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[Album de la semaine] «Interior Live Oak» : classe comme Cass McCombs


(photo dr)

Cette semaine, Le Quotidien a choisi d’écouter le dernier album de Cass McCombs, Interior Live Oak, sorti le 15 août sur le label Domino Recording.

Cass McCombs est un homme à part, d’un autre temps, d’un autre monde. Dans un siècle de surabondance, il n’exige jamais rien, ou si peu : une chaise, une guitare et de quoi s’enregistrer, comme on peut le voir sur la pochette d’Interior Live Oak. Le reste est de trop, jusqu’à sa propre personne, rarement à l’aise sous les projecteurs en dehors de ceux de la scène. Discret, en retrait, il goûte peu à la médiatisation, laissant ça aux autres. Tant mieux.

S’il fallait encore ajouter une dernière singularité, ça serait sûrement sa manière de penser et d’élaborer un disque. À l’heure des contenus chronophages et des exigences productives des plateformes de streaming, lui débarque avec un album de seize chansons, s’étirant paisiblement sur quelque 74 minutes. Le tout d’un très haut niveau et sans véritable faiblesse. C’est que l’on n’est pas l’un des meilleurs compositeurs américains pour rien.

 

 

Comme ses morceaux, jamais pressés, tout ne s’est pas fait du jour au lendemain pour Cass McCombs. Voilà en effet plus de vingt ans que son nom occupe la marge de l’industrie musicale. Il lui signifie sa présence avec A (2003), première offrande en date. Avant cela, sans que l’on sache si c’est vrai ou pas, il aurait traversé les États-Unis d’est en ouest, vivant dans sa voiture, avant de se fixer à San Francisco (Californie).

Un «chien errant» comme il aimait se qualifier, qui ressemble à un autre, d’un gabarit identique et d’une même sensibilité : Bill Callahan, lui aussi voyageur, lui aussi porté sur la folk (mâtinée de country et de rock), lui aussi mélancolique, et lui aussi talentueux. Leur route se croisera en 2013, du moins deux disques d’une beauté à se damner : Big Wheel and Others pour l’un, et Dream River pour l’autre.

En démarrant son nouveau, le onzième, avec Priestess, ode à une amie disparue qui le ramène à sa jeunesse, Cass McCombs, âgé de 47 ans, pose les bases de cet opus. Il sera celui d’un retour en arrière, ou plutôt celui d’un grand brassage, un résumé de tout ce qu’il a créé au cours de «deux décennies d’expérimentation», est-il écrit sur Bandcamp. Le tout dans une lumière et un optimisme qui ne lui correspondent pas vraiment.

En somme, l’œuvre de «quelqu’un qui a vécu les aspects les plus extrêmes de la vie», et qui sait dès lors les conjurer. Plusieurs indices confirment cette orientation, qui n’a rien de nostalgique : comme à ses débuts, ses chansons se dotent ici d’une structure simple et économique. Et on trouve à la production certains de ses premiers compagnons de route, comme Jason Quever (du groupe Papercuts) et Chris Cohen (auteur, l’été denier, du charmant Paint a Room).

Je ne mens jamais dans mes chansons

D’ailleurs, Interior Live Oak a été majoritairement enregistré non loin de l’endroit où ils ont fait leurs premiers pas dans la musique, au 924 Fulton à San Francisco (comme le montre l’album Seed Cake On Leap Year, collection de titres inédits sortie en 2024). Le reste est du Cass McCombs tout craché, sur le fond et la forme.

On retrouve ses qualités de conteur, créateur d’histoires qui, sous un couvert poétique, voire énigmatique, s’ancrent dans la réalité. Avec lui, on parcourt l’Amérique, la vraie comme la fantasmée, ses paysages et ses mythes. Mais également ses propres états d’âme. Musicalement, la traversée est aussi changeante, mais sans grand écart, la folk se mariant habilement au rock, la soul répondant à la country, dans des ballades légères. Avec parfois une petite fantaisie (comme le synthétiseur sur Juvénile).

Au final, Interior Live Oak s’étire, sans aucune précipitation, comme un long fleuve tranquille dont il serait vain de remontrer la source. Si au niveau des influences, on songe éventuellement au Velvet Underground ou à Kurt Vile, ce qui est certain, c’est la place laissée à la guitare, véritable phare de cet album. C’est elle qui mène la barque et donne une teinte changeante à l’atmosphère, selon qu’elle soit classique (avec ses arpèges) ou électrique (avec ses saturations et ses réverbérations). Le tout sans excès, avec élégance, (fausse) simplicité et honnêteté. «Je ne mens jamais dans mes chansons», chante-t-il d’ailleurs sur I Never Dream About Trains. On le croit sur parole et on savoure le voyage les yeux fermés, sûr du guide.

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