Toujours pas de projet de loi en vue d’interdire les interventions chirurgicales ou traitements pour les nouveau-nés intersexes. La CCDH s’en émeut et juge sévèrement le nouveau PAN LGBT.
Il y a sept ans, en juillet 2018, les députés de la majorité tricolore de l’époque, avec déi Lénk, avaient voté en faveur d’une motion dans laquelle ils invitaient le gouvernement à légiférer prioritairement concernant les personnes intersexes. Le comité interministériel LGBTI devait se pencher sur l’accessibilité des traitements médicaux d’assignation du sexe à un âge où les personnes intersexes sont en mesure de donner leur consentement libre et éclairé.
Il était également question d’interdire des traitements pratiqués, en dehors d’une urgence vitale, sans le consentement des personnes concernées et d’instaurer une procédure de déclaration de naissance (et de sexe) respectant les droits des nouveau-nés intersexes, et notamment le droit à la vie privée.
Cette motion trouvait son cadre dans le Plan d’action national (PAN) pour la promotion des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes et la création d’un comité interministériel LGBTI sous la présidence du ministère de la Famille. Force est de constater qu’aucun projet de loi n’a été déposé dans ce sens. En parcourant le nouveau PAN, la Commission consultative des droits de l’homme (CCDH) regrette qu’aujourd’hui encore les enfants intersexes «continuent d’être soumis à des interventions médicales et chirurgicales dites de « normalisation », souvent pratiquées dès la naissance, sans nécessité médicale et sans leur consentement éclairé».
Une violation de la Constitution
Pourtant, ces interventions voulues par les parents sont souvent irréversibles et à haut risque. La CCDH rappelle qu’elles portent atteinte à l’intégrité physique et psychique des enfants concernés et peuvent constituer une violation de la Constitution et remettre en question le respect des droits fondamentaux de l’enfant, notamment son droit à la protection contre toute forme de violence et contre les traitements inhumains ou dégradants, ainsi que son droit d’exprimer librement son opinion et de voir cette opinion prise en considération.
Le nouveau PAN ne prévoit pas l’interdiction desdites interventions et ne mentionne pas de projet de loi à ce sujet, ni d’engagement ferme pour garantir l’intégrité physique et psychique des enfants intersexes. La CCDH observe que le plan se limite à annoncer une analyse du cadre légal d’autres pays de l’Union européenne et la création d’un groupe de travail interministériel élargi.
Sans les voix du CSV
La motion de 2018 n’avait pas séduit la fraction CSV, alors dans l’opposition, qui avait préféré s’abstenir. La ministre de la Famille de l’époque, Corinne Cahen (DP), avait édité une brochure à l’intention des parents dont l’enfant est né intersexe. On pouvait lire ceci dans la brochure d’information : «Apprenez à connaître votre bébé en prenant votre temps. Être intersexe, c’est au fond la même chose que d’être de sexe féminin ou masculin. Si votre enfant grandit dans un premier temps tel qu’il est né, vous aurez plus de temps pour réfléchir aux décisions à prendre. Votre enfant aura ainsi la possibilité de vivre son corps intact, de connaître son sexe et de développer son identité. Le moment venu, il vous dira ce qu’il voudra, tant en ce qui concerne son corps qu’en ce qui concerne sa vie.»
Les opérations des organes génitaux, prévenait la ministre, «ne sont que très rarement nécessaires d’un point de vue médical. De plus, les interventions chirurgicales ou médicamenteuses peuvent souvent avoir des conséquences considérables.»
Pour la CCDH, le nouveau PAN constitue un rejet des revendications de longue date de la société civile, un manque de considération des recommandations d’institutions nationales, telles que la Commission nationale d’éthique, l’Ombudsman fir Kanner a Jugendlecher (Okaju), la CCDH, la Chambre de députés, sans compter de nombreux organes internationaux appelant à l’interdiction de ces interventions.
Des avancées importantes supprimées
D’une manière générale, le nouveau PAN présenté par le ministère de l’Égalité des genres et de la Diversité «ne répond pas aux attentes légitimes des personnes LGBTIQA+ et il constitue une occasion manquée de renforcer leurs droits humains», selon la CCDH. Elle regrette que de nombreux besoins et revendications n’aient pas été intégrés «avec la clarté et l’engagement nécessaires». Par exemple, concernant l’introduction d’une option «neutre» pour les personnes non binaires dans les documents d’identité, le PAN se contente d’évoquer une nouvelle analyse juridique sans mentionner de projet de loi concret.
En ce qui concerne la reconnaissance automatique des liens de filiation entre des parents de même sexe et leur enfant issu d’une procréation médicalement assistée (PMA) ou d’une gestation pour autrui (GPA), les mesures proposées restent floues. Plusieurs avancées importantes issues du PAN précédent ont été supprimées, telles que l’introduction de formations obligatoires sur les droits et les besoins des personnes LGBTIQA+ pour tous les professionnels de santé, une mesure essentielle pour améliorer leur prise en charge et garantir un accès égal aux soins de santé.