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[Spectacle] Aymeric Lompret : «Il y aura toujours des gros cons de droite…»


Toujours sur les routes, l’humoriste Aymeric Lompret passera en novembre par la Rockhal. (Photo : boby)

Son spectacle Yolo, lancé en 2023, est un succès. Toujours sur les routes, l’humoriste Aymeric Lompret passera en novembre par la Rockhal. L’occasion de parler avec lui de notoriété, de scène, de radio et du manque d’humanisme. Avec quelques rires au milieu.

Proposer un spectacle humoristique sur la misère et la solitude, il fallait oser. Et Aymeric Lompret l’a fait. Yolo (pour «You Only Live Once», soit «on ne vit qu’une fois») raconte l’histoire d’un sans-abri à la recherche de son chien, coécrite et mise en scène par Pierre-Emmanuel Barré, autre trublion et camarade de jeu qu’il retrouve chaque dimanche dans La Dernière, l’émission de Guillaume Meurice et sa bande sur Radio Nova (la plus podcastée de France). Après un premier passage par le Luxembourg au Conservatoire, l’artiste va remettre ça à la Rockhal, en novembre, fidèle à son personnage qui lui va si bien : un peu clown, un peu punk, engagé et surtout, terriblement attachant. Entretien.

Votre spectacle, Yolo, tourne depuis 2023. Avez-vous toujours le même plaisir à le jouer ?

Aymeric Lompret : Oui, même si parfois, c’est un peu sport! Disons qu’au départ, il fallait le penser comme quelque chose qui pourrait se jouer beaucoup, sans que ça pèse. Que ça reste agréable. D’où ce personnage qui peut se permettre d’être différent chaque soir, en fonction du lieu où il se trouve, de la réaction du public… Après, il y a quand même un texte à suivre! D’ailleurs, à chaque coup, après 1 h 15, le spectacle s’arrête. Ça montre bien que je ne fais pas n’importe quoi (il rit).

En quoi, justement, ce personnage vous ressemble ?

Déjà, comme lui, je pourrais facilement me retrouver à la rue… Ensuite, je le rapprocherais plutôt de celui que j’incarne à la radio. On a chacun des aptitudes pour les envolées absurdes, et on partage des moments de solitude extrême. 

Un sketch comme Télémagouilles des Inconnus, j’ai dû le voir mille fois!

Il est le symbole de l’explosion de la pauvreté et de la solitude. Sont-ce des causes qui vous touchent ? 

En fait, je suis fan d’économie et de sociologie. Bon, le terme est un peu fort… Disons plutôt que je m’intéresse aux inégalités économiques et sociales, de plus en plus importantes. J’en parle souvent dans mes chroniques, et le spectacle, lui, aborde la question du mal-logement à travers la figure d’un être reclus de la société.

Avez-vous eu l’occasion de jouer ce spectacle devant un public de sans-abri ? 

Oui, deux fois. Attention, ce n’était pas un public juste composé de sans-abri! Surtout qu’au fur et à mesure où je travaillais mon sujet, je me suis rendu compte qu’il n’y a pas de grosse différence de personnalité entre un sans-abri et quelqu’un qui a un logement. Car on arrive rapidement à la rue, et on ne change pas aussi vite… Finalement, ça a été des dates normales. Bêtement, j’ai été les voir après le spectacle en leur demandant : « Alors? » Et ils m’ont fait : « Ben ouais, on a bien rigolé » (il rit). Comme s’ils avaient forcément un avis différent. C’était idiot de les prendre à part. C’est un public comme un autre.

Le fait qu’ils aient apprécié, c’est aussi une manière de dire que vous ne vous êtes pas égaré dans le sujet, non ? 

Avec Pierre-Emmanuel Barré, ne pas être caricatural, c’était notre hantise depuis le début. Finalement, j’avais plus peur du jugement des associations, de les entendre dire que notre approche, notre vision, était parodique.

Êtes-vous toujours surpris de l’accueil que l’on vous réserve partout où vous passez ? 

Pour être honnête, je ne fais pas trop attention à ça. Déjà, je suis quelqu’un d’anxieux. Quand je suis dans une salle, je n’ai qu’une envie : que le travail soit bien fait, que les gens se marrent et en ressortent contents. Je n’arrive jamais en victorieux… Et après, je suis fatigué, en espérant avoir gagné cette bataille de plus. C’est pourquoi je ne dégage pas l’impression d’un vedettariat excessif.

Vous avez mis plus de dix ans à être connu. Faut-il en conclure que percer dans l’humour, c’est un chemin de croix ? 

Oui, c’est long… Selon moi, le plus compliqué et le plus laborieux, c’est de se constituer un public, aller chercher des gens qui ont le même humour que vous. Ramener mille personnes dans chaque ville où vous jouez, ça ne se fait pas du jour au lendemain. Après, dire pourquoi ça marche, ça, je n’arrive pas à me l’expliquer.

Vous êtes aussi chroniqueur radio chez Nova (après France Inter), où vous tapez sur les politiques et l’extrême droite. Est-ce un exutoire ? 

Non, pas du tout. Ça le serait si je parlais devant des fachos (il rit). Ce qui n’est pas le cas, puisque le public est convaincu par ce que l’on dit. Sans oublier que ça reste un travail, à savoir faire rire tout en délivrant un message. Disons que ce qui est cool, c’est de sortir de la solitude imposée par la scène, et de se retrouver derrière un micro entouré de copains. Après, ils pensent comme moi, du coup, il est difficile de prendre du recul. Plus tard, qui sait, on sera peut-être content que ce qu’on a fait… Les spectateurs, en tout cas, nous disent que ça leur fait du bien. C’est que ça fonctionne.

Où vous sentez-vous le plus à l’aise ? À la radio ou sur scène ?

C’est similaire. Il y a juste une petite part de stress en plus avec les chroniques parce que c’est un texte que l’on joue pour la première fois. On avance sur un fil, sans être sûr de l’efficacité de telle ou telle blague, contrairement au spectacle où on est quasiment certain d’avoir l’effet recherché… (il marque une pause) L’humour, c’est une drôle de forme d’art, exigeante, car elle réclame une réaction du public toutes les vingt secondes.

On dit de vous que vous êtes le nouveau Coluche…

(Il coupe) Non, c’est une grosse connerie pour se moquer de moi. Sur France Inter, ils m’ont même fait des tasses où il était marqué « Je suis le nouveau Coluche ».

Vous appréciez tout de même la comparaison ?

Disons que je préfère largement être le nouveau Coluche que l’ancien Gaspard Proust, quoi.

Je ne dégage pas l’impression d’un vedettariat excessif

Qu’est-ce qui vous faisait marrer quand vous étiez jeune ?

Les Inconnus! Mes parents, mon frère et ma sœur, on avait une cassette que l’on a usée jusqu’à la bande. Je pouvais la regarder tous les jours. Un sketch comme Télémagouilles, j’ai dû le voir mille fois! Aujourd’hui, je dirais que je préfère Les Nuls, mais à l’époque, ils étaient trop absurdes pour moi.

Est-il difficile aujourd’hui d’être un humaniste ou d’avoir une sensibilité sociale ?

Ce qui me touche, c’est justement ce manque d’humanisme chez de nombreuses personnes. Je n’ai pas fait d’étude précise sur le sujet, mais j’ai l’impression que l’individualisme a pris un peu le pas sur le collectivisme, que beaucoup de gens ne pensent qu’à leur gueule, s’en foutent de la misère qui les entoure… Ce manque de réaction et cet égoïsme, oui, ça me plombe. Et ça m’étonne : je pensais qu’on était une majorité à vouloir le bien de l’autre.

En même temps, si tout allait bien, en tant qu’humoriste, ce serait plus difficile d’en rire, non ?

Selon moi, les humoristes ne sont pas indispensables pour résoudre les problèmes dans le monde, mais vu que la société n’est pas partie pour s’améliorer, on trouvera toujours un petit truc pour faire rigoler. Et il y aura toujours des gros cons de droite… (il rit) Est-ce que vous pouvez mettre ça en ouverture de l’article?

«Yolo» Rockhal – Esch-Belval. Le 7 novembre à 20 h.

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