Devenue minoritaire dans l’économie nationale, l’industrie manufacturière luxembourgeoise n’a pourtant pas dit son dernier mot.
Longtemps pilier de l’économie luxembourgeoise, l’industrie manufacturière a vu son poids relatif reculer depuis le début des années 2000. Si sa part dans la valeur ajoutée et l’emploi s’est nettement contractée, le secteur conserve une base stable et affiche des ambitions renouvelées dans un contexte de transition énergétique et numérique.
En 2000, l’industrie manufacturière représentait 11 % de la valeur ajoutée brute nationale. En 2024, cette part n’était plus que de 4 %, la plus faible de la zone euro. La tendance est similaire pour l’emploi : de 13 % des salariés en 2000, le secteur ne pèse plus qu’environ 6 % en 2024.
Pourtant, le nombre d’emplois demeure stable en valeur absolue, autour de 38 000 postes. «Contrairement à la situation dans d’autres États membres de l’UE, l’industrie manufacturière reste assez stable au Luxembourg en chiffres absolus», rappelle le ministre de l’Economie Lex Delles dans sa réponse à la question parlementaire du député DP André Bauler.
Du côté des finances publiques, les recettes fiscales du secteur reflètent également la contraction. Après avoir culminé à près de 396 millions d’euros en 2012, elles sont tombées à environ 250 millions en 2024. Cette baisse relative s’explique avant tout par la croissance plus rapide d’autres secteurs, notamment les services financiers, plutôt que par un effondrement de l’activité industrielle.
Des acteurs historiques encore présents
Deux géants industriels, ArcelorMittal (3 520 salariés) et Goodyear (3 390 salariés), figurent toujours parmi les dix plus grands employeurs du pays. Une permanence remarquable, souligne le ministre : «Ces deux acteurs industriels figurent en permanence dans le top 10 des principaux employeurs depuis 2003.»
Si l’industrie luxembourgeoise a perdu en poids relatif, elle s’est transformée dans sa composition. Sur les 819 entreprises manufacturières recensées en 2022, seules 15 relevaient de la haute technologie (contre 54 en 2005), tandis que les segments de moyenne-haute technologie et de moyenne-basse technologie progressaient, respectivement à 122 et 349 entreprises.
Cette évolution témoigne d’une dualité : des branches dites traditionnelles comme la production de matériaux, mais modernisées par l’innovation et la digitalisation. «Les mêmes branches de l’industrie peuvent être considérées à la fois comme traditionnelles et aujourd’hui innovantes et à haute valeur ajoutée», explique Lex Delles.
Un secteur à réinventer
Face à ce recul relatif, le gouvernement réaffirme sa stratégie de «multi-spécialisation», visant à diversifier l’économie au-delà de la finance. Les secteurs prioritaires sont clairement identifiés : technologies de santé, cleantech, logistique, spatial et économie des données, y compris l’intelligence artificielle. «L’accord de coalition reconnaît explicitement l’importance de l’industrie pour le Luxembourg et mise plus particulièrement sur les efforts de décarbonisation et de digitalisation des processus de production», précise le ministre.
Pour accompagner cette mutation, l’État mobilise plusieurs leviers : aides publiques à l’investissement et à la recherche et développement (R&D), infrastructures numériques et zones d’activités, mais aussi dispositifs d’accompagnement comme le Digital Innovation Hub. Objectif affiché : «Préserver le tissu industriel existant tout en créant un environnement propice à l’implantation et au développement de nouvelles activités.»
Si le poids de l’industrie luxembourgeoise s’est réduit, elle reste un maillon essentiel de la compétitivité nationale. À l’heure de la transition énergétique et numérique, la question n’est plus tant celle de son volume que de sa capacité à évoluer vers un modèle innovant, durable et connecté.
Une longue histoire industrielle
L’histoire industrielle du Luxembourg commence au 19e siècle avec l’essor de la sidérurgie, qui fait du pays l’un des pôles européens de l’acier. Cette prédominance a marqué l’économie nationale jusque dans les années 1970, avant d’être brutalement fragilisée par le choc pétrolier de 1974-1975.
Dès les années 1960 pourtant, les autorités anticipaient la nécessité de diversifier l’économie. Un deuxième pôle industriel émerge alors, articulé autour de la chimie, du caoutchouc et des matériaux. À partir des années 2000, le Luxembourg adopte une stratégie de «multi-spécialisation», destinée à développer de nouveaux secteurs — technologies de l’information, santé, écotechnologies, espace, logistique — et à attirer des filiales étrangères.