Et si, cet été, on découvrait le Luxembourg autrement ? À travers les yeux de celles et ceux qui y vivent, y créent, y travaillent. Vigneron, artiste, chef ou paléontologue, connus ou discrets, ils nous livrent leur regard personnel sur le pays, entre lieux fétiches, traditions, souvenirs et bons plans. Une série de portraits pour explorer le Grand-Duché à hauteur d’humains.
Pas besoin d’aller loin pour s’évader : cet été, on (re)découvre le Luxembourg à travers celles et ceux qui le vivent au quotidien. Un chef, un vigneron, un artiste ou encore un paléontologue partagent avec nous leurs coins préférés, leurs petites traditions, leurs souvenirs marquants… Des portraits, des regards singuliers pour explorer le Grand-Duché autrement. Avec un peu d’accent local et beaucoup de cœur.
Notre portrait du jour nous emmène vers un artiste, dont l’œuvre reflète la vision qu’il se fait de Luxembourg. «Je vis, je travaille, je passe quasiment toute mon année à Luxembourg. Mais j’aime beaucoup cette idée qu’on peut le redécouvrir et s’émerveiller devant des choses qu’on n’avait peut-être pas encore vues», confie, enthousiaste, Jacques Schneider.
À six ans, il dessine le pont Adolphe, un dimanche de printemps. Le lendemain, ses camarades de classe le félicitent, faisant naître en lui l’envie de croquer une vue de Luxembourg chaque week-end. Il poursuit ce rituel encore aujourd’hui, désormais chaque jour. Le quadragénaire en a même fait son métier. Jacques Schneider peint, dessine, photographie et sculpte son pays.
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C’est encore une histoire d’enfance qui explique l’une de ses marques de fabrique. Au précoce, il peint un ciel bleu et un soleil, non pas jaune, mais orange – logique pour lui qui l’a surtout vu au crépuscule. Son institutrice le qualifie alors d’enfant déviant. En rentrant, son père lui dit : «Dans la vie, tu feras des choix, mais tes choix doivent être faits par ton cœur.» Il n’oubliera jamais ces paroles et fera de ces deux couleurs, l’orange et le bleu, sa signature.
Cette fidélité le définit. À son enfance, à ses couleurs, au Grand-Duché, mais aussi à son indépendance. Autodidacte, il revendique une liberté absolue : «J’ai fait mes études en candidat libre. J’ai toujours aimé être indépendant», explique-t-il. Son art qu’il qualifie d’«honnête» existe pour «construire plutôt que détruire». «En fait, ce qui est important pour moi, ce n’est pas le sujet seul, c’est que tout le monde fait partie de la nation. Mes œuvres concernent absolument tout le monde», résume-t-il.
Sa curiosité l’a conduit à représenter des paysages, des monuments, mais aussi la sidérurgie ou la police. En projet : un livre sur la gastronomie à la fin de l’année et les arbres des forêts luxembourgeoises malades. Sans oublier bien sûr les portraits de ceux qu’il estime… dont ceux du couple grand-ducal et du couple héritier, tout en refusant l’étiquette d’artiste officiel. «Je ne suis pas subventionné, je garde mon indépendance», insiste-t-il. La décoration de l’ordre du mérite civil et militaire d’Adolphe de Nassau qu’il affiche sur sa boutique, il la voit comme une reconnaissance sans concession.
SON CONSEIL AUX VISITEURS
En fait, il faut être curieux. La ville est magique. Elle n’est pas très grande si on la compare à d’autres capitales européennes, mais elle a une richesse architecturale assez rare. À chaque fois qu’on tourne la tête, qu’on se perd dans les détails, on découvre plein de choses. Dans la Grand-Rue, il y a encore des vierges sur les bâtiments, des dates inscrites, d’anciennes enseignes charmantes. Rue de la Congrégation, un panneau rappelle qu’ici se trouvait la première synagogue de la ville, collée à l’ancienne église des jésuites : c’est ultramagique. Cette accumulation de détails montre une richesse et un respect mutuel qui sont superbes. (…) Il faut se perdre dans la ville, dans le pays. Au Kirchberg, si vous faites le lien entre le Pfaffenthal et les Trois-Glands, le Mudam, vous découvrez une histoire incroyable. Et puis le tram gratuit, c’est idéal pour flâner et découvrir.
UNE ANECDOTE MARQUANTE
Il y en a beaucoup. Peut-être d’une certaine manière, quand j’étais petit et que j’allais toujours acheter des Lego dans le même magasin avec ma grand-mère. Et ça, c’était vraiment magique. C’était là où il y a le bazaar maintenant. À l’époque, c’était très charmant. C’était un magasin de jouets pour enfants monumental avec un demi-étage entier de Lego, c’était super. J’avoue qu’en fait, quand j’y allais, je ne faisais vraiment pas attention à l’ambiance, ni aux gens. Ce qui m’intéressait, c’était de savoir quels Lego j’allais acheter pour pouvoir faire des constructions. En général, il fallait que j’aie eu de bonnes notes à l’école. Ce n’était pas tous les week-ends. Ça n’a duré qu’un temps, j’ai arrêté de jouer aux Lego il y a bien 30 ans.
SON PLAT PRÉFÉRÉ
C’est cette gaufre fine que vous faites en une certaine quantité. Vous la roulez quand elle est encore chaude, vous la déposez sur une grille et la faites sécher dans ces fameuses boîtes en métal, avec du papier au-dessus et en dessous. Et quand l’envie vous prend, vous en sortez une de la boîte. Vous pouvez la manger avec de la glace, de la crème. J’aime bien les déguster avec de la glace de chez Bargello, la meilleure qui existe à Luxembourg, selon moi. Donc soit avec de la glace de chez Bargello, soit avec des fruits et voilà. Pour moi, elles n’ont pas d’autre nom que les gaufres de Tata Marie, mon arrière-grand-tante. C’était une femme extraordinaire qui cuisinait divinement bien. Elle nous faisait toujours soit ses gaufres, soit des tartes et c’était magique. C’est le goût de mon enfance.
SON LIEU PRÉFÉRÉ
C’est la rue dans laquelle se trouve ma boutique à Luxembourg. Pour moi, c’est la rue des vacances. Près du boulevard Roosevelt, vous avez une rue avec les petits cafés, des petits restos et des petites boutiques, et ça, c’est la rue Louvigny. J’aime beaucoup cette rue. Parce que c’est peut-être justement cette idée qu’on est proche de tout. C’est l’endroit dans lequel je crée, dans lequel beaucoup de choses se font. J’avais fait des circuits sur les endroits que je fréquente chaque jour, des petits guides. Et le premier circuit, c’est celui que je faisais avec ma grand-mère ici. Je suis quelqu’un de très fidèle. Avoir ma boutique dans cette rue, c’étaient de longues années de recherche. J’avais vraiment envie d’être là. Je suis très patient, donc j’ai attendu.