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Docler Holding : un plan social dans la douleur


Docler Holding a ses bureaux au Kirchberg.

La multinationale Docler Holding, dont le siège social est à Luxembourg, a procédé au licenciement de 115 salariés.

Communiquant habituellement sur ses activités de sponsoring culturel et sportif, Docler Holding est une véritable success-story à l’américaine. Fondée en 2001 et spécialisée dans le divertissement pour adultes, mais aussi dans les technologies de l’information, la multinationale compte plus de 1 500 employés dans le monde. Son siège social est au Luxembourg. «Une grande entreprise à l’esprit start-up», comme l’indique son site internet, où le personnel peut se détendre en participant à la journée du donut, à un tournoi de badminton ou à une soirée consacrée aux jeux de société. Des employés gâtés, car on le sait, il est difficile de trouver du personnel hautement qualifié dans l’IT.

Mais voilà : le 1er août, la presse s’est fait l’écho de licenciements expéditifs au sein de plusieurs de ses branches, dont Byborg Enterprises, installée au Kirchberg en 2018. «Certaines filiales du groupe devr(ont) procéder à des ajustements d’effectifs dans les semaines à venir», indiquait alors Docler Holding au Luxembourg Times. Une annonce survenue tandis que des salariés licenciés racontaient comment ils avaient été mis devant le fait accompli : avertis par un simple courriel, parfois renvoyés des bureaux sans préavis, licenciés avant même d’avoir commencé à travailler…

Une situation pas tout à fait nouvelle, puisque depuis environ un an, l’entreprise supprime des postes au compte-goutte –un plan de sauvegarde de l’emploi est en effet inutile si moins de sept salariés sont licenciés sur un mois. «Il y a un énorme turnover», nous a confié un ex-salarié qui a souhaité conserver son anonymat, comme toutes les personnes à qui nous avons parlé.

Depuis cette déclaration, les choses se sont accélérées et, selon nos informations, un plan social a finalement été signé la semaine dernière. Au total, 115 personnes sont concernées. Elles recevront leur lettre de licenciement aujourd’hui ou demain. Parmi ces salariés, nombre d’entre eux se retrouvent dans des situations très compliquées. «On parle d’humains, de gens qui ont tout laissé tomber pour venir travailler ici», soupire l’un de nos interlocuteurs. Ils sont nombreux en effet à être issus de pays hors Union européenne et l’absence de réseau social et la méconnaissance du droit luxembourgeois accentuent leur sentiment de vulnérabilité.

L’intelligence artificielle, vraiment ?

Parvenir à ce plan social a été compliqué. La délégation du personnel, neutre, n’a d’abord rien pu obtenir et se trouvait «en panique totale» face à l’accord d’entreprise (company agreement) proposé. Toujours selon nos sources, la direction de l’entreprise a fait pression sur des employés et aurait tenté d’étouffer toute velléité de faire appel à des syndicats. Finalement, la délégation du personnel a transféré son mandat au LCGB, qui est entré dans la boucle. Trop tard toutefois pour pouvoir négocier le nombre de personnes licenciées.

L’entreprise, qui n’a pas répondu à nos sollicitations, a justifié ces licenciements par «l’intégration de l’IA dans certaines fonctions et certains services», intégration devant alors «réduire nécessairement le recours aux processus manuels». «Le groupe a commencé à adopter la transformation numérique et l’intelligence artificielle il y a environ un an et demi comme l’une des actions et des contre-mesures nécessaires pour garantir la continuité de l’activité et de l’entreprise à l’avenir», a expliqué Docler Holding.

Une façon de présenter de façon honorable ces suppressions d’emplois, ou du moins une façon de se «vendre», dénoncent nos témoins, pour qui cela ne serait en fait qu’un prétexte. D’aucuns évoquent «un bilan financier pas si bon que ça» – le bénéfice de Byborg Enterprises a été divisé par trois en deux ans. Mais ce qui inquiète encore, c’est un précédent, quand en 2014, 50 employés avaient été licenciés et leur service délocalisé en Hongrie.

Docler confirme le plan social

Dans un communiqué diffusé ce mardi, à la suite de notre article, Docler Holding confirme que 115 salariés de ses filiales luxembourgeoises Byborg Enterprises et Byborg IP sont concernés par un licenciement collectif. L’entreprise explique cette décision par «des tendances négatives du marché mondial» touchant le secteur des technologies de l’information, conjuguées à une «contraction du marché». Le groupe a entamé «un processus d’optimisation et de restructuration significatif» pour «tirer parti des opportunités offertes par l’intelligence artificielle».

Docler indique qu’un accord a été conclu le 14 août avec les syndicats, après «plusieurs cycles de négociations constructives». Les lettres de licenciement ont été remises aux salariés concernés, le processus devant s’achever d’ici à la fin de l’année.

I.S.