Entre méconnaissance et crainte, le don d’organes est un geste loin d’être populaire, bien qu’essentiel. Une journée de sensibilisation a été organisée vendredi au CHEM d’Esch afin d’y remédier.
C’est avec un grand sourire que Julia Simon accueille les curieux qui s’arrêtent devant les stands présents ce vendredi dans le hall principal du Centre hospitalier Émile-Mayrisch (CHEM) à Esch-sur-Alzette. En poste au service de réanimation, l’infirmière est également la référente pour les opérations de dons d’organes et de cornées (lire ci-contre) et elle y dédie aujourd’hui une journée de sensibilisation pour ce geste loin d’être évident.
«On a remarqué que le Luxembourg n’est pas bien placé en termes de dons d’organes au niveau européen, donc on essaye de changer la donne», explique Julia Simon. «Pour les cornées, qui sont un don de tissu, cela va encore mais il y a un manque pour tout le reste.» Selon le calcul du nombre de donneurs par million d’habitants de l’IRODaT, le registre international sur le don et la transplantation d’organes, le Grand-Duché comptait dix donneurs en 2023. Soit une 26e place en Europe, très loin des 49 donneurs par million d’habitants en Espagne ou des 27 donneurs en France.
Préparer sa carte de donneur
«Le but de la journée est que les gens se positionnent auprès de leur médecin traitant et de leur famille, en leur disant s’ils sont donneurs et ce qu’ils veulent donner.» Cette communication avec les proches notamment est primordiale, car «généralement elles disent non» au don d’organes de leur défunt. Bien que la loi luxembourgeoise stipule que chaque citoyen est un donneur présumé, sauf s’il s’y oppose de son vivant.
Pour éviter toute confusion, il existe une carte de donneur où l’on signe son accord ou son refus. «Avoir la carte sur soi, c’est un gain de temps pour nous. Quand les gens ont un accident ou un autre drame, les familles vont moins se poser de questions», raconte Julia Simon.
Après une mort cérébrale, condition sine qua non pour donner, le corps est artificiellement maintenu en état de fonctionner afin que les coordinateurs luxembourgeois fassent appel, en général, à une équipe de prélèvement venue de Belgique. «En général, l’opération se fait en une journée, voire moins.» Depuis 2019, le CHEM a permis de réaliser près de 500 dons de cornées pour la clinique ophtalmologique de Hombourg (Sarre) grâce au soutien du Lions Club d’Esch-sur-Alzette qui conserve, à ses frais, les greffes.
«Il faut informer les gens»
Afin d’inciter les visiteurs et les patients du CHEM à repartir avec la carte de donneur, la référente du domaine a réuni les différents acteurs de ce milieu afin d’en expliquer le fonctionnement parfois méconnu. «Il n’y a pas de transplantation au Luxembourg, donc un Luxembourgeois se fait transplanter à l’étranger et le don se fait aussi pour l’étranger» résume l’infirmière. Comme la Belgique, le Grand-Duché est membre d’Eurotransplant, un organisme international qui coordonne les transplantations d’organes, auquel il contribue via le service Luxembourg Transplant.
Outre les explications techniques, la sensibilisation se fait également au travers de l’engagement des bénévoles de l’ASBL Protransplant. Fondée en 2011 et placée sous le haut patronage du Grand-Duc, l’association a pour but de promouvoir le don ainsi que de soutenir les donneurs. Parmi ses membres se trouve Yveline, elle-même concernée puisque bénéficiaire d’une greffe de rein depuis 22 ans.
«Je comprends que cela fasse peur mais il ne faut pas oublier qu’un jour on peut avoir besoin d’un organe et s’il n’y en a pas assez, on ne pourra pas vous sauver», souligne-t-elle. «Une personne décédée peut en sauver sept.» À ses côtés se trouve Florence qui, elle, n’a pas de greffe mais reconnaît tout autant l’importance de l’ASBL : «Il faut informer les gens, car ils n’en savent pas assez, ils pensent être trop vieux ou sont sceptiques et c’est cela qui les bloque».
Les spécificités du don de cornées
La cornée, cette couche protectrice transparente extérieure de l’œil, entre dans la catégorie du don de tissu, avec quelques particularités. «Contrairement à un organe, il n’y a pas besoin de mort cérébrale pour faire un prélèvement», annonce d’abord Carla Leoni, interne à la clinique ophtalmologique de Hombourg. «C’est un geste peu invasif sur le patient décédé, cela dure à peine 15 minutes.»
Pour la conservation et le prélèvement, ce n’est pas non plus comme un organe : «C’est quelque chose qui peut être conservé jusqu’à quatre semaines, contrairement à un cœur entre 4 et 6 heures. Et nous avons 72 heures pour faire le prélèvement, pas 24 heures.»
Et si le taux de réussite des greffes dépasse les 90 %, «un taux inégalé», c’est grâce au fait que la cornée soit dépourvue de vaisseaux sanguins, «ce qui évite les réactions immunitaires contre le transplant».