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Affaire Bisdorff : une lutte pour obtenir une grâce


Lucien et Colette Schumacher se sont rendus une douzaine de fois en prison pour discuter avec Sarah Bisdorff. (Photo DR)

Le couple Lucien et Colette Schumacher se bat pour que le Grand-Duc accorde une grâce à Sarah Bisdorff, la maman de Bianka, le bébé disparu en 2015 et jamais retrouvé.

La toute jeune Bianka Bisdorff est-elle morte? Seule sa mère peut répondre à cette question, mais depuis la disparition du nourrisson, à peine âgé d’un mois, elle se mure dans le silence. Condamnée à 30 ans de prison, elle recevait la visite du couple Schumacher et de leur fille, pendant plusieurs mois, avant que ces rencontres ne soient plus autorisées.

«Un jour, en juin de l’année dernière, on ne nous a plus laissés entrer dans la prison et je ne sais pas pourquoi», témoigne Lucien Schumacher. Ils ne sont plus les bienvenus et cette situation met le couple dans tous ses états. «Nous avons le droit de savoir pourquoi nous ne pouvons plus rendre visite à Sarah Bisdorff», insiste Lucien.

Pourquoi ces visites? «J’ai senti qu’elle n’avait pas sa place en prison», répond-il. Il avait contacté l’association Eran, Eraus an Elo? qui s’intéresse à la problématique de la détention au Luxembourg, pour pouvoir approcher Sarah Bisdorff, parce que la sentence prononcée était d’une extrême sévérité, selon lui. Le parquet avait requis une peine de 15 ans, la chambre criminelle lui a donné le double.

«Sa place est dans un institut»

«Je sais qu’elle n’a rien dit, qu’elle a refusé de répondre aux questions, mais 30 ans, c’est exagéré pour cette femme dont la place est dans un institut», estime celui qui s’est entretenu une douzaine de fois avec la mère de Bianka.

«Elle était douce et très calme, et elle a d’ailleurs accepté avec plaisir de nous recevoir», déclare Lucien. Ils n’ont jamais abordé les faits. «Nous parlions de ses enfants, de sa jeunesse, de choses plutôt banales et j’ai senti une personne très généreuse. C’est pour cela que je me bats pour elle», explique-t-il.

Il y a deux semaines, avec son épouse Colette, ils se sont postés devant la Chambre des députés pour réclamer la grâce de la condamnée que seul le Grand-Duc peut accorder. «Sinon, elle restera en prison et j’espère qu’elle sera libérée au bout de 15 ans», confie Lucien Schumacher.

Une grande enfant

Pour les deux experts neuropsychiatre et psychologue qui l’ont examinée, la mère de Bianka, 39 ans au moment de son procès en 2022, sept ans après la disparition du bébé, semble se laisser vivre au jour le jour sans penser au lendemain.

Sarah serait incapable de prendre sa vie en main, de se projeter dans l’avenir ou de se montrer critique face aux événements. Elle est décrite comme une grande enfant, un peu naïve, que rien ne semble atteindre, apparemment incapable d’exprimer des sentiments et d’en ressentir, comme le relatait le Quotidien, lors du procès.

Les deux experts ont dû interpréter les silences, les petits arrangements avec la vérité et les réactions de défense à vif. Ils écartaient les délires, mais constataient une propension à lancer des idées peu élaborées qui s’évaporent aussitôt. Comme l’impression d’être au centre d’une intrigue ourdie par l’appareil judiciaire pour lui enlever Bianka par jalousie de son rôle de mère, par exemple.

Un cas unique au Luxembourg

Sarah semble convaincue que ses enfants vont bien et que la mort est une continuation de la vie dans un bel endroit, témoignait un des experts. «Elle nous a dit ne pas avoir envie d’aller au foyer tous les deux jours rendre visite à ses enfants ou de se battre avec les juges», soulignait un psychiatre.

«C’est ma Bianka!», répétait Sarah Bisdorff, ou «Je ne donnerai pas ma fille à quelqu’un que je ne connais pas. Une bonne mère ne fait pas cela. (…) Vous aimez voler les enfants des bonnes mamans» ou encore : «Là où elle est, elle est mieux que dans un foyer. Je la reverrai un jour», «Je sais qu’elle va bien. Très bien».

Le cas de cette mère est unique dans les annales de la justice luxembourgeoise. C’est la première fois qu’une personne a été aussi lourdement condamnée pour homicide sans que jamais le corps ne soit retrouvé.

Personne à part Sarah ne sait où se trouve l’enfant. Et encore moins Lucien et Colette Schumacher qui ont parlé de longues heures avec elle. «Elle est bien prise en charge, voilà ce qu’elle répétait à propos de l’enfant», déclare Lucien.

Une sage-femme intervient

À l’époque des faits, en 2015, Sarah a 32 ans et elle est déjà maman de sept enfants. Elle n’a jamais accepté que la justice ait décidé de lui retirer sa dernière-née, comme cela s’était déjà produit avec ses autres enfants.

C’est une sage-femme du centre hospitalier Émile-Mayrisch qui s’était occupée de Sarah et du bébé trois jours après l’accouchement. Elle avait constaté des négligences et avait alerté l’assistante sociale de l’hôpital. Le service central d’assistance sociale (SCAS) avait déposé une demande de mesure de garde provisoire auprès du tribunal de la jeunesse, trois jours après la naissance de la petite fille, soit le 9 juin 2015.

C’est donc pour échapper à ce placement que Sarah aurait fait disparaître sa fille. Une autre hypothèse possible, celle d’un manque de soins appropriés à un nouveau-né, qui aurait pu conduire à son décès. La petite Bianka pesait à peine 2,5 kilogrammes à la naissance.

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