Plusieurs associations de recyclage textile en Europe ont alerté sur leurs difficultés. Au Grand-Duché, sans grande étude sur le sujet depuis 2022, pour l’instant, tout semble aller bien.
Suède, France, Belgique. Cet été, les acteurs de l’économie sociale qui gèrent le recyclage des textiles ont alerté sur l’effondrement du secteur. Le principal acteur de la collecte et du tri textile en France, Le Relais, a même appelé à ne plus rien déposer dans ses bornes saturées. En Belgique, Les Petits Riens et Oxfam ont prévenu les autorités de leurs difficultés.
Mi-juillet, la France a accordé une aide de 49 millions d’euros à la filière, tandis que la Wallonie a promis de verser 151 euros par tonne triée aux associations. La Suède, quant à elle, a fait machine arrière toute : ses habitants n’auront plus à trier les textiles abîmés à partir du 1er octobre.
À l’échelle européenne, le marché de la collecte et du tri de textile est en tension. Le tri coûte cher, les vêtements collectés sont de plus en plus souvent en fibres synthétiques difficiles à recycler, et la demande pour la seconde main fléchit sous l’effet des plateformes en ligne et des prix bas du neuf. Près de la moitié des habits collectés en Europe prennent le chemin de l’Afrique, où ils alimentent des décharges à ciel ouvert. Un état de fait dénoncé par l’ONG ghanéenne The Or Foundation comme du «colonialisme du déchet».
Et au Luxembourg, quelle est la situation ? «Depuis 2022 déjà, les textiles ne doivent plus finir dans les poubelles noires», rappellent Léini Karels et Stéphanie Goergen, chargées d’études à l’administration de l’Environnement. Le pays a transposé par anticipation la directive européenne entrée en vigueur au 1er janvier 2025 qui enjoint aux pays européens d’opérer une collecte séparée des textiles. Avec un premier conteneur en 1991, une collecte assurée à 78 % par Kolping et l’Aide aux enfants handicapés et défavorisés du Luxembourg (AEHDL), le dispositif est ancien.
En 2023, 5 181 tonnes de textiles ont été collectées séparément. Les conteneurs ne débordent pas, et aucune explosion des volumes n’a été constatée, précise l’administration de l’Environnement. Mais les chiffres les plus récents sur la part qui finit encore dans les poubelles résiduelles datent de 2022 (lire encadré). L’analyse suivante, attendue à la fin de cette année, permettra de vérifier si la tendance à la baisse se poursuit.
Une autre directive à venir
«On a beaucoup plus de vêtements pour l’instant dans nos conteneurs, mais je ne sais pas si c’est à cause de cela (NDLR : la directive de janvier) ou pas», nuance Oriana Faraoni, la secrétaire de l’AEHDL, jointe début août. Selon elle, «les gens ne sont pas trop au courant qu’ils ne doivent plus mettre des textiles dans les poubelles».
L’association trie et revend les textiles pour financer ses actions en faveur des enfants handicapés. Les difficultés financières rencontrées par les collecteurs de textile à l’étranger ne l’inquiètent pas démesurément : «Nous avons un grand stock parce que les acheteurs étrangers sont en congé, mais normalement, nous vendons assez bien.»
Toutefois, l’ASBL et Kolping ont sollicité une réunion avec le Syvicol en juin, en lien avec le ministère de l’Environnement. Une réponse est attendue en septembre. Les acteurs veulent s’assurer de la solidité du système si les flux augmentent fortement, comme chez nos voisins. Au Luxembourg, la collecte est bien huilée.
Selon le ministre de l’Environnement, Serge Wilmes, 97 % des textiles collectés sont exportés vers six pays, principalement vers l’Allemagne et les Pays-Bas. Que deviennent-ils après ? Le ministre admet ne pas disposer d’informations. Impossible donc de savoir si une partie finit, elle aussi, dans des décharges en Afrique ou en Asie.
Mais attention : la directive introduit la Responsabilité élargie des producteurs (REP). Les marques et les fabricants devront ainsi financer la collecte, le tri et le recyclage des textiles qu’ils mettent sur le marché européen. Les vêtements neufs ne pourront plus être jetés ni détruits par les commerçants ou les fabricants. Le Luxembourg aura 30 mois pour transposer cette obligation dans son droit national.
Pour l’heure, aucun modèle n’est défini, ni calendrier, ni plan de financement, ni garantie sur le rôle futur des associations. Pas de scénario non plus en cas d’afflux massif de vêtements. Ceci étant dit, le nouveau Plan national de gestion des déchets et des ressources (PNGDR) inclut pour la première fois les déchets textiles. Jusqu’au 1er octobre, tous les acteurs concernés peuvent encore participer à son élaboration finale.
Selon l’Agence européenne de l’environnement, le textile-habillement constitue la quatrième catégorie de consommation la plus dommageable pour le climat et l’environnement, après l’alimentation, le logement et les transports.
LA COLLECTE TEXTILE EN CHIFFRES
- 555 : nombre de conteneurs textiles publics au Luxembourg.
- 1991 : installation du premier conteneur.
- 5 181 tonnes collectées séparément en 2023.
- 8 kg par habitant par an collectés séparément en 2023.
- 5,5 kg par habitant par an encore dans les poubelles noires en 2022.
- 97 % des textiles collectés exportés, dont 53 % vers l’Allemagne et 20 % vers les Pays-Bas.