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Dans les profondeurs du Minett Park


La mine Doihl peut être visitée les dimanches de juin à fin septembre pour 8 euros par adulte. (Photos : alain rischard)

Suivez-nous pour une virée au Fond-de-Gras et dans la mine Doihl. Dépaysement, nature et nouvelles connaissances au programme.

S’il y a bien un endroit au Luxembourg qui garantit un dépaysement à peu de frais, c’est bien le Minett Park, le parc industriel, naturel et ferroviaire du sud du pays. Dis comme ça, l’on imagine mal cet endroit comme bucolique et pourtant… Entouré d’une nature verdoyante et luxuriante, en se rendant au Fond-de-Gras, on ne peut que tomber sous le charme de cet endroit figé au début du siècle dernier. D’ailleurs, les résidents et touristes ne s’y trompent pas puisqu’ils sont entre 50 000 et 60 000 à s’y rendent chaque année.

Au Fond-de-Gras, le week-end, toutes les deux heures en moyenne, le clou du spectacle surgit à grands renforts de tchou-tchou et de volutes blanches. La locomotive vapeur desservant la ligne 1900 entre Pétange et le Fond-de-Gras, d’un noir profond, est accueillie par des bénévoles en costume d’époque : chef de gare, mécaniciens ou contrôleurs. Munis d’un ticket, les voyageurs grimpent sur le marchepied et prennent place dans les voitures jusqu’à Pétange. Dépaysement assuré pour 12 à 17 euros.

Mais cette machine n’est pas la seule à circuler. Roulent aussi des locomotives diesels et, sur une autre voie, près du café Bei der Giedel, un petit train relie le Fond-de-Gras à Lasauvage, en passant par Doihl, où se trouvent ancienne mine de concassage et station de compression. Dans cette locomotive à vapeur «Krauss», construite en 1897, qui file sur une voie étroite, cernée d’arbres et de végétation, l’odeur de terre, mais aussi de bois, dégagée par la vapeur, pointent par instants. À chaque croisement, le tac-tac régulier des rails est interrompu par le sifflet strident de la locomotive.

Le matériel payé par les mineurs

Parvenu sur le carreau de la mine, tout le monde descend. Il faut alors prendre place dans le «Minièresbunn», le train de la mine, et se coiffer d’un casque de chantier. Commence alors la descente 70 m sous terre. Il fait sombre, mais de temps à autre apparaissent sur le côté des bacs rouillés baignés dans une lumière orangée. Le froid se fait plus présent à mesure que les 1 400 m sont parcourus. L’on imagine sans peine les mineurs saisis par les 10 °C chaque jour à leur arrivée fin XIXe, début XXe. Nouveau débarquement. La mine se visite à pied, entre les murs de pierres, dans les galeries où sont exposés des locomotives, des outils, des barres à mine, sous l’éclairage, ici, d’une lampe à carbure.

Pendant la visite guidée d’une trentaine de minutes, le secrétaire de l’association Minièresbunn, Paul Hessé, explique le travail des mineurs. Comment l’extraction du fer qui se faisait à l’origine en 1830 manuellement, sans aucun équipement de sécurité et à l’aide de chevaux, a commencé à se moderniser en 1910 avec les outils à air comprimé. L’électricité et l’arrivée d’une locomotive pour faire sortir le minerai rendent le travail «plus simple».

Démonstration est faite du marteau-piqueur, d’un compresseur…  Le bruit est assourdissant. Le petit groupe écoute attentivement, songeant peut-être à ce que représentait le fait de travailler jusqu’à 16 heures par jour dans cet endroit. Le mineur doit tout faire : «forer les trous, tirer les coups de mine, purger le toit avec la barre à purge, établir le soutènement au bois, charger la minette dans les wagonnets, poser les voies, sortir les wagons chargés et entrer les vides», résume une affichette. Les mineurs sont payés en fonction de leur production. Tous les outils sont à leur charge.

Paul Hessé (à d.) faisant la visite guidée, ce jour-là, pour la presse.

Des associations intéressées

Après avoir aussi parlé du principe du concasseur à cylindre ou à mâchoire, du fonctionnement du haut-fourneau, entre autres anecdotes. Retour à l’air libre aussi, la nature est toujours omniprésente. «Dans le temps, il n’y avait rien», sourit Paul Hessé, qui poursuit : «Ça peut poser problème : on voulait mettre un quai au Fond-de-Gras, mais les arbustes sont devenus grands.»

Direction l’un des ateliers de restauration et d’entretien des trains où là encore des bénévoles s’affairent pour repeindre une locomotive – «elle était en bleu pendant 30 ans, mais on lui a rendu son vert original», précise Paul Hessé. Une autre est en révision, les visages sont jeunes, souriants. L’ambiance est bon enfant. En 35 ans, l’association a récupéré 51 locomotives et divers vestiges des mines alentours. Il arrive que d’autres associations étrangères lui proposent de leur en acheter une – certaines des locomotives exposées sont parmi les dernières du genre, voire l’unique exemplaire. La réponse est non.

Chaque année, les guides effectuent 40 à 60 visites guidées en luxembourgeois, français ou anglais pour des touristes venus d’un peu partout. Comme ce Japonais qui connaissait déjà tout par internet ou les Anglais qui viennent toute une journée pour poser moult questions, allant jusqu’à noter les numéros de série des locomotives. Des mordus possédés par le virus des trains. Un virus qu’il est facile d’attraper à son tour en écoutant les bénévoles passionnés de la Minièresbunn.

Un concept plus global en projet

Les ministères de la Culture et de la Mobilité, les CFL et l’INPA planifient la création d’un Centre national du patrimoine ferroviaire à Pétange, à côté des rails de chemin de fer menant au Fond-de-Gras. Ce Zuchmusée devrait exposer des locomotives actuellement stockées dans des hangars ou à l’air libre à Pétange et à Luxembourg.

En plus d’être enfin vues par le public, ces machines, datant pour la plupart de l’après-Seconde Guerre mondiale, seraient enfin à l’abri des intempéries. «Pour l’instant, nous n’avons pas les infrastructures pour accueillir des chercheurs ni des archives, alors que c’est quelque chose qui manque. Beaucoup de bénévoles ont plein de choses chez eux, qui risquent d’être perdues», souligne Robyn Wehles, la directrice du Minett Park.

Les CFL prendront en charge l’aspect relatif aux infrastructures et l’INPA, celui sur la muséographie. En plus de la visite du Zuchmusée où il sera aussi possible de se restaurer, l’offre inclura un parcours en train reliant le centre au Fond-de-Gras puis à la Minièresbunn Doihl. Un avant-projet de loi sommaire ne devrait pas tarder à être déposé en ce sens et l’avant-projet définitif devrait l’être fin 2026. Le centre pourrait voir le jour d’ici à 2033 au plus tôt pour un budget estimé à 80 millions d’euros.

Le fonctionnement du Zuchmusée changera sans doute la donne pour les bénévoles des deux associations sur le Minett Park, le Train 1900 et la Minièrsbunn, qui pour l’instant ne fonctionnent qu’avec des volontaires. Pour Jacques Broy, bénévole au Train 1900, c’est clair : à terme, il faudra professionnaliser, car compter uniquement sur des bénévoles disponibles sept jours sur sept serait irréaliste, d’autant que dit-il, actuellement, c’est déjà «limite».

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