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[Bande dessinée] Maxim Cain, là-haut sur la montagne


"Démontagner", de Maxim Cain est sorti aux éditions Actes Sud. (photo actes sud)

Il dessine et écrit l’hiver. L’été, il garde des troupeaux de brebis… Maxim Cain conjugue les deux univers dans un premier ouvrage qui mêle biographie et fiction, partageant l’étrangeté de la vie en montage et cassant les mythes qui l’entourent.

En BD, quand on parle de moutons et de montagnes, on songe d’emblée au Génie des alpages, quatorze tomes sortis entre 1973 et 2007 signés F’murr, pour un chef-d’œuvre d’humour et de non-sens qui fleure bon les années Pilote avec ses bêtes érudites et leur gardien rêveur. Une série (disponible chez Dargaud) inspirée, selon son auteur, d’un berger qui «ne se foulait guère, et dont le chien faisait tout le boulot pour lui».

Aujourd’hui encore, l’image d’Épinal persiste, et pourtant, comme le précise Actes Sud, le pastoralisme, «ce n’est pas une longue sieste au bord des torrents frais, sous un grand soleil tiède, à l’ombre d’un troupeau docile». Ni encore «un refuge idéal, isolé du monde d’en bas». On en est convaincu à la lecture de Démontagner, premier roman graphique de Maxim Cain.

Ce dernier, auteur discret que l’on ne connaissait jusque-là qu’à travers de petites productions (notamment pour les revues Bento et La Disparition), sait de quoi il parle car chaque année, lors de la transhumance, il troque son papier et ses crayons pour le béret, les chaussures de randonnée et le bâton.

Depuis dix ans, entre juin et octobre, il garde en effet les brebis dans les Pyrénées ariégeoises. Un métier et une pratique qui fascinent, interrogent et génèrent beaucoup de fantasmes. Histoire, justement, de casser les mythes qui l’entourent, Maxim Cain relate cette expérience, à sa manière, mélangeant la biographie et la fiction pour plus de justesse et moins de pédagogie. En somme, un faux journal de bord pour une vraie plongée dans l’étrangeté de la vie en montagne.

«La vie de la montagne, c’est un autre monde !»

À ses côtés, on trouve son fidèle compagnon à quatre pattes, Finet, qui l’observe préparer ses cartons et filer au grand air, loin de l’agitation des villes et la laideur de leurs zones commerciales. Durant quatre mois, il sera le berger du mont Roche, situé à la frontière catalane. En ouverture d’ouvrage, une carte qui donne le vertige détaille les différents lacs, bois, pics et cols qu’il va traverser avec ses quelque 800 bêtes.

C’est qu’il va en faire des kilomètres, de prairies en prairies, d’abris en cabanes, avec, toujours à l’œil, ce troupeau qu’il va falloir, jumelles en main, «surveiller, rassembler et soigner», tantôt en suivant «docilement l’ordre des choses», tantôt en «reniflant l’imprévu». Oui, comme le dit un ancien, «la vie de la montagne, c’est un autre monde !».

Il y a d’abord tout un vocabulaire à appréhender (combe, raspe, rampaillou…). Même le terme «démontagner» vient d’un patois qui signifie «quitter la montage». Il y a ensuite ce sens de l’observation, nécessaire pour distinguer les brebis (qui ont chacune leurs petits noms comme la «boiteuse», l’«enrouée», la «timide», la «borgne»…) et cerner le paysage, surtout quand l’orage, la neige, l’averse ou, pire, la brume, s’en mêlent.

Il y a encore les dangers, comme les attaques d’ours (et de chiens) ou les pièges, nombreux, des sentiers montagneux – le berger tient d’ailleurs un registre sur lequel il indique les «mortes» et les «disparues». Sans oublier les bêtes qui s’échappent et qu’il faut ramener dans le troupeau. Il y a enfin ce décalage propre à cette vie en altitude : la solitude, la perte de la perception du temps et des sens, la peur de l’austérité, le contraste entre l’amplitude de l’espace et la répulsion sociale, la brutalité des éléments…

Un dessin à l’encre de Chine

Cherchant, en équilibre sur un pied, une barre de réseau pour communiquer avec ceux d’en bas, ou rencontrant d’autres personnages sur le chemin de son éprouvante pérégrination (éleveurs, chasseurs, randonneurs, bergers voisins…), Maxim Cain raconte, au fil d’une saison estivale, sa mission (claire au démarrage, un peu plus confuse quand elle se confronte aux hauteurs et ses paysages hiératiques), mais aussi la franche camaraderie de la petite communauté des éleveurs, tranchant avec l’isolement des pâturages.

Mieux : il le fait à travers un découpage imaginatif et un dessin tout aussi minutieux à l’encre de Chine. Un noir et blanc tranchant d’où ressort toute la beauté et la poésie de la montagne, mais aussi son impitoyable brutalité.

L’histoire

Dans les montagnes, le pastoralisme existe encore. Preuve en est, Maxim Cain garde des troupeaux de brebis dans les Pyrénées ariégeoises depuis dix ans. Mais ce n’est pas un refuge idéal, isolé du monde d’en bas, loin des clichés faciles sur le berger solitaire et ses chiens…

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