Bridge of Spies, ou le destin extraordinaire d’un avocat vu par Steven Spielberg.
Une évidence : Steven Spielberg, 68 ans dont trente-neuf de carrière ciné, aime filmer la guerre et les espions. Après The Color Purple (1985), Schindler’s List (1993), Saving Private Ryan (1998) et Munich (2005), il en apporte une nouvelle preuve avec Bridge of Spies (Le Pont des espions) – son 28e et très réussi film. Dans un récent entretien accordé à un hebdomadaire parisien, le réalisateur a raconté la genèse de son nouveau long métrage.
« La guerre froide, dans les années 1950, était comme un nuage permanent au-dessus de nos têtes. Malgré ma jeunesse, j’étais très conscient des enjeux. Ma génération a été très marquée par la conscience de notre propre mortalité. Mon père et ma mère disaient que rien de grave n’allait se produire, mais nous, les adolescents, nous étions persuadés qu’il y aurait un jour un grand éclair blanc, et que ce serait la fin de tout… »
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Le monde, alors, est coupé en deux blocs : d’un côté, les États-Unis; de l’autre, l’URSS. Et c’est dans ce contexte que l’on va suivre James Donovan. Il est avocat à Brooklyn et se retrouve plongé au cœur de la guerre froide lorsque la CIA l’envoie accomplir une mission presque impossible : négocier la libération du pilote d’un avion espion américain U-2 qui a été capturé. Steven Spielberg l’a rappelé : Bridge of Spies a failli être tourné en 1965 avec Gregory Peck, mais la MGM a stoppé l’histoire pour ne pas envenimer la situation politique. Le réalisateur américain l’a dit et répété : situé au début de la guerre froide, Bridge of Spies lui a été inspiré par une histoire vraie. Celle de James Donovan, avocat spécialiste des assurances, négociateur hors pair. Il a été engagé par le gouvernement américain pour défendre l’espion russe Rudolf Abel.
Spielberg s’offre les Coen et Tom Hanks
Au départ de l’affaire, Donovan s’interroge : va-t-il, doit-il accepter ce travail? Ne risque-t-il pas de devenir, en cette période de paranoïa, une cible? Et puis, il défend Abel, par fidélité à ses principes, explique-t-il. Pendant le procès, entre le négociateur américain et l’espion russe va même naître un lien inattendu basé sur le respect mutuel et l’engagement pour leurs idéaux. À l’issue du procès, l’avocat pense en avoir fini avec cette affaire. Il a tort : la CIA (pas plus fréquentable, chez Spielberg, que le KGB…) demande à l’avocat de négocier l’échange de l’espion russe contre Powers – le pilote de l’avion américain U-2. Et le voilà qui débarque à Berlin où doit avoir lieu l’échange. On y découvre les incohérences de deux bureaucraties que seul un personnage venu d’ailleurs, en l’occurrence l’avocat Donovan, va pouvoir déjouer…
À l’origine, le scénario a été écrit par un jeune Britannique, Matt Charman, mais peu satisfait du texte, Steven Spielberg a appelé les frères Joel et Ethan Coen (entre autres Barton Fink , Fargo , The Big Lebowski ou encore True Grit ) pour le réécrire : « Ils savaient que je voulais réaliser un film d’espionnage utilisant plus les mots que les armes, aux antipodes de James Bond ou de Jason Bourne », confie le réalisateur de Bridge of Spies , qui a pu aussi compter sur Tom Hanks, parfait dans le rôle de l’avocat James Donovan…
Serge Bressan
Bridge of Spies , de Steven Spielberg. (États-Unis, 2h12) avec Tom Hanks, Mark Rylance, Scott Shepherd…