Plus de deux semaines après les attentats de Paris, voici les principaux enjeux du premier tour des élections régionales, le 6 décembre, avec un Front national plus que jamais en mesure de l’emporter dans au moins une ou deux régions, une gauche à la peine et une droite qui redoute de faire les frais de la progression du FN.
Mobiliser après les attentats
Plus de deux semaines après le drame des attentats, l’ampleur de la mobilisation des électeurs est la première inconnue du scrutin. Selon les spécialistes, le regain de participation devrait toutefois rester modeste et ne modifier qu’à la marge le rapport de forces droite-gauche-FN. Un électeur sur deux seulement s’est déplacé ces dernières années pour ce type d’élections intermédiaires (53,6% d’abstention au premier tour des régionales de 2010). «Il y a un petit effet sur les populations qui d’habitude vont le moins voter: les jeunes -parce qu’ils se sentent peut-être touchés par le profil des victimes des attentats- et les gens qui ne sont proches d’aucun parti», analyse Jean-François Doridot, directeur général d’Ipsos, à la lumière des derniers sondages. Mais, «difficile de dire si ça avantage un camp ou un autre».
Quel score pour le Front national ?
La question sera au coeur des débat au soir du premier tour. Crédité de 27% à 30% d’intentions de vote au niveau national, le FN est en passe de réaliser son meilleur score toutes élections confondues. Avec des candidats très médiatisés -Marine Le Pen, Marion Maréchal-Le Pen-, il semble en mesure de l’emporter dans au moins une ou deux régions, contrairement aux élections de mars, où il n’était parvenu à s’imposer à la tête d’aucun conseil départemental. En Nord-Pas-de-Calais/Picardie (sondage OpinionWay) comme en PACA (Ipsos), le FN franchit la barre symbolique des 40% d’intentions de vote au premier tour et il est donné gagnant en cas de triangulaire au second.
Surtout, il est le seul à qui profite la période post-attentats dans les intentions de vote. «Le parti qui bénéficie de ces événements, c’est vraiment le FN, sur le thème: +On vous l’avait bien dit+», relève Jean-François Doridot. Le drame des attentats valide, selon les sondeurs, certaines de ses positions, sur le danger jihadiste, la crise des migrants ou les contrôles aux frontières. Les listes frontistes accentuent leur poussée un peu partout, en Ile-de-France, Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ou Aquitaine/Limousin/Poitou-Charentes, et semblent en mesure d’imposer des triangulaires au second tour dans l’ensemble des régions métropolitaines.
Le PS peut-il ramener aux urnes les électeurs de gauche ?
Le Parti socialiste mise sur une campagne très courte pour mobiliser la gauche autour de François Hollande et du gouvernement. Donné perdant dans les deux tiers des 13 nouvelles régions métropolitaines, il compte sur le regain de popularité du chef de l’Etat et l’adhésion massive des Français aux mesures contre le terrorisme adoptées après les attentats pour limiter la casse. Crédité de 22% à 26% d’intentions de vote au premier tour, le PS reste bien placé pour conserver trois régions: Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon et Bretagne. Mais il doit mobiliser son électorat pour tenter d’inverser la tendance nationale et éviter une défaite plus lourde. «Peut-être que l’on aura une plus grande concentration des voix sur les listes PS au premier tour», tempère Jérôme Sainte-Marie, président de PollingVox. Mais le basculement de l’exécutif dans une logique sécuritaire – avec la prolongation de l’état d’urgence – dérange certains électeurs écologistes et Front de gauche, qui renvoient dos à dos le PS et la droite.
Contrairement à la droite, le PS dispose toutefois de réserves de second tour, avec les écologistes d’EELV crédités de 7% à 9% au premier, et le Front de gauche, de 4% à 5%. Mais un douloureux débat sur le retrait ou le maintien des listes face à une possible victoire du FN risque d’enflammer la gauche au soir du 6 décembre.
Jusqu’où ira l’érosion de la droite ?
Les Républicains de Nicolas Sarkozy comptaient sur ces régionales pour lancer la reconquête avant l’élection présidentielle de 2017. Mais alors qu’elle semble devoir s’imposer dans une majorité de régions, la droite oscille depuis les attentats entre la nécessité de soutenir l’exécutif dans la lutte contre le terrorisme et celle de s’opposer pour ne pas lui laisser le champ libre à 18 mois de la présidentielle. Coincée entre un FN conforté à un très haut niveau et le PS qui mise sur l’unité nationale, la droite et ses alliés centristes redoutent de voir leur succès compromis ou du moins amoindri. Créditée de 25% à 28% des voix au premier tour, ils partent favoris dans plus de la moitié des régions. Mais leur score est rogné un peu partout d’un ou deux points au profit du FN.
Ce qui n’empêche pas Valérie Pécresse (LR) de se maintenir en tête en Ile-de-France, où le FN talonne désormais la liste de gauche de Claude Bartolone. En Nord-Pas-de-Calais-Picardie comme en PACA, ses têtes de liste, Xavier Bertrand et Christian Estrosi, sont repartis bille en tête contre la gauche et l’exécutif. Mais leur sort semble lié à l’attitude des listes PS – maintien ou retrait – au soir du premier tour. Une victoire du FN en triangulaire dans ces deux régions écornerait sérieusement le bilan de la droite aux régionales, et celui de Nicolas Sarkozy.
AFP/M.R.