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Le scandale des PFAS frappe la Wallonie


Dans la région de Mons, les habitants ont été exposés aux polluants éternels à cause de l’eau du robinet. 

Les autorités belges tentent de rassurer la population concernant les polluants éternels présents dans l’eau potable.

En Belgique, un épisode de contamination de l’eau potable aux «polluants éternels» dans plusieurs secteurs de Wallonie (sud) mobilise depuis des mois scientifiques et autorités publiques, qui s’efforcent de rassurer une population en quête de réponses et de solutions à long terme.

Entre fin mai et mi-juillet, des prélèvements sanguins ont été effectués sur un échantillon de 1 300 habitants de dix communes où des teneurs anormales de ces «polluants éternels» (PFAS) ont été mises en évidence fin 2023 et début 2024, sur le parcours d’une conduite d’eau de grand gabarit, le «Feeder du Hainaut». L’origine de la pollution, dans la région de Mons, n’a pas été clairement identifiée à ce stade. Elle est désormais contenue par l’installation de nouveaux filtres à charbon actif par les sociétés de distribution, selon les autorités. Mais demeurent les interrogations sur l’ampleur de la «surexposition» aux PFAS des gens qui ont bu cette eau du robinet pendant des années. Les résultats des tests pourraient conduire à de nouvelles recommandations sanitaires à l’automne.

Cet après-midi là, dans une salle communale de Braine-le-Château, près de Waterloo, Douglas compte parmi les dizaines d’habitants venus subir un prélèvement de sang. Dans ce secteur, des teneurs dépassant de cinq à six fois la norme retenue (de 4 ng/l pour la somme de quatre PFAS) ont été dévoilées au printemps 2024. «Au début, les autorités communales nous déclaraient que les chiffres étaient rassurants, mais en réalité elles n’en avaient pas, et essayaient simplement de contenir la population comme elles pouvaient. Ce genre de petit jeu, il faut arrêter», lâche Douglas. «Maintenant on a la possibilité d’avoir un vrai monitoring, faisons-le. J’espère que les résultats ne vont pas être perdus», ajoute ce consultant de 35 ans, qui préfère taire son nom.

Une première alerte ignorée

La crise démarre en Wallonie en 2023, quand une enquête de la chaîne RTBF révèle que les autorités régionales ont ignoré une alerte de l’armée américaine cinq ans auparavant sur une pollution de l’eau du robinet aux PFAS à Chièvres. La commune héberge une base de l’US Air Force et l’hypothèse privilégiée est celle d’une contamination liée à l’usage régulier de mousses anti-incendie et autres produits de dégivrage des avions. Une enquête judiciaire est ouverte. Quand le scandale éclate, les habitants apprennent que les militaires de la base consomment depuis des années de l’eau en bouteille, par précaution, alors qu’eux-mêmes n’ont jamais rien su des risques sanitaires

La première campagne de tests sanguins a lieu à Chièvres, début 2024, et ceux-ci sont ensuite étendus à d’autres communes jugées prioritaires. La conduite du «Feeder» et Braine-le-Château sont alors concernés. Conséquence de la crise: le nouveau gouvernement wallon entré en fonction à l’été 2024 décide d’avancer d’un an, de 2026 à 2025, l’obligation européenne de respecter la valeur limite des 100 nanogrammes (ng) par litre d’eau pour vingt substances de la famille PFAS. «On a pris des mesures radicales et tous nos distributeurs sont désormais sous cette norme», assure le ministre régional de la Santé et de l’Environnement, Yves Coppieters.

Malgré cela «la population est très inquiète», reconnaît-il, «on est parti pour des dizaines d’années pour régler cette histoire». Les PFAS, composés poly- et perfluoroalkylés aux propriétés anti-adhésives et imperméables, largement utilisés par l’industrie, doivent leur surnom de «polluants éternels» au fait qu’ils sont très peu dégradables une fois dans l’environnement. Des études scientifiques ont montré qu’en cas d’exposition prolongée, ils peuvent avoir de multiples effets néfastes sur la santé humaine, sur la fertilité, sur le développement du foetus. Ils peuvent aussi favoriser les risques d’obésité ou certains cancers. Un temps évoquée pour 2025, la Commission européenne entend présenter en 2026 une proposition d’interdiction des PFAS dans les produits de consommation courante «comme les boîtes à pizza ou les vêtements imperméables», avec des exceptions pour certains jugés indispensables, dans le domaine médical notamment.

Pour M. Coppieters, il est temps que l’UE passe aux «mesures courageuses» et supprime «pour de bon» tous les produits contenant des PFAS. «Dire aux gens de ne pas manger leurs oeufs et légumes autoproduits, mettre des normes sur les boues d’épuration, peut-être interdire l’épandage de terres polluées dans les champs… Pour l’instant, avec mes compétences, je ne fais qu’éteindre les feux», lâche le ministre.

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