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[Série d’été] «Le Luxembourg vu par…» Georges Schiltz, la viticulture comme art de vivre


A Rosport, cela va faire 11 ans que Georges Schiltz a repris le Clos de la joie, et cultive désormais sur 4 hectares. (photo Fabrizio Pizzolante)

Et si, cet été, on découvrait le Luxembourg autrement ? À travers les yeux de celles et ceux qui y vivent, y créent, y travaillent. Vigneron, artiste, chef ou paléontologue, connus ou discrets, ils nous livrent leur regard personnel sur le pays, entre lieux fétiches, traditions, souvenirs et bons plans. Une série de cinq portraits pour explorer le Grand-Duché à hauteur d’humain.

Pas besoin d’aller loin pour s’évader : cet été, on (re)découvre le Luxembourg à travers celles et ceux qui le vivent au quotidien. Un chef, un vigneron, un artiste ou encore un paléontologue partagent avec nous leurs coins préférés, leurs petites traditions, leurs souvenirs marquants… Cinq portraits, cinq regards singuliers pour explorer le Grand-Duché autrement. Avec un peu d’accent local et beaucoup de cœur.

Lire aussi dans notre série d’été :
«Le Luxembourg vu par…» Guida Biewer, du côté de Vianden

Notre second portrait nous emmène à Rosport-Mompach, à l’est du pays. C’est dans ce petit havre de paix, connu pour son château et son eau gazeuse, que se trouve le domaine viticole de Fru, tenu par Georges Schiltz. À 37 ans, il est l’un des quatre vignerons que compte Rosport.

C’est après avoir étudié la géographie qu’il décide de reprendre le vignoble «Le Clos de la joie» en 2014. Entretemps, il obtient un diplôme d’études d’œnologie en 2016. La même année, il dévoile deux premières gammes de vin du domaine Fru.

Un nom qui n’a pas été choisi par hasard. «Fru signifie fruit en latin, et dans le dialecte local, c’est la joie. Cela fait aussi référence au régal, à travers une qualité unique de jus et de vin.» Ses vignobles produisent ainsi plusieurs variétés de cépages, allant du Riesling à l’Elbling, en passant par l’Auxerrois.

En faisant visiter l’immense grange de la ferme familiale, Georges Schiltz nous dévoile diverses cuvées, des jus de fruits et autres liqueurs. « L’ancienne grange me sert dans mon activité viticole, mais je n’y vis pas», présente-t-il avant de nous emmener au Clos de la joie, niché en haut de la vallée.

C’est au cœur des vignes que le vigneron aime raconter les secrets de cette «réserve naturelle», où biodiversité et histoire s’entrecroisent. «Sur d’anciennes cartes de la région, Rosport comportait déjà des terrains viticoles, entretenus et soignés. Cette qualité date probablement de l’époque gallo-romaine.»

Le vigneron veut maintenir un équilibre entre la nature et son activité. «Nous laissons se développer la verdure, en créant un espace riche en biodiversité que nous entretenons chaque jour», affirme-t-il en contemplant l’environnement.

Pourtant, «des personnes oublient de respecter la flore» s’insurge Georges Schiltz. À côté, le réchauffement climatique menace chaque année les pentes, exposées à des rayons de soleil toujours plus importants. «La météo est de plus en plus extrême. On subit souvent des pluies intenses qui provoquent des inondations en contrebas», relate-t-il, attristé.

Le viticulteur s’assure donc de préserver la précieuse matière organique et de traiter proprement les ceps. Il tient aussi à conserver les murs en pierres sèches, derniers vestiges antiques qui délimitent les parcelles.

Dans cette aventure vinicole, ils sont deux à s’occuper du domaine de Fru, en plus des amis et de la famille.
Son lieu préféré
Je choisis le Clos de la joie. Déjà, c’est un lieu rempli d’histoire. Les murs en pierres sèches sont là depuis des centaines d’années. Il est même probable que les romains possédaient des vignobles sur ces pentes. D’ailleurs, Rosport comportait une importante villa romaine, en son temps. J’adore ce petit coin caché, riche en biodiversité. Quand on grandit, on pense d’abord à s’installer dans une grande ville, faire des études et y travailler. De mon côté, j’ai préféré rester sur ces terres avec lesquelles je me sens au plus près de la nature. Il faut savoir ouvrir les yeux et ne pas oublier d’apprécier la beauté qu’on a devant notre porte. Parfois, il suffit juste de s’intéresser au patrimoine local, là où l’on a toujours vécu. Au fond, le Luxembourg possède tellement d’endroits d’exception. Pour un si petit pays, ce n’est pas rien !
Son plat préféré
Les Kniddelen avec des champignons ! C’est une recette que j’aime énormément, que je cuisine et qu’on déguste entre collègues. Je trouve ce plat humble, car il reflète bien les racines du pays. C’est du travail, c’est assez complexe à préparer, mais il se marie bien avec notre Fairytale! (NDLR : du nom d’une des cuvées du domaine de Fru). Pour la préparation, je n’hésite pas à me fournir auprès de producteurs locaux. C’est ça aussi l’avantage du métier de vigneron, de découvrir d’autres professions liées à la gastronomie. L’échange et l’apprentissage, deux valeurs au cœur de notre profession. En plus du plat, j’apprécie chaque dégustation que nous organisons à Rosport entre amateurs de vin. Alors quoi de mieux que de savourer des Kniddelen autour d’un bon vin !
Une anecdote marquante
Je vous avoue que la question est plutôt difficile (répond-il en rigolant, avant de marquer un long moment de réflexion). Au cours des séances de dégustation que nous proposons, nous faisons la connaissance de nombreuses personnes qui viennent des quatre coins du pays. Lorsque nos visiteurs arrivent pour la première fois à Rosport, ils sont généralement très surpris et contents de s’apercevoir que la commune ne produit pas que de l’eau gazeuse (NDLR : en référence à Rosport Blue, l’eau minérale gazeuse), mais qu’on y trouve également du vin! C’est une plus-value qui nous fait plaisir et qu’on aime faire découvrir. Souvent, on garde le contact avec les personnes qui sont venues boire notre vin, et cela fait de beaux souvenirs. Cette boisson se partage et nous raconte une histoire, celle de Rosport.
Son conseil aux visiteurs
Je leur donnerai un grand conseil : il faut découvrir le Luxembourg à pied, à vélo, en bouche. Le voyage doit se faire avec les cinq sens. Le terroir est riche et varié au Luxembourg, ces terres sont remplies d’histoire et de culture. Bien que le Grand- Duché soit minuscule, on est à la croisée de plusieurs pays. À Rosport, on côtoie l’Allemagne, pourtant, la frontière est invisible entre les deux pays. Je trouve cela fascinant, car les vignes elles-mêmes ne connaissent pas de frontières. Aussi, traverser le Luxembourg permet de faire des rencontres, de créer des amitiés, surtout autour de la gastronomie. Retenez bien qu’avec des amis et une aide humaine, on avance mieux dans la vie. À l’image des vignes, avec de bonnes racines, on peut mieux pousser.