Le président Volodymyr Zelensky a appelé jeudi les soutiens de l’Ukraine à œuvrer pour un « changement de régime » en Russie, après des bombardements meurtriers à l’aube sur Kiev, et l’annonce par Moscou de la prise d’une petite ville stratégique dans l’est.
« Si le monde ne vise pas un changement de régime en Russie, cela signifie que même après la fin de la guerre, Moscou continuera à tenter de déstabiliser les pays voisins », a-t-il déclaré en participant par lien vidéo à une conférence marquant les 50 ans des Accords d’Helsinki.
« Je crois que la Russie peut être poussée à mettre fin à cette guerre. C’est elle qui l’a commencée », a-t-il ajouté quelques heures après de nouvelles frappes russes qui ont tué à Kiev au moins onze personnes, selon le ministère de l’Intérieur ukrainien, dont un garçon de six ans.
Cette attaque de drones et de missiles jeudi à l’aube a aussi fait 135 blessés, dont douze enfants, a indiqué sur Telegram l’administration militaire de la capitale ukrainienne.
Volodymyr Zelensky a dénoncé un « nouveau spectacle meurtrier » infligé par la Russie, alors que les États-Unis pressent Moscou de mettre un terme à son invasion de l’Ukraine lancée il y a plus de trois ans.
Le président américain Donald Trump a donné 10 jours à compter de mardi à Vladimir Poutine pour arrêter ce conflit armé – le pire en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale – qui a fait des dizaines, voire des centaines de milliers de morts dans les deux pays.
Donald Trump s’est emporté avec une violence renouvelée jeudi, avertissant notamment l’ex-président russe Dmitri Medvedev – l’actuel numéro deux du Conseil de sécurité qui a écrit récemment sur X que « chaque nouvel ultimatum est une menace et un pas vers la guerre » – qu’il entrait « dans une zone très dangereuse ».
« Un cauchemar »
La Russie a lancé 309 drones et huit missiles de croisière pendant la nuit sur l’Ukraine, a indiqué l’armée de l’air ukrainienne, ajoutant que la principale cible était Kiev et affirmant avoir abattu 288 drones et trois missiles.
Des journalistes de l’AFP ont vu des immeubles résidentiels détruits, des voitures calcinées et retournées. « C’est un choc, je n’arrive toujours pas à reprendre mes esprits, c’est très effrayant », a raconté Valentyna Chestopal, habitante de Kiev de 28 ans.
Tymofiï a été réveillé par le « bruit d’un missile » : « Tout s’est mis à me tomber dessus, c’était terrifiant », raconte cet habitant du quartier Solomyansky dont l’appartement a été détruit et dit avoir vécu « un cauchemar ».
Ville stratégique
Sur X, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andriï Sybiga, a estimé qu’il était « temps de mettre la pression maximale sur Moscou ».
« Le président (américain) Trump a été très généreux et très patient avec Poutine, essayant de trouver une solution », a-t-il poursuivi.
De son côté, l’armée russe a assuré avoir frappé cette nuit en Ukraine une base aérienne, un dépôt de munitions et des installations de production de drones.
Moscou a aussi affirmé avoir conquis Tchassiv Iar, petite ville d’importance stratégique dans la région de Donetsk (est) où les troupes russes avancent lentement depuis des mois. « C’est un mensonge total », a déclaré Viktor Tregoubov, porte-parole du groupement de forces ukrainiennes Khortytsia, en charge de la zone.
Sur Telegram, Oleksandr Kovalenko, spécialiste militaire ukrainien, a considéré qu’il était « trop tôt » pour affirmer que Tchassiv Iar était sous le contrôle des forces russes, estimant que la défense de la ville depuis plus de deux ans tenait déjà du « record absolu » pour l’armée ukrainienne.
Vote crucial
Les nouvelles frappes sont intervenues avant un vote crucial au Parlement ukrainien qui a approuvé jeudi à la mi-journée le rétablissement de l’indépendance des instances de lutte contre la corruption, revenant sur un précédent texte très critiqué.
Un total de 331 députés – le minimum requis étant de 226 – ont voté en faveur du nouveau texte proposé par Volodymyr Zelensky, ratifié dans la foulée. La Commission européenne a salué un texte qui rétablit les « principaux garde-fous » permettant l' »indépendance » des agences anticorruption.
La précédente loi votée le 22 juillet prévoyait de placer l’agence nationale anticorruption (le NABU) et le parquet spécialisé anticorruption (le SAP) directement sous la tutelle du procureur général, lui-même nommé par le chef de l’Etat.
Décriée par la société civile et l’Union européenne, ce texte avait provoqué les premières manifestations d’ampleur en Ukraine depuis le début de l’invasion russe en 2022.
« Pendant que l’armée défend notre pays contre ces maudits russes, nous, à l’arrière sommes là pour faire pression sur nos dirigeants, pour que le pays pour lequel les soldats se battent en vaille la peine », a expliqué Anastasia, qui manifestait jeudi devant le parlement avant le vote.