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Passerell : des ateliers d’été pour «rompre l’isolement des réfugiés»


Iry s’occupe du cours de français intermédiaire. Elle structure son cours entre aspect technique et aspect culturel pour le rendre le plus ludique possible.

Chaque été, Passerell offre des cours informels de langue aux personnes exilées au Luxembourg. Rencontre avec celles qui les rendent possibles.

Mardi, 13 h. Jocya est l’une des premiers arrivés au rez-de-chaussée de l’Institut Saint-Jean, à Belair. Postée derrière son comptoir, listes de noms étalées devant elle, la jeune femme s’apprête à accueillir les participants aux cours de langue du jour.

Depuis 2016, l’association Passerell met en place des ateliers d’été à l’intention des personnes exilées. L’objectif premier étant la socialisation : «Pendant les étés, les cours prennent fin, cela isole les réfugiés… Alors, pour rompre cet isolement et continuer la pratique des langues, Passerell a eu l’idée de ces ateliers d’été», raconte Jocya.

Sous forme de cours informels, ils permettent, à ceux qui les fréquentent, de choisir parmi le français débutant ou intermédiaire, le luxembourgeois ou l’anglais et de s’y exercer. Le tout, gratuitement : «Comme la langue est une forme d’intégration, notre but est de faire participer le plus de monde possible, surtout que nous nous adressons à des personnes qui n’ont pas beaucoup de moyens.»

La langue est une forme d’intégration

Cette année, c’est Jocya qui est chargée «de tout coordonner : j’ai notamment géré les inscriptions», précise-t-elle. Deux cent trente inscriptions ont été enregistrées. «Comme nous voulons des classes d’une quinzaine de personnes, nous avons dû limiter la participation à deux semaines pour chaque personne.»

Ce qui n’empêche pas les plus motivés de se présenter à nouveau aux cours le lundi suivant : «Il y a souvent des absents, alors comme certains sont très motivés et toujours à l’heure, nous leur permettons de suivre un peu plus de cours quand des places se libèrent», sourit Jocya.

«C’est marrant de jouer au professeur»

Aujourd’hui, une quarantaine de participants sont attendus. Pour leur donner cours, Passerell peut compter sur des professeures bénévoles, à raison de quatre par session. Iry est l’une d’entre elles, elle s’occupe du cours de français intermédiaire. Elle aussi est arrivée en avance : «J’ai déjà donné cours la semaine dernière, mais c’est toujours un peu stressant!»

La jeune femme ne perd pas une seconde et s’installe déjà à son bureau. Elle note des choses au tableau et se prépare pour le début du cours : «Pour commencer, j’aime bien leur demander de parler de leur soirée pour pratiquer l’oral», explique Iry. Cette fois, elle va leur demander ce qu’ils ont mangé la veille au soir.

Leidy (à g.) et Linda partage l’expérience entre mère et fille.

De l’autre côté du tableau blanc, Leidy et sa fille Linda se préparent aussi. «Nous nous occupons du cours de français débutant», disent-elles. Elles sont vite rejointes par des dizaines d’élèves, s’installant aux tables qui forment un U.

Et quand l’horloge indique 13 h 30, il est enfin l’heure de se lancer. La mère et sa fille invitent à tour de rôle leurs élèves à raconter leur routine. «C’est marrant de jouer au professeur», s’amuse Leidy. De son côté, Iry récapitule le cours de la veille avant de passer à l’apprentissage du passé composé.

Des cours oui, mais plus ludiques et plus simples

La jeune femme est étudiante. Pour occuper son été, elle a cherché à effectuer du bénévolat dans un refuge animalier avant de tomber sur l’annonce de Passerell. C’est sa première expérience en tant qu’enseignante. «J’avais peur de ne pas y arriver, j’étais stressée à l’idée de venir, avoue Iry, surtout que nous pouvons faire le cours comme nous voulons.»

Alors qu’elle ne savait d’abord pas comment s’y prendre, elle a finalement trouvé : «Je fais d’abord l’aspect technique, puis je rends ça plus ludique avec un aspect culturel», explique-t-elle. Après la pause, elle leur fera regarder une bande-annonce du film Ratatouille, «cliché, mais français», pour compléter un texte à trou. «La semaine dernière, pour les entraîner aux nombres, je les ai fait jouer au loto!» Succès assuré.

En charge du cours de français débutant, Leidy et Linda tentent de partager les astuces qui les ont aidées à apprendre cette langue plus facilement.

Leidy et Linda essayent, quant à elles, de rendre l’apprentissage du français plus simple. «Il y a deux ans, je participais au cours en tant qu’élève, alors c’est important pour moi de partager les astuces qui m’ont aidée à rendre le français plus facile», explique Leidy.

Ce n’est pas chose aisée pour elle de donner cours, puisque le français n’est pas sa langue maternelle, mais mère et fille y voient des avantages : «Cela nous aide nous-mêmes à progresser, en trouvant des manières différentes de dire une même idée par exemple. Nous apprenons en faisant apprendre!»

Et même si c’est aussi sa première vraie expérience en tant que professeure, Leidy n’en est pas à son coup d’essai. «Quand nous sommes arrivés au Luxembourg, j’ai enseigné le français à mes trois filles comme si nous étions à l’école», rigole-t-elle. Elle utilisait l’armoire de leur chambre au foyer comme tableau et leur donnait les mêmes leçons qu’elle suivait aux ateliers d’été.

«Apporter ma pierre à l’édifice»

Quand on lui a proposé de donner cours à son tour, elle a d’abord eu peur. «Ma fille voulait faire mon assistante, alors j’ai dit oui pour donner cours! Je suis fière d’elle, c’est enrichissant de partager cette expérience avec elle», s’émeut Leidy. Pour Linda, l’expérience est très bonne aussi : «C’est gratifiant de voir les progrès que nos élèves font.»

Et comme elle est passée par le parcours de l’immigration à son arrivée de Colombie, Leidy sait pertinemment qu’il n’est pas facile. «Ça me plaît beaucoup de pouvoir apporter ma pierre à l’édifice et quelque chose de bon en aidant d’autres personnes à s’intégrer», sourit-elle. Alors, pour la mère de famille, pas question de se relâcher. Même durant la pause, elle s’assoit en face de ses élèves pour continuer à les aider.

Leidy est heureuse d’apporter sa pierre à l’édifice dans le parcours d’exil de ses élèves.

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