Cet été, la rédaction du Quotidien vous emmène à la découverte de lieux et d’activités insolites à travers le patrimoine du Grand-Duché. Nous partons à la rencontre de celles et ceux qui, animés par la passion, font vivre ces petits bouts d’histoire dissimulés.
Si les casemates du Bock, le Palais grand-ducal ou encore le château de Vianden sont des lieux incontournables pour tout touriste digne de ce nom, le Luxembourg recèle également de nombreux lieux et activités insolites qui prennent vie grâce à des passionnés amoureux du patrimoine secret du Grand-Duché. Visite avec un passionné de l’histoire de la capitale, musée des Calèches ou des Pompiers, nous vous emmenons, pendant tout l’été, à la rencontre des lieux et histoires dissimulés du pays.
Dans ce quatrième épisode, nous sommes allés à la rencontre de Romain Rech, passionné du tramway luxembourgeois, qui nous a fait remonter le temps durant une visite au Tramsmusée de Luxembourg, qu’il connaît sur le bout des doigts.

Cet ancien dépôt a été reconverti en véritable cabinet de curiosités urbaines, où tram à cheval grandeur nature, autobus anciens, maquettes miniatures et uniformes d’époque s’exposent dans un décor mécanique tout droit sorti des ateliers municipaux. Des pièces d’époque qui côtoient quelque 8 000 photos d’archives, témoins de l’évolution du transport public au Grand-Duché, mais aussi du développement de sa capitale au fil des évolutions technologiques.
«Les lignes de tram construites à l’époque représentent les grandes artères utilisées aujourd’hui», illustre ainsi Romain Rech, très fier d’avoir été responsable du «seul musée des transports luxembourgeois» pendant près de 15 ans. Si aujourd’hui, il a cédé sa place pour s’offrir une retraite bien méritée, il n’hésite toutefois pas à venir partager sa passion avec nous lors de notre visite.
C’est un véritable voyage dans le temps qui est proposé rue du Bouillon à Luxembourg. Le bois craque sous les semelles, les portes coulissantes claquent, et les photos en noir et blanc permettent de se rendre compte du chemin parcouru ces dernières décennies.
Des archives uniques
C’est vers le début des années 60 que furent réunis les premiers éléments de cette collection, face à la perspective de disparition du tramway. Les festivités du millénaire de la Ville de Luxembourg (en 1963) et la dernière course du tramway électrique (en 1964) conduisirent à la réalisation, par les ateliers du service autobus, de modèles réduits d’une fidélité extraordinaire de tramways à l’échelle 1:8.
Par la suite, d’autres maquettes de tramways et d’autobus furent construites. Elles permettent aujourd’hui d’appréhender l’évolution des modèles dans le temps. Outre la collecte et l’acquisition de nombreux objets (costumes de contrôleurs, billets, pointeuses, cartes et plans…), le musée entreprit également d’acquérir une série de documents susceptibles de s’inscrire dans une approche documentaire.

C’est ainsi que fut constitué l’impressionnant parcours d’exposition aujourd’hui visible. Il retrace toute l’histoire de la mobilité sur la capitale et s’appuie sur plusieurs milliers de documents. Un vrai paradis pour les fans d’histoire ou de mobilité urbaine. «Vous voyez cette photo ? Elle a été prise le dernier jour où le tramway circulait, le 5 septembre 1964. On peut y voir des milliers de personnes venues lui dire adieu», s’émerveille encore Romain Rech devant ces archives.

Il faut dire que le tramway, de retour dans la capitale depuis 2017, a fait partie du paysage luxembourgeois durant… 89 ans avant sa disparition en 1964. Une longue histoire d’amour qui débute d’ailleurs en 1875, avec un «tram» composé d’une calèche ouverte, attelée par deux chevaux, avec des bancs réversibles.
En effet, de 1875 à 1908, Luxembourg s’appuie sur un réseau de tramway à cheval, établi sur près de trois kilomètres, avant de laisser la place au réseau électrifié. Deux agents étaient présents à bord des voitures : un pour diriger les chevaux, un autre pour la vente de billets et les contrôles. Un engin toujours visible à l’heure actuelle dans le musée. Et en état de marche, qui plus est.
«Tout fonctionne encore, mais nous ne bougeons le matériel que pour des évènements spéciaux ou nos portes ouvertes», raconte l’ancien responsable. Difficile en effet de circuler aisément avec ces véhicules d’époque : le hangar rue de Bouillon est plein à craquer. «Nous avons ici cinq trams et deux autobus, sans compter la voiture Ford destinée à l’entretien des caténaires. C’est tout ce qu’il reste comme vestiges de l’époque. Nous n’avons plus de places pour accueillir d’autres équipements», souligne Romain Rech.
Relier les époques
Çà et là, les périodes se mêlent et se démêlent… Tramway de 1931, entièrement fait de bois (lire l’encadré ci-dessous), autobus des années 50 avec chauffeurs et receveurs, Benz Velo construit en 1893… Toute l’histoire de la mobilité luxembourgeoise, jusque dans les années 2000, se retrouve dans ce musée. Les passionnés de mécanique peuvent également découvrir le fonctionnement d’un engrenage et d’un moteur en mouvement, ou s’intéresser aux spécifications techniques des appareils exposés grâce à une multitude de plans explicatifs. Une véritable fenêtre sur le passé.

«Je trouve ça incroyable de voir l’évolution, notamment de la capitale, à travers cette mobilité. On y voit la construction des ponts, des nouveaux quartiers. Les premières habitations rue de la Liberté par exemple. Ça nous permet vraiment de voir l’expansion de Luxembourg», insiste Romain Rech.
En moyenne, le musée du tramway attire chaque année entre 5 000 et 6 000 visiteurs. En quittant la rue du Bouillon, difficile de ne pas jeter un dernier regard aux rails figés dans le passé. Désormais, le tramway ne se contente plus de relier les quartiers : il relie aussi les époques. Et au musée du tram, c’est sûr, on embarque toujours… pour un aller simple vers la nostalgie.
Musée du tramway, ouvert tous les jeudis de 13 h 30 à 17 h 30 et les samedis, dimanches et jours fériés de 10 h à 18 h. Des visites guidées sont également possibles sur rendez-vous.
Notre coup de cœur
C’est la motrice 34 du tramway de 1931 qui a davantage attiré notre regard. Sa particularité? Elle n’a jamais quitté le Luxembourg, contrairement à d’autres motrices prêtées pendant quelques années à nos voisins belges. L’entièreté de l’habitacle est en bois et n’a nécessité que «quelques petites réparations». Une ficelle reliée à une cloche située à côté du conducteur permettait d’indiquer à quel arrêt s’arrêter. Cette ligne sortait du centre-ville de Luxembourg pour rejoindre les quartiers de Bonnevoie, Merl et Neudorf notamment. «Mais elle ne pourrait plus être utilisée aujourd’hui», explique Romain Rech. «L’écartement des rails n’est pas le même qu’à l’époque, ça ne fonctionnerait pas.» Dommage. Mais on peut toujours rêver, non?