De hauts responsables talibans ont mis en doute dimanche l’authenticité du message attribué au mollah Akhtar Mansour et destiné à prouver qu’il est encore vivant.
Un nouvel épisode de la méfiance qui règne au sein du mouvement taliban, qui avait déjà caché en 2013 et pendant deux ans la mort de son chef historique.
Les talibans afghans ont rendu public samedi un fichier audio de plus de 16 mn pour démentir «la propagande ennemie», après l’annonce par les services de renseignement afghans et plusieurs sources talibanes de la mort de leur chef mardi lors d’une fusillade au Pakistan.
Mais le doute continue de régner parmi les talibans, qui se méfient d’une direction qui avait gardé longtemps secrète la mort du mollah Omar. Son décès, qui remontait à 2013, n’a été officialisé qu’en 2015. Pendant ce temps, des messages pour la fête de l’Aïd attribués au mollah Omar avaient continué à être diffusés.
Mawlawi Hanifi, un commandant établi dans la province méridionale de Helmand, a expliqué avoir «écouté le fichier» et que celui-ci semble être «un faux».
«Je crois qu’on a imité sa voix. Mansour lui-même nous a trompé pendant deux ans. Comment peut-on avoir confiance aujourd’hui?» Un autre cadre taliban a estimé que l’insurrection cherchait à gagner du temps afin de désigner un nouveau chef et se remettre «de ce choc soudain». «Nous avons besoin de preuves supplémentaires», a-t-il dit.
Même son de cloches chez deux autres responsables talibans, dont l’un a déclaré que le mollah Mansour avait succombé jeudi à ses blessures. «J’ai enregistré ce message afin que tout le monde sache que je suis en vie», dit une voix masculine détendue attribuée au mollah Mansour, dans ce fichier envoyé aux médias par un porte-parole des talibans.
Profondes divergences
«Je ne me suis battu avec personne, il n’y a eu aucune réunion et je n’ai pas été à Kuchlak (près de Quetta au Pakistan) depuis des années. Tout ça c’est de la propagande ennemie», ajoute le message. Ajoutant à la confusion, certains commandants talibans ont déclaré que le message était authentique, ajoutant avoir été présents au moment de l’enregistrement.
«Ce message a été enregistré hier par notre leader Mansour, nous étions là», a déclaré l’un de ces cadres.
Rahimullah Yousufzai, un analyste pakistanais connaisseur des talibans a estimé que la voix ressemblait à celle du mollah Mansour. «Je pense que c’est lui», a-t-il dit. «Pourquoi ont-ils attendu cinq jours» avant de publier le message ? a-t-il cependant demandé. «S’ils avaient fait cela avant, cela aurait peut-être été plus efficace».
Le décès du mollah Omar avait été annoncé le 31 juillet par les services de renseignements afghans. Les talibans avaient ensuite reconnu qu’il était mort, apparemment des suites d’une maladie. «Les talibans ont un problème de crédibilité depuis qu’ils ont reconnu avoir caché le décès du mollah Omar», a dit l’analyste militaire Jawed Kohistani.
Quoi qu’il en soit, cet incident semble témoigner de divergences profondes au sein de la rébellion, et risque de compliquer les efforts en cours pour relancer un dialogue entre Kaboul et les talibans, avec l’aide d’Islamabad.
La nomination du mollah Mansour, qui était le numéro deux du mollah Omar, a été jugée précipitée par certains. Elle fut aussitôt contestée par plusieurs mouvances de la rébellion, dont la famille du mollah Omar et des chefs militaires.
Début novembre, une faction dissidente s’est constituée formellement, en se choisissant un chef, le mollah Mohammed Rassoul, qui nie toute légitimité à son rival.
Partisane d’une ligne dure et proche de l’organisation Etat islamique, cette dissidence constitue également un défi majeur pour les pourparlers de paix, actuellement suspendus, alors que le mollah Mansour est perçu comme favorable au dialogue avec le gouvernement afghan.
Si le mouvement fondamentaliste est divisé, les talibans ont étendu leur emprise ces derniers mois au-delà de leurs bastions traditionnels ruraux du sud et de l’est afghans. De plus en plus actifs dans le nord, ils ont frappé un grand coup symbolique fin septembre en conquérant brièvement la ville de Kunduz, verrou stratégique sur la route du Tadjikistan.
AFP/M.R.