Pour occuper sa retraite, Jean-Claude Fassler, anciennement à la tête d’une métallerie, a eu une idée dingue : construire une réplique de la tour Eiffel. Achevé cette semaine, son projet culmine désormais à 30 mètres de haut et fait sa fierté. Ambiance.
Il l’affirme sans la moindre hésitation : «C’est l’œuvre de ma vie». Huit ans après s’être lancé dans le projet fou de construire une réplique exacte de la tour Eiffel à l’échelle 1/10e, et après bien des difficultés, Jean-Claude Fassler, entrepreneur alsacien, peut enfin admirer sa réalisation. Cette semaine, après avoir posé la plateforme du second étage sur les quatre piliers à l’aide de deux grues, puis la flèche vers le sommet et encore le campanile du troisième étage, il a enfin pu admirer sa construction, culminant à plus de 30 mètres de haut.
«Maintenant, on peut dire que c’est un chef-d’œuvre, non ?», savoure cet énergique grand-père de 77 ans, fondateur en 1975 d’une métallerie qu’il a développée avant de la transmettre à son fils. «Tout ça, ce sont des milliers de pièces de métal, découpées au laser. C’était difficile, mais il n’y a pas eu de découragement. Il fallait que j’aille au bout !» Ce chantier au long cours est le projet de retraite de cet admirateur de Gustave Eiffel, qui ne voulait pas «rester inactif» après avoir transmis l’entreprise familiale.
«Toute ma vie, j’ai carburé», explique derrière ses lunettes celui qui n’a jamais vraiment cessé d’exercer. «Mais je ne me rendais pas compte du travail que c’était. On voit des dessins, on croit que c’est simple, mais en réalité, c’est extrêmement compliqué.» Dans cette aventure hors du commun, il a embarqué son petit-fils Killian dès les premières heures de son apprentissage dans l’entreprise familiale. «Moi, je me suis occupé des dessins, de l’assemblage et du montage», explique le jeune homme de 23 ans, casque de chantier vissé sur le crâne.
Il poursuit : «Mon grand-père s’occupe de la conception, et ensuite on en discute, pour voir si c’est réalisable». Le duo s’est appuyé sur les plans originaux de la tour Eiffel, brevetés en 1884 et tombés depuis dans le domaine public, pour créer une reproduction parfaitement fidèle à la tour érigée pour l’exposition universelle de 1889.
Poussant leur sens du détail à l’extrême, ils ont notamment inclus les coursives d’origine du premier étage aujourd’hui réaménagé, les noms de 72 scientifiques (Lavoisier, Becquerel, Ampère…) inscrits en lettre d’or sur la structure, ou encore l’appartement que Gustave Eiffel s’était initialement installé au troisième étage.
À vendre
«Je n’ai pas triché. Vous pouvez aller voir de près, je peux vous dire que c’est nickel. Il y a même les trèfles à quatre feuilles sur la deuxième traverse des arbalétriers. Gustave Eiffel l’avait fait, je l’ai fait !», s’enorgueillit Jean-Claude Fassler. De fait, l’édifice a vraiment fière allure, peint en rouge Venise, la première couleur historiquement appliquée sur la tour parisienne, et fait la fierté des riverains ou curieux de passage, nombreux à avoir suivi la progression du chantier dans cette petite commune de 1 700 habitants du massif vosgien.
«C’est exceptionnel ! Il n’y a nulle part ailleurs au monde une telle réalisation, de cette qualité, de cet art et de cette passion», s’enthousiasme pour sa part Lubisa Idoux, conseillère municipale, qui espère que la construction sera valorisée à la hauteur de l’investissement consenti. Jean-Claude Fassler, lui, espère bien vendre sa réalisation, qui a englouti une bonne part de son patrimoine, même s’il connaît quelques difficultés à lui donner un prix. «Regardez le temps, le travail qu’il faut… C’est inestimable.»
Il caresse quand même le rêve de voir un jour sa réplique exposée sur le Champs-de-Mars, à Paris, voire installée sous l’originale. «Du sol à l’arcade du premier étage de la véritable tour Eiffel, il y a 50 mètres, donc ça passe», assure l’autre petit-fils, Mattéo, qui gère toute la communication autour du projet.
«En deux semaines, on peut la démonter, et en deux semaines, la remonter.» Mais d’ici à ce qu’un acheteur se présente, Jean-Claude Fassler se voit bien passer une nuit au premier étage de sa tour, qui l’a longtemps empêché de dormir. «Je le ferai. Vous croyez que je rigole, moi ? Quand je dis quelque chose, je le fais !»