Le 15 septembre, les organisations féministes manifesteront devant la Chambre des députés pour soutenir l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution.
Après le feu vert du Conseil d’État le 1er juillet dernier, l’une des revendications de longue date des féministes pourrait bien se concrétiser cet automne. En effet, le 15 septembre prochain, à la Chambre des députés, la commission des Institutions examinera la proposition de révision soumise par déi Lénk en mai 2024, ouvrant la voie à un débat parlementaire sur l’inscription du droit à l’IVG (interruption volontaire de grossesse) dans la loi suprême.
Le Planning familial et le CID-Fraen an Gender appellent à une grande mobilisation de soutien dès 9 heures ce jour-là au Marché-aux-Herbes.
À l’image de la France, qui n’a pas tardé à ancrer ce droit des femmes dans sa Constitution pour mieux le protéger en réaction au recul des États-Unis en 2022, la proposition numéro 8379 déposée par le député Marc Baum vise à sortir l’IVG de la loi «ordinaire», modifiable à tout moment par une majorité parlementaire.
Un argument qui a convaincu les Sages : à l’unanimité, le Conseil d’État a en effet considéré «qu’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution permettrait de garantir une protection juridique plus pérenne faisant obstacle à des régressions sur ce droit fondamental».
Il reviendra donc prochainement aux députés de trancher. Pour graver ce droit dans la roche, il faudra l’accord de la majorité des deux tiers, c’est-à-dire au moins 40 voix pour sur 60.
Si l’accord de coalition CSV-DP ne dit rien sur le sujet, la ministre de la Santé, Martine Deprez, s’est montrée opposée à l’idée jusqu’ici, tandis que la ministre de l’Égalité des genres, Yuriko Backes, a affiché son soutien à la proposition, en relayant la campagne du CID Fraen an Gender sur ses réseaux sociaux.
Il s’agissait de messages en faveur du changement de l’article 15 de la Constitution signés Maxime Miltgen (LSAP), Corinne Cahen (DP), Nathalie Morgenthaler (CSV), Nora Back (OGBL) ou encore Jessica Lopes (ASTI).
Une occasion manquée
Une avancée notable en la matière : le 10 janvier dernier, le Conseil de gouvernement approuvait le projet de loi visant à abolir le délai de réflexion légal de trois jours entre la consultation et l’acte médical de l’IVG – une promesse issue de l’accord gouvernemental.
En revanche, quant à allonger de 12 à 14 semaines le délai autorisé au Luxembourg pour un avortement, comme l’avait évoqué le gouvernement précédent, la ministre Deprez a coupé court à cette piste au Parlement, annonçant qu’elle ne serait pas poursuivie. A noter qu’en parallèle, la Société luxembourgeoise de gynécologie et d’obstétrique avait fait savoir qu’elle désapprouvait.
1 030 avortements pratiqués en 2023
Au Grand-Duché, la dépénalisation de l’avortement est récente : elle date du 22 décembre 2014. Toute femme enceinte de moins de 12 semaines peut bénéficier d’une IVG, médicamenteuse ou chirurgicale selon l’avancement de la grossesse.
Dans les centres du Planning familial – seuls chiffres disponibles au niveau national – en 2023, 1 193 femmes âgées en moyenne de 28 ans ont demandé à subir une IVG, soit une augmentation de 13% par rapport à 2022. Au total, 1 030 ont été planifiées à 4,6 semaines de grossesse en moyenne.
Le 2 juin, Fatima Rougi, la nouvelle présidente du Planning familial, rappelait dans nos colonnes l’importance de protéger le droit à l’avortement.
«Les courants extrémistes progressent partout. Nous essayons vraiment de faire attention à tout ce qui peut faire reculer les droits pour lesquels nous nous sommes battus. C’est pour cela que l’inscription de l’IVG dans la Constitution est nécessaire, même si elle n’est pas remise en cause aujourd’hui. Si le Planning fait consensus auprès du gouvernement et de nombreuses institutions et associations, beaucoup détestent nos valeurs.»
Parmi les revendications de l’organisation pour améliorer l’accès à l’IVG figurent :
- l’allongement du délai légal à 14 semaines,
- l’autorisation à tout médecin et sage-femme formés de la pratiquer,
- et la garantie de la gratuité, de l’anonymat et de l’accès équitable à l’avortement sur tout le territoire.