remorques par jour», précise Laurent Erhard. En octobre, le groupe CFL multimodal devrait d’ailleurs annoncer l’ouverture d’une autre ligne, à destination de Mouguerre, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Au total, l’autoroute ferroviaire et les voies ferrées combinées comptabilisent environ 46 trains par semaine vers la France mais aussi vers les ports d’Anvers, Rotterdam, Rostock, Lubeck ou Trieste. Cette dimension internationale est vitale pour le site, car «l’activité industrielle luxembourgeoise ne nous suffirait pas, il nous faut du trafic», admet Barbara Chevalier, qui ne cache pas des envies d’ailleurs (lire ci-dessous).
Visite guidée ce dimanche
Ce dimanche, de 11 h à 16 h, CFL multimodal invite le public à découvrir les coulisses de ses activités lors d’une visite guidée de 45 minutes proposée en luxembourgeois, français et allemand, qui permet d’explorer le terminal intermodal et le centre routier sécurisé (CRS). Inscription obligatoire sur le site portesouvertes.lu.
CFL multimodal : cap sur l’Europe de l’Est, en attendant l’Asie
Outre l’annonce prochaine d’une nouvelle ligne vers Mouguerre (près de Bayonne), CFL multimodal a d’autres liaisons en tête. Barbara Chevalier mentionne «l’Europe de l’Est, une région que l’on souhaite mieux connecter». Pourtant, des lignes ont été ouvertes ces dernières années vers Poznan (Pologne) et Curtici (Roumanie). Problème : elles ont, plus ou moins, été stoppées par manque de demande.
«Les trains vers Poznan ont, en partie, été arrêtés car la concurrence a dévié les volumes, et on ne s’interdit pas d’arrêter quand le taux de remplissage des trains n’est pas suffisant», justifie la directrice des activités fret des CFL. La connexion avec Curtici est ainsi, elle aussi, «en stand-by», mais les commerciaux de CFL multimodal travaillent à la réactiver.
Concurrence féroce
«Le ferroviaire, c’est un éternel recommencement. L’un des enjeux est la complémentarité, mais aussi la concurrence avec la route et le second est l’attractivité du Luxembourg face à d’autres hubs d’Europe.» Bien que l’Europe de l’Est soit une région très axée sur le transport routier, Barbara Chevalier a bon espoir d’attirer des clients souhaitant passer sur le rail.
Au-delà de l’Europe de l’Est, il y a l’Asie. En 2019, le Grand-Duché pensait s’être placé sur la «nouvelle route de la soie» en faisant rouler des trains tests entre Bettembourg et Chengdu, ville chinoise de presque dix millions d’habitants. Faute de demande, les essais n’ont finalement jamais abouti à l’ouverture d’une ligne. «Malgré tout, je reste persuadée qu’il y a des choses à faire en Asie, car nous avons fait les tests, donc on sait que c’est faisable.»
À ce jour, le plus grand obstacle sur la route de l’Asie est la guerre : «L’Asie, en ferroviaire, c’est très compliqué du point de vue géopolitique, car le plus optimal est de passer par la Pologne, puis le Bélarus et la Russie.» Contourner la Russie et le conflit par le sud de l’Europe serait tout aussi difficile, car «le lien entre la Turquie et l’Azerbaïdjan n’est pas facile et passer par la mer Caspienne implique de développer des infrastructures».
La concurrence féroce du transport maritime est, en outre, une difficulté majeure si l’on veut atteindre la Chine ou encore le Kazakhstan par le train. «En 2019, un conteneur sur un bateau coûtait environ 10 000 dollars. Aujourd’hui, c’est près de 1 500 dollars pour faire Shanghai-Rotterdam et 150 dollars pour faire l’inverse. Bien sûr que cela ne paye pas un train.»