Accueil | A la Une | « Bloquons tout »: des centaines d’actions mais pas de France à l’arrêt

« Bloquons tout »: des centaines d’actions mais pas de France à l’arrêt


Des mobilisations étudiantes ont été recensées à Paris, Rennes, Grenoble, Montpellier, Toulouse, Lyon, Mulhouse et Nice, selon l'Union étudiante et l'Unef. (Photo : afp)

Lycées, routes… Des centaines de blocages ou de tentatives, rapidement contrés par des forces de l’ordre en nombre, ont essaimé mercredi en France, mais le mouvement « Bloquons tout » peine à mettre le pays à l’arrêt pour exiger une autre politique.

« Les manifs, ça sert à rien alors il faut bloquer. Contre les milliards donnés aux riches, le budget de la guerre qui double, et pour la retraite à 60 ans », a déclaré une jeune militante qui se fait appeler Camille, sur un barrage filtrant à l’entrée de Dijon, qui a provoqué un embouteillage monstre sous les yeux impuissants des policiers municipaux.

Pour la plupart, les actions se sont déroulées dans un calme relatif mais il y a eu quelques débordements comme sur la rocade de Rennes où un bus a été saccagé et incendié par des manifestants, a rapporté Star, le réseau de transports en commun de la ville.

Le ministre de l’Intérieur démissionnaire et président Les Républicains (LR) Bruno Retailleau a dénoncé cette action et a de nouveau accusé « la mouvance de l’extrême gauche » d’avoir « confisqué » cette mobilisation née sur les réseaux sociaux et soutenue par la gauche, de LFI au PS.

Visant La France Insoumise, il a condamné les députés qui ont « des mots d’ordre d’appel à l’insurrection, au soulèvement, ou bien à la violence ». Il a opposé la « France du courage, celle de ces hommes et de ces femmes en bleu, et de l’autre côté, la France du sabotage en noir ».

Le point à la frontière

Une A31 étonnamment fluide pour un mercredi

Aux abords d’une A31 étonnamment fluide pour un mercredi, le rond point de Lesmenils, occupé en 2018 par les gilets jaunes de Pont-à-Mousson reste vide.

Sur la place Duroc, aucune banderole, ni manifestants. Le mouvement « Bloquons tout » ne semble pas prendre dans la ville de droite. « Personne n’en parle », s’étonne presque un cafetier des arcades.

« Aucun souci, aucun problème », assure l’accueil du lycée polyvalent Hanzelet. Devant l’usine Saint Gobain PAM, les salariés, en grève contre un pacte social supprimant leurs acquis sociaux, les discussions se concentrent sur les négociations prévues jeudi avec la direction du groupe industriel.

À Metz et à Thionville, des manifestations dans le calme

A Metz, à 14h, Place de la République à Metz, 200 à 300 manifestants sont déjà réunis avec les ouvriers de Novasco en attendant le départ de la manifestation.

Le cortège d’environ 150 personnes a démarré sa marche vers le centre à 9 h10. Les RG suivent le mouvement. Avant de partir, les leaders du mouvement ont détaillé la marche a suivre en cas de garde à vue.

Vers 10h, ils sont une petite cinquantaine de manifestants à stationner rue des Clercs devant le magasin Carrefour City.  Assis à même le sol, ils refusent le passage aux résidents et aux camions de livraison. Parmi les mécontents mobilisés ce mercredi 10 septembre à la Porte Serpenoise, au centre-ville de Metz, se trouvait Charlotte Leduc, ancienne députée LFI de Moselle. Rue des Clercs, les manifestants sont encadrés de près par les forces de l’ordre.

Certains distributeurs du Crédit Mutuel sont recouverts de cartons solidement scotchés dans la rue Fabert. Certains magasins sont affichés fermés pour ce mercredi 10 septembre. Globalement, peu de monde dans les magasins et dans les cafés en cette fin de matinée

A Thionville, une vingtaine de personnes ont répondu ce matin à l’appel du mouvement « Bloquons tout ». Positionnés sur le rond-point du Linkling, les manifestants ont arboré des pancartes demandant la démission d’Emmanuel Macron. Le tout sous la surveillance discrète de trois équipages de police.

À Longwy, les manifestants bloquent le centre des finances

A Longwy, aucun train ne circule vers le Luxembourg, et aucun train n’en vient. En dehors de ça, ça circule normalement (vers Metz ou Nancy par exemple, et sur les bus de transport du Grand Longwy).

Le blocage de la rue Stanislas est levé à Longwy vers 10h. Les manifestants ont ensuite bloqué le centre des finances publiques.

Après avoir provoqué d’importantes difficultés de circulation sur les zones commerciales du Pulventeux et des Maragolles, e barrage filtrant mis en place sur le rond-point de la médiathèque a pris fin peu avant midi.

Une centaine de lycées perturbés 

En fin de matinée, près de 200 personnes avaient été arrêtées dont 159 en agglomération parisienne. Les gendarmes décomptaient 241 actions dans leur zone, rassemblant environ 10.000 manifestants. Un peu partout sur le territoire, y compris à La Réunion, des actions ont été lancées mais sans atteindre des cibles stratégiques. Elles se sont heurtées le plus souvent à l’action préventive des forces de l’ordre, comme à Marseille, où, prépositionnées à l’avance, elles ont empêché 200 personnes d’accéder à l’autoroute venant de Toulon.

A la gare du Nord à Paris, la situation était tendue en fin de matinée avec les forces de l’ordre qui filtraient les entrées. Des manifestants assez jeunes arboraient des pancartes comme « le mépris déclenche la colère » tout en reprenant l’hymne des gilets jaunes « on est là, on est là, même si Macron ne veut pas nous, on est là ! », a constaté l’AFP.

Une centaine de lycées étaient perturbés et 27 bloqués, selon le ministère de l’Education nationale, notamment à Paris, à Montpellier, Rennes et Lille. « Bloquer notre lycée, c’est bloquer l’Education nationale, ça représente l’éducation comme la veut Macron », témoigne Lucia, 17 ans et en première au lycée Claude Monet dans le 13e.

Des mobilisations étudiantes ont été recensées à Paris, Rennes, Grenoble, Montpellier, Toulouse, Lyon, Mulhouse et Nice, selon l’Union étudiante et l’Unef.

Côté transports, la circulation des trains est coupée par des occupations de voies à Cherbourg et Valence, selon la SNCF qui a aussi mentionné une tentative d’intrusion dans la Gare du Nord à Paris et des « actes de malveillance ». A Paris et en Ile-de-France, les transports en commun connaissent quelques perturbations, « conformes aux prévisions » selon les opérateurs de transport. Le musée du Louvre à Paris a prévenu sur X qu' »en raison d’un mouvement social, certaines salles sont exceptionnellement fermées ».

« Budget mal géré » 

Signe toutefois que les blocages restaient limités à la mi-journée: dans les raffineries TotalEnergies, où la CGT avait appelé à faire grève, la mobilisation était « très faible », selon un responsable syndical à l’AFP.

Ce mouvement horizontal, sans chef de file identifié, rappelle celui des Gilets jaunes, il y a sept ans, mais rassemble des personnes plus jeunes et plus politisées, selon une enquête de la fondation Jean Jaurès.

« Il y a un budget de l’Etat qui a été mal géré et on nous accuse d’être à l’origine de cette dette, et c’est à nous de travailler plus pour rembourser », a déclaré à l’AFP Juliette, travailleuse sociale à Clermont-Ferrand âgée de 30 ans, qui n’a « pas l’habitude » de manifester et n’est pas syndiquée.

Cette journée d’actions disparates est soutenu par certains syndicats. La CGT et Solidaires ont appelé à s’y joindre quand la CFDT et FO, notamment, ont préféré se concentrer sur la journée intersyndicale du 18. La convergence des colères se fait aussi, partiellement, avec celle du monde agricole. La Confédération paysanne, 3e syndicat agricole français, a annoncé sa participation.

80.000 gendarmes et policiers

« Bloquons tout. Le 10 septembre, la France s’arrête »: des centaines d’actions visant transports, entreprises ou encore universités sont prévues mercredi après un appel lancé sur les réseaux sociaux dans un pays en pleine crise politique, dans l’attente d’un nouveau gouvernement.

Cette mobilisation « citoyenne » tombe au lendemain de la nomination au poste de Premier ministre de Sébastien Lecornu, jusqu’alors ministre des Armées. Celui-ci succède au centriste François Bayrou, démissionnaire après la chute lundi de son gouvernement lors d’un vote de défiance des députés sur son plan de désendettement du pays.

Alors que la passation de pouvoir entre les deux hommes est prévue mercredi à 12H00 (10H00 GMT) à l’hôtel Matignon, dans le centre de Paris, le ministre de l’Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau a prévenu que des forces de sécurité seraient déployées dès mardi soir « sur des zones sensibles », promettant une « tolérance zéro ».

Il a annoncé dès lundi soir que « 80.000 gendarmes et policiers » seraient mobilisés dans toute la France.

Perturbations dans les transports, « actes de malveillance » sur les voies ferrées

Les transports en commun connaissent quelques perturbations à Paris en début de matinée mercredi, jour du mouvement pour « tout bloquer », « conformes aux prévisions », ont indiqué à l’AFP la RATP et la SNCF, qui déplore des « actes de malveillance » sur le réseau de l’Hexagone.

Côté métro parisien, « tout est conforme aux prévisions », a déclaré un porte-parole du transporteur, interrogé mercredi en début de matinée. Le trafic est « quasi normal » pour les réseaux de métro et de bus, et « perturbé », avec deux trains sur trois qui circulent, sur la ligne B du RER, qui traverse l’Ile-de-France du nord au sud via le centre de Paris et dessert l’aéroport de Paris Charles-de-Gaulle.

Gérée conjointement avec la SNCF, cette ligne est habituellement empruntée par près d’un million de voyageurs par jour. A la SNCF, là encore, on indique que les perturbations survenues en début de matinée sont celles qui « ont été annoncées dans le plan de transport ». « Toutefois, deux actes de malveillance ont été commis cette nuit et perturbent actuellement certaines circulations, précise la SNCF.

Elle déplore des « dégradations de câbles »: entre Marmande et Agen (Lot-et-Garonne), « ce qui entraîne la perturbation des circulations ferroviaires entre Bordeaux et Toulouse », et à Colomiers, dans la banlieue de Toulouse, « ce qui entraîne l’interruption des circulations entre Saint-Cyprien et Colomiers (Haute-Garonne) ».

« Un autre acte de malveillance a été repéré entre Amplepuis (Rhône) et Saint-Victor-sur-Rhins (Loire), sans conséquence pour les circulations ferroviaires » et les « branches d’arbre placées en travers de la voie ont pu être rapidement retirées ». Des enquêtes sont en cours et SNCF Réseau va déposer plainte, a ajouté la SNCF.

Dans un communiqué, le ministère des Transports cite des « exactions », telles que le « cadenassage d’une grille d’accès à une gare en Ile-de-France, des jets de pétards » sur une voie, ou encore la « présence de palettes sur les voies entre Rennes et Redon ».

Le transporteur avait indiqué lundi ne prévoir aucune circulation sur une partie du RER D, seulement un train sur trois sur les lignes Transilien H, vers le nord-ouest de la région parisienne, et Transilien R (sud-est). Elle prévoyait également des perturbations du trafic ferroviaire dans l’Hexagone, en particulier celui des TER et des Intercités, mais pas sur le réseau à grande vitesse.

Gare de Lyon, à Paris, la matinée de mercredi ressemble à une journée classique dans les halls des grandes lignes et le trafic des TGV est normal, comme prévu, a constaté une journaliste de l’AFP.

Il y a en revanche moins d’affluence que d’habitude au niveau des RER A et D, en raison des perturbations annoncées. « J’avais demandé à mon manager de ne pas commencer trop tôt aujourd’hui et je suis partie très en avance, mais j’ai eu mon train sans problème », explique Séverine Héguy, 24 ans, vendeuse dans un magasin de vêtements à Paris, qui vient de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne).

Pour les aéroports parisiens, « rien à signaler », a indiqué à l’AFP un porte-parole d’ADP. « Il n’y a pas eu de préavis de grève chez ADP et chez nos principaux prestataires, mais nous effectuons tout au long de la journée une veille active au vu de l’imprévisibilité du mouvement », a-t-il ajouté.

ADP suit notamment les possibles perturbations sur les accès routiers ou ferroviaires aux aéroports parisiens sous sa gestion (Paris-Orly, Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Le Bourget), a précisé ce porte-parole.

« Une montée progressive des retards est attendue au cours de la matinée », a indiqué le ministère des Transports à propos des vols. Il évoque aussi des « perturbations fortes pour l’accès à l’aéroport à Nantes » et des perturbations dans les transports en commun à Toulouse pouvant impacter l’accès à l’aéroport.

Enfin, sur le réseau routier, le ministère signale des rassemblements en cours, tels que opérations escargots et barrages au niveau de Rennes et Nantes, sur l’A10 au niveau de Poitiers Sud et sur l’A9 à Aix-en-Provence et sur la rocade de Toulouse.

Pour les aéroports parisiens, « rien à signaler », a indiqué à l’AFP un porte-parole d’ADP. « Il n’y a pas eu de préavis de grève chez ADP et chez nos principaux prestataires, mais nous effectuons tout au long de la journée une veille active au vu de l’imprévisibilité du mouvement », a-t-il ajouté. ADP suit notamment les possibles perturbations sur les accès routiers ou ferroviaires aux aéroports parisiens sous sa gestion (Paris-Orly, Paris-Charles-de-Gaulle et Paris-Le Bourget), a précisé ce porte-parole.

A 6 heures, une cinquantaine de manifestants, chantant le « On est là », hymne du mouvement des Gilets jaunes de 2018, étaient réunis Porte d’Orléans, dans le sud de Paris, pour tenter de bloquer la route en direction de l’aéroport d’Orly, a constaté un journaliste de l’AFP. La police est intervenue pour empêcher le blocage.

Enfin, la direction générale de l’Aviation civile (DGAC) avait annoncé lundi prévoir des perturbations et des retards « sur l’ensemble des aéroports français ». Il n’y a cependant pas de difficultés liées au contrôle aérien « à cette heure », a indiqué une porte-parole de la DGAC mercredi matin. L’appel à « tout bloquer » est né sur les réseaux sociaux et pourrait permettre de jauger la colère sociale: une myriade d’actions sont prévues dès l’aube dans les métropoles, les petites villes et les campagnes, mais l’étendue de la mobilisation reste incertaine.

 

Newsletter du Quotidien

Inscrivez-vous à notre newsletter et recevez tous les jours notre sélection de l'actualité.

En cliquant sur "Je m'inscris" vous acceptez de recevoir les newsletters du Quotidien ainsi que les conditions d'utilisation et la politique de protection des données personnelles conformément au RGPD .