La vérité sort-elle toujours de la bouche des enfants ? Le parquet en est persuadé. Des parents dépassés par leurs deux fils auraient eu les mains lestes à plusieurs reprises.
Tina et Toni (NDLR : noms d’emprunts) sont accusés d’avoir régulièrement battu leurs deux fils. L’école des enfants a signalé les faits à la police à la veille des grandes vacances de 2022. Ils ont évoqué des coups – avec et sans ceinture – de la part des deux parents, ainsi que des menaces.
«Le 30 juin 2022, Nino est arrivé en retard en classe. Il a déposé son cartable et est aussitôt ressorti. J’ai remarqué que quelque chose n’allait pas. Il n’était pas comme d’habitude», s’est souvenu son institutrice de l’époque, hier à la barre de la 13e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. Elle a passé le relais à une éducatrice qui a retrouvé l’enfant alors âgé de onze ans en pleurs.
«Il était enfermé dans les toilettes et refusait de parler à quelqu’un d’autre qu’à son meilleur ami», a indiqué l’éducatrice en question qui a réussi à lui tirer les vers du nez. «Il avait une griffure au visage et un œil au beurre noir.» L’enfant lui confie à demi-mots s’être disputé avec sa maman. Dani, son petit frère de 7 ans, plus loquace, confirme et accuse sa maman d’avoir utilisé un bâton. Ou un pinceau. Ce n’est pas clair.
Nino faisait souvent des difficultés pour se lever le matin et aller à l’école, racontent ses parents qui nient avoir intentionnellement frappé le petit garçon ou de les avoir menacé, lui et son frère, de coups de ceinture. Son père lui aurait tout au plus «mis la pression à la manière italienne» en criant pour que son fils s’excuse auprès de sa mère, prétend ce dernier. «Ce n’était pas une menace intentionnelle.»
Quant aux coups allégués, ils devaient être «accidentels», selon la maman. «Dani prenait son petit-déjeuner dans la cuisine. Il a peut-être entendu une dispute, mais il n’a rien vu», assure Tina. Nino, lui, aurait été «affalé sur le canapé et refusait de bouger. Je l’ai attrapé pour lui enlever son pyjama et l’habiller. Il était énervé et ne se laissait pas faire. J’ai pu lui donner un coup sans le vouloir à ce moment-là.» La mère de famille ajoute qu’il a également pu «se cogner contre le meuble de rangement des chaussures».
Pourquoi mentir ?
Le couple paraît perdu à la barre. Confrontés aux contradictions de leurs témoignages par la juge, Tina et Toni apparaissent patauds. Ils incriminent le traducteur lors de leurs auditions par la police, l’enquêteur qui a mal compris et leur propre fils cadet qui aurait tendance à mentir. «Quelle raison les deux enfants auraient-ils de mentir?», leur demande la juge. «Pourquoi Dani dit-il que son papa ne les frappe pas aussi souvent que sa maman, mais qu’il utilise une ceinture?» Les parents restent sans voix.
Leur avocate tente de les sortir de cette situation en semant le doute dans l’esprit des juges. Elle joue sur le fait que l’aîné est revenu sur ses accusations lors de son audition par la police et conteste les accusations des deux enfants. Tina et Toni n’auraient, selon leur avocate, jamais eu l’intention de blesser leurs fils ou de les menacer. L’avocate a plaidé en faveur de leur acquittement, d’une suspension du prononcé ou du sursis intégral.
Juste avant, la représentante du parquet avait pourtant expliqué dans son réquisitoire qu’il est courant que les enfants reviennent sur leurs propos après réflexion parce qu’ils aiment leurs parents et veulent les épargner. Ce qui ne signifie, selon elle, pas qu’ils ont menti. «Les déclarations du plus jeune des deux enfants étaient cohérentes, contrairement à celles de ses parents», juge-t-elle avant de requérir une amende appropriée et des peines de 12 mois de prison éventuellement assorties du sursis probatoire à l’encontre des deux parents.
Depuis les faits, un dossier a été ouvert par le tribunal de la jeunesse à l’encontre de Tina et Toni. Ils ont été soumis à un certain nombre de conditions, indique l’avocate des deux garçons, parmi lesquelles la présence d’une assistante en famille envoyée par le SCAS. La situation se serait depuis améliorée, confie la maman qui a reconnu avoir eu besoin d’aide et de soutien dans l’éducation de ses fils. Malgré cela, l’avocate des enfants a réclamé deux fois la somme de 2 500 euros de dommages et intérêts au bénéfice des deux frères.
Le prononcé est fixé au 2 octobre prochain.