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Emile Eicher : «De nouveaux défis se posent sans cesse»


«Il faudra guider (les bourgmestres) pour gérer les logements sociaux, encore une nouvelle mission qui s’ajoute.»

Le président du Syvicol, le syndicat des villes et communes, Emile Eicher (CSV), informe de la création d’un nouveau département dans les mairies, celui des ressources humaines. Gérer du personnel est un métier.

Les communes n’ont jamais autant fait parler d’elles que ces derniers temps, avec des démissions d’élus, des problèmes de gestion du personnel, des malversations aussi. Ce sont des sujets dont vous discutez forcément au sein du Syvicol. Est-ce que vous percevez un certain burn-out chez les bourgmestres?

Emile Eicher : Certains se sentent sans doute aussi un peu seuls. Disons que les dossiers deviennent de plus en plus complexes. Il faut de plus en plus de compétences, et les problèmes commencent déjà à ce stade.

Certains bourgmestres sont très bien préparés, mais nous avons constaté, lors de nos différentes rencontres avec les élus au mois de mars dernier lors de notre tournée, qu’ils avaient besoin de beaucoup plus de savoir-faire.

Au Syvicol, nous pouvons leur proposer des formations, et cela devient de plus en plus urgent. On entend souvent parler de problèmes de personnel, c’est vrai, mais seuls quelques bourgmestres sont vraiment préparés à gérer du personnel. Il faut donc leur donner les moyens de faire face et de se préparer.

D’un autre côté, la législation devient de plus en plus précise. Il faut aussi plus d’assistance, je crois. Surtout pour les petites et moyennes communes. Les grandes communes sont déjà bien spécialisées. Il y a en effet un spécialiste par domaine qui peut aider ou assister la politique pour prendre les bonnes décisions.

Je sais aussi que la pression sur la politique devient de plus en plus forte pour plusieurs raisons. J’ai récemment fait l’expérience d’une rave party chez nous.

Nous ne sommes pas préparés à ce type de problème et nous ne nous y attendons pas. Heureusement, rien de grave ne s’est passé. Bien sûr, le ministère des Affaires intérieures aide les communes autant qu’il le peut. Mais de nouveaux défis et de nouveaux problèmes se posent sans cesse.

Un de ces défis est effectivement la formation en matière de ressources humaines. Des cas de harcèlement ont été dénoncés dans plusieurs communes du pays. Comment abordez-vous ce sujet au sein du Syvicol?

Actuellement, nous discutons avec le ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden, de la création d’une nouvelle fonction dans les communes, précisément appelée « ressources humaines ».

Jusqu’à présent, on évoquait le secrétariat, l’administration générale, les finances, l’assistance technique ou encore l’urbanisme. Or ce qui nous prend de plus en plus d’énergie, c’est la gestion du personnel. C’est justement là où il faut se professionnaliser. Ça veut dire embaucher des spécialistes dans ce domaine.

La semaine dernière, j’ai moi-même pris la décision d’engager une DRH pour le parc naturel de l’Our, à titre préventif. Je constate également, par exemple ici au Syvicol, que les gens travaillent très bien ensemble.

Je ne vois donc pas l’utilité de faire appel à un spécialiste en ressources humaines. C’est encore petit, c’est gérable. Et si des problèmes surviennent, ils sont résolus très rapidement. Mais dès qu’on a une cinquantaine d’employés, de fonctionnaires ou de salariés, on se retrouve dans une petite entreprise.

Les communes sont confrontées à de nouveaux défis, par exemple trouver une place en crèche ou maison relais pour chaque enfant et organiser l’alphabétisation en français pour la rentrée 2026. Sont-elles bien accompagnées pour se préparer à remplir ces missions?

Nous avons organisé des réunions d’information régionales avec le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse pour préparer les acteurs locaux à ces nouveaux défis.

Il faut toutefois reconnaître qu’il y a des problèmes qui ne peuvent pas être résolus aussi rapidement. Construire une nouvelle école ou trouver d’autres salles ne se fait pas en quelques jours. Ça ne tombe pas du ciel. Il faut bien préparer les choses et avoir du temps. Les communes disposent de moyens financiers et de locaux très différents.

Si l’on construit en bloc avec des systèmes préfabriqués, l’opération est rapide, certes, mais il faut du temps pour préparer les dossiers, réaliser toutes les procédures et obtenir l’accord de financement. Et ça ne se fait pas en une année, c’est certain.

En général, il faut plus de temps pour préparer un projet que pour le réaliser. C’est exactement ce que nous avons dit à M. Meisch. Certaines communes ne pourront certainement pas trouver de solutions en si peu de temps.

L’autre aspect à évaluer est l’équilibre entre les nouveaux besoins et les financements actuels. Jusqu’à présent, une salle de classe devait mesurer 63 mètres carrés.

Or les classes deviennent de plus en plus petites, donc on a besoin de plus de salles et il faut construire autrement. Les communes ont besoin d’un plan type, non pas pour construire les mêmes écoles partout, mais pour au moins disposer de normes communes qui s’adaptent aux besoins futurs.

Les procédures pour les autorisations de construire vont changer. Il n’y aurait dorénavant que deux catégories, au lieu de trois, à savoir les travaux soumis à autorisation et ceux, de faible importance, pouvant être réalisés sans aucune démarche administrative. La simple déclaration de travaux disparaît, c’est bien cela?

Pour faciliter et accélérer les procédures d’autorisation de construire, le bureau du Syvicol a d’abord soutenu l’idée d’une simplification des procédures proposée par le ministre des Affaires intérieures.

L’objectif était de réduire le nombre de demandes de constructions autorisables en les distinguant entre trois catégories : les petits projets « bagatelles », qui ne nécessitent aucune autorisation; des projets d’une envergure et d’une importance telles qu’ils doivent rester autorisables; des projets d’une moindre envergure, mais qui pourraient affecter le voisinage d’une tierce personne.

Ceux-ci seraient soumis à une déclaration des communes. Toutefois, après plusieurs consultations avec les membres du comité du Syvicol, ce dernier a décidé de ne pas retenir cette troisième catégorie, à l’instar de nos voisins belges qui ne distinguent que les projets autorisables et ceux qui ne le sont pas.

«Je sais aussi que la pression sur la politique devient de plus en plus forte pour plusieurs raisons.»

Est-ce que tout cela est bien défini, maintenant? Quels projets peuvent se passer d’autorisation, par exemple?

En tout cas, la situation est plus claire maintenant entre ce qui est soumis à autorisation et ce qui ne l’est pas. Toutefois, il reste des questions concernant la terminologie. Par exemple, qu’est-ce qu’une clôture?

S’agit-il d’un mur, d’un bordage, d’une cloison fermée ou ouverte? L’autre problème avec les simples déclarations de travaux, c’est d’éviter le saucissonnage. Un habitant peut par exemple construire sans autorisation un emplacement pour sa voiture cette année, puis l’agrandir de la même taille l’année prochaine, et ainsi de suite.

Au final, il se retrouvera avec un espace important qui devrait, de toute façon, faire l’objet d’une demande d’autorisation.

C’est ce genre de situation que l’on veut absolument éviter. Il ne faut pas perdre de vue qu’il y aura toujours un règlement des bâtisses et des prescriptions du PAG et du PAP à respecter.

Il ne faut pas oublier, dans ce contexte, que d’autres lois et réglementations doivent être respectées, telles que celles prévues par le ministère de l’Environnement, l’administration de la Gestion de l’eau, les Ponts et Chaussées, l’INPA (NDLR : Institut national pour le patrimoine architectural) et l’INRA (NDLR : Institut national de recherches archéologiques), pour n’en citer que quelques-unes.

Il sera nécessaire d’informer le public de ce qui est possible de faire ou non sans autorisation. Nous préconisons une campagne d’information coordonnée avec le ministère des Affaires intérieures.

Un récent scandale a mis au jour les pratiques d’un « Monsieur cantine » qui conseillait les élus et favorisait un prestataire de services pour les repas des cantines et des maisons relais. Il a été rémunéré d’une façon pas très légale pendant trente ans. Comment éviter ce genre de dérive?

Justement pour éviter ces problèmes, nous avons besoin de procédures claires, car une fois la faute commise, il est trop tard. Par exemple, si le ministère avait donné des recommandations aux communes, on n’aurait pas eu besoin des services de ce « Monsieur cantine ».

Pour la plupart des communes, il s’agissait d’une nouvelle mission dont elles ignoraient tout. Nous avons toujours dit que si les communes devaient remplir de nouvelles missions, elles devaient être en mesure de les réaliser. C’est une question de savoir-faire qui ne s’improvise pas. Il est nécessaire de les assister ou de prévoir un guichet unique où des spécialistes peuvent les guider.

Une autre mission pour les communes consiste à aider les personnes les plus démunies. Les offices sociaux sont-ils toujours plus sollicités?

Oui, c’est ce que les élus communaux nous disent tout le temps. La plupart des communes engagent d’ailleurs beaucoup plus de personnel dans les offices sociaux, ce qui n’était pas forcément prévu.

Il y a des offices sociaux qui ont même l’intention d’aller plus loin que ce que la loi prévoit, parce que les problèmes de logement et les problèmes sociaux vont souvent de pair. Ils souhaitent aider les gens à trouver un logement, mais l’Entente des offices sociaux n’est pas favorable à cette idée, estimant que ce n’est pas leur rôle.

Je peux comprendre ce point de vue, car si de nouvelles missions sont créées pour les offices sociaux, il faut aussi leur donner les moyens de les accomplir. C’est toujours le même problème.

Mais il y a quand même un besoin qui devient de plus en plus grand. Avec la nouvelle législation sur les aides à la pierre, j’entends beaucoup d’élus communaux me dire qu’ils sont en train de travailler sur des dossiers de logement. Après, il faudra les guider pour gérer les logements sociaux, encore une nouvelle mission qui s’ajoute, parce qu’ils ne sont pas agents immobiliers.

Le Syvicol a longtemps revendiqué d’être consulté sur tout projet de loi ou de règlement concernant les communes. C’est le cas à présent, mais il lui faut aussi du personnel pour rédiger ses avis et aussi pour accompagner les communes. Comment s’en sort le syndicat?

Nous n’avons pas assez de personnel pour suivre tous les dossiers, il faut vraiment le dire. Nous sommes également à l’étroit et nous cherchons actuellement de nouveaux locaux.

Je sais qu’à l’avenir, si l’on veut suivre cette évolution, il faudra engager beaucoup plus de personnel spécialisé, y compris pour communiquer avec les élus. Il faut leur fournir des informations précises et concises sur les sujets qui les intéressent ou les préoccupent, sans qu’ils aient besoin de lire tout un catalogue.

De notre côté, nous devons mieux cibler notre communication. Il existe de nombreux canaux, mais l’information n’arrive pas toujours là où elle devrait. Certains de nos représentants ont annoncé l’organisation de réunions assez régulières avec les élus de la région qu’ils représentent, à l’exception de la ville de Luxembourg, où il n’y a qu’une seule commune.

Tous les autres représentent plusieurs communes et sont donc un relais d’information. Il est important de mobiliser les élus au niveau local. La première réunion aura lieu le 13 octobre à Mondercange.

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