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[Exposition] Marie-Laure de Decker, l’image comme engagement


Marie-Laure de Decker, Vietnam, 1971.

À Paris, la Maison européenne de la photographie consacre une généreuse rétrospective à Marie-Laure de Decker, pionnière du photojournalisme au féminin, et ses combats.

Une première grande rétrospective dédiée à la photographe française Marie-Laure de Decker (1947-2023), grande dame du photojournalisme, est présentée actuellement à la Maison européenne de la photographie (MEP) à Paris, retraçant plus de quarante ans de son travail. Quelque 300 clichés en noir et blanc et en couleur dont beaucoup inédits, issus des archives familiales et des collections de la MEP, sont exposés sur deux étages. Ils retracent toute l’œuvre de cette pionnière du photojournalisme de guerre féminin qui a placé l’humain au cœur de sa vie pour témoigner des combats sociaux et politiques de la seconde moitié du XXe siècle et du début du XXIe sur tous les continents.

Son travail «a capté l’esprit de son époque dans les années 1970 et résonne encore fortement aujourd’hui au travers des grandes causes qu’elle a portées et qui sont aussi les nôtres : l’anticolonialisme, l’antiracisme et le féminisme», souligne Victoria Aresheva qui a conçu l’exposition avec Pablo Saavedra de Decker, fils que la photographe a eu avec le résistant chilien Téo Saavedra. «Tout cela montre bien le courage qu’il lui a fallu pour transcender sa peur et montrer au monde la beauté qu’elle voulait», précise ce dernier.

«Portraits décalés» de la guerre du Vietnam

«Déclaration d’amour qui rend à (sa) mère la place qu’elle avait», cette rétrospective revêt aussi «une importance vitale : montrer le travail de femmes photographes, et d’icônes auxquelles les jeunes générations de femmes doivent pouvoir s’identifier», ajoute-t-il. Parmi les images les plus fortes et sans doute les plus connues : le Vietnam et sa guerre médiatisée qui a marqué son entrée dans la profession et dans la toute nouvelle agence de photographes de l’époque, Gamma, créée en 1966 «par des hommes et qui ne comprenait que des hommes», rappelle Victoria Aresheva.

On la découvre alors, coupe garçonne et regard lumineux mêlé de défi, y partir, seule, à 23 ans, pour travailler pour Newsweek. Elle va réaliser nombre de portraits décalés – prostituées dans la rue, soldat avec un chiot dans les bras, enfants jouant dans des hôpitaux – qui «tranchent beaucoup avec le reste de la production photographique de l’époque sur cette guerre», selon la commissaire. Suit en 1973 un reportage au Yémen avec Raymond Depardon (alors directeur de Gamma), ainsi qu’un autre, «très peu connu», sur des réfugiés palestiniens en Jordanie, selon Victoria Aresheva.

En 1975, elle part au Tchad, qui deviendra son pays d’adoption, et va témoigner de l’enlèvement de l’archéologue française Françoise Claustre par des rebelles du nord en lutte armée contre le gouvernement du sud du pays, et des raisons de cette lutte. «Elle réalise notamment des portraits de combattants à leur demande dans un studio improvisé avec un drap blanc accroché sur un rocher, assumant son point de vue subjectif et son engagement», souligne la commissaire. Un cliché, superbe, est visible dans l’exposition.

Anticolonialisme et droits des femmes

«Celle qui est née en Algérie en 1947 et a vécu à l’aube des années 1950 en Côte d’Ivoire, gardera toujours en elle le souvenir vif de « la bêtise de la colonisation, le vol que les Blancs imposaient à l’Afrique »» et ne cessera d’assumer ses convictions, souligne la MEP dans sa présentation.

Parmi les pépites exposées, une série sur l’apartheid en Afrique du Sud (1948-1991), alors qu’elle est la seule femme photographe blanche à travailler aux côtés des photographes zoulous pendant les révoltes du township de Soweto en 1976. Nombre de clichés témoignent de toutes les grandes causes qu’elle a défendues, dont l’anticolonialisme et les droits des femmes, tout en soutenant divers mouvements œuvrant pour la justice sociale.

En attestent notamment ses clichés de la société chilienne en pleine dictature de Pinochet ou ses portraits d’ouvriers dans les mines africaines. L’exposition s’achève sur une série de portraits de personnalités comme Marcel Duchamp et les derniers surréalistes, mais aussi Catherine Deneuve, Charlotte Rampling, Federico Fellini, Françoise Sagan, Coluche ou encore François Mitterrand, qu’elle a photographiés avec la même intensité que les visages de milliers d’anonymes.

Jusqu’au 28 septembre. Maison européenne de  la photographie – Paris.

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