Pour ne pas laisser des trésors historiques tomber dans l’oubli, quatre vétérans ont monté un musée dédié à l’histoire des pompiers dans une ancienne caserne de Wiltz.
En longeant la rue Geetz à Nidderwiltz, on n’entend que le clapotis de la Woltz qui coule en contrebas. C’est au bout de cette impasse que se dresse une petite caserne avec sa tour. Occupée par le corps de sapeurs-pompiers de Nidderwiltz jusqu’en 1979, elle fut ensuite désertée, avant que Patrick Juncker en récupère les clés.
Il y a neuf ans, refusant de voir disparaître les trésors retraçant l’histoire des combattants du feu, cet ancien pompier embarque trois autres collègues retraités dans un défi fou : créer leur propre musée de toutes pièces.
6 000 heures de travail
C’est lui, le gardien des lieux, qui nous accueille, derrière les imposantes portes repeintes en rouge du bâtiment. Il se souvient : «J’ai appelé le bourgmestre pour expliquer le projet. Trois jours plus tard, il nous octroyait ce bâtiment qui était à l’abandon.»
«Il nous a fallu 380 litres de peinture et 6 000 heures de travail à quatre, puis à six, pour tout rénover et en faire un lieu d’accueil pour le public», raconte le président de l’association des Amis du musée des pompiers, en soulignant que sans le soutien de sponsors privés et d’entreprises locales, tout ça n’aurait pas été possible.
Deux ans d’efforts
Pendant près de deux ans, avec Jim, Jos, Gust, puis Claude et Guy, Patrick s’investit corps et âmes à la caserne, qui finit par rouvrir ses portes en tant que Musée national des pompiers en 2020.
Une fierté pour celui qui a rejoint la protection civile à l’âge de 16 ans, avant d’intégrer les pompiers volontaires de Grosbous en 1988. «J’ai pris ma retraite en 2018. C’est là que je me suis lancé dans l’aventure du musée. On ne peut pas tout faire en même temps!»
Une petite sacoche pour sauver des vies
Comme un clin d’œil, c’est son propre uniforme de la protection civile datant de 1973 qui est exposé dans l’entrée du musée. «On n’avait pas grand-chose : une petite sacoche avec du matériel de premier secours, une lampe de poche, et c’était tout», décrit Patrick Juncker.
Et l’ambulance de l’époque, un van Citroën HY devenu culte, n’était guère plus équipée. «Il en reste une seule au Luxembourg, elle a servi à Lintgen dans les années 1970. Nous l’avons sortie du stock qui se trouve à Marnach, on l’a restaurée, et elle sera ici dans un mois.»
L’ancêtre du 112 avait des ampoules
Dans un coin, on peut voir un authentique central d’appel du 012 – l’ancêtre du 112 – qui était installé à Luxembourg-Belair jusque dans les années 1990.
Les opérateurs recevaient les appels et affectaient les différentes équipes de terrain en se repérant sur la carte du pays affichée au mur. Des ampoules représentaient en temps réel la disponibilité des véhicules de secours aux quatre coins du territoire.

«Le tue-feu» projetait de la poudre
Plus loin, on trouve une belle collection d’extincteurs, dont les plus anciens ont plus d’un siècle : des petites bouteilles en verre, remplies d’un liquide spécial, qu’on jetait directement sur le départ de feu pour l’éteindre.
L’une des plus belles pièces vient de Belgique : un extincteur de 1904 baptisé «Le tue-feu», contenant des cailloux et de la poudre à propulser sur les flammes en cas de début d’incendie. «Il était utilisé dans les musées», précise notre guide.
Un boyau de cuir clouté en guise de tuyau
Au plafond, d’anciennes échelles de bois, dont celle des pompiers de Nidderwiltz, qui pouvait atteindre 17 mètres et pèse plus de cent kilos. «Ils avaient de la force dans le temps!»
Du côté des tuyaux, que les soldats du feu faisaient sécher en les pendant dans la tour, le musée possède une pièce rare : un boyau de cuir clouté tout du long d’œillets en métal datant de 1850, offert par un musée d’Athus.
«C’était assez fin et souple, et avec la pression, c’était parfaitement étanche. Les premiers tuyaux de pompiers sont apparus vers 1750 : ils étaient fabriqués aux Pays-Bas avec du matériel pour les voiliers.»
Des protections rudimentaires
Et pour se protéger lors d’interventions, ce voyage dans le passé montre à quel point, un siècle et demi en arrière, l’équipement des pompiers était rudimentaire.
«Le premier casque qu’ils avaient pour rentrer dans la fumée était celui-là, autour de 1850. Une simple cagoule reliée à un tube dans lequel de l’air était envoyé par un collègue qui pompait avec un soufflet!»

Aujourd’hui, chacun porte 15 à 20 kg de matériel, dont des bouteilles d’oxygène en carbone.
Des pompes du 19e siècle
Parmi les autres curiosités, on peut voir d’anciennes pompes, montées sur des remorques avec de grandes roues en bois, restaurées fidèlement au prix de centaines d’heures de travail.
«On a sauvé celle-ci de la casse. Elle appartenait à la section de Schwebsange et date de 1931. Cette autre pompe, plus imposante, vient de Bettborn et date de 1904.»

«La dernière vient de Berdorf. Ils voulaient la jeter, on l’a récupérée. Elle date de 1882 : on voit un grand bac ici, que les femmes remplissaient avec des seaux d’eau, et les pompiers pouvaient alors pomper à l’aide de ce levier pour alimenter leur lance.»
Le plus vieux camion de pompiers du pays
Pièce maîtresse du musée, on ne peut pas le louper, en plein milieu de la pièce! Rutilant, il s’agit du plus vieux camion de pompier du Luxembourg, un magnifique Magirus de 1931, arborant le blason de la Ville d’Esch-sur-Alzette.

Ce fourgon-pompe pouvait embarquer une dizaine d’hommes et comportait une grande échelle et une citerne. «Le moteur est foutu», précise Patrick Juncker.
L’album de famille dans l’escalier
L’escalier qui mène à l’étage regorge de souvenirs, comme un album de famille, où se mêlent photos, affiches d’époque, écussons et médailles.
«Sur cette photo, on voit poser un petit corps de sapeurs-pompiers à Dahl, et là, debout avec son tambour, c’est mon grand-père», sourit Patrick Juncker.

La salle du haut ressemble à une boîte à archives géante, avec une impressionnante collection de casques et uniformes de gala, de képis, de grades et de tenues d’intervention provenant d’autres pays du monde, sans oublier la mythique barre de descente des pompiers que tous les enfants rêvent de tester.
Les enfants donnent l’alerte
Pour eux, un espace a été spécialement aménagé pour permettre à l’équipe de les sensibiliser aux dangers domestiques. Grâce à une maison de poupées qui peut s’animer avec de la fumée, les plus jeunes peuvent facilement identifier les bons réflexes à adopter en cas d’incendie.
Bonus : ils peuvent même simuler un appel au 112 avec nos pompiers retraités au bout du fil, et apprendre ainsi comment communiquer les bonnes informations lors d’une alerte.
Le Musée des pompiers à Wiltz est ouvert tous les samedis de 10 à 18 heures, de Pâques à fin novembre. Entrée libre.