Des faubourgs à la place financière, la promenade de Luc Frieden et Martine Hansen au gré des installations de la LUGA, a révélé une ville de contrastes parsemée de jardins inspirants.
Luc Frieden a spontanément chaussé ses baskets pour suivre le chant des sirènes et Ann Muller, coordinatrice générale de la LUGA, des profondeurs de Luxembourg aux hauteurs pyramidales de la capitale. De l’aquatunnnel au fort Thüngen. De la vallée de la Petrusse au Kirchberg en passant par le Pfaffenthal. Une promenade de deux heures en compagnie de Martine Hansen, ministre de l’Agriculture, de l’Alimentation et de la Viticulture, Bettina Steinbrügge, directrice du Mudam, et Luc Reis, directeur général de Sightseeing.lu.
«Je me réjouis de cette visite. L’idée de la LUGA me plaît énormément», a indiqué le Premier ministre avant de plonger en silence dans les entrailles de la ville. «Combiner la nature, le jardinage et la culture est une expérience qui, je l’espère, durera au-delà du mois d’octobre.» Invité de dernière minute, il ne regrette pas le voyage, pose de nombreuses questions, prend des photographies, se détend et profite de l’instant présent. Le chant lancinant des sirènes et les installations de cette partie des onze kilomètres de circuit autour de jardins et de compositions paysagistes, ont apparemment charmé le Premier ministre.
La visite commence par une traversée de l’Aquatunnel. Creusé dans les années 1960 à 60 mètres sous la capitale, il relie les deux vallées sur 900 mètres. Invisible pour qui n’a pas conscience de son existence, l’exposition horticole lui a donné une énorme visibilité en y intégrant l’installation sonore The Lower World de l’artiste écossaise Suan Philipsz. Une longue mélopée entêtante qui s’intensifie à mesure qu’on avance dans le tunnel avant de se perdre au loin.
Jardins extraordinaires
L’œuvre n’est pas un jardin à proprement parler, mais correspond pourtant à merveille au thème «Rendre visible, l’invisible». Pour Ann Müller, aucun des jardins présenté n’est «classique» pour la bonne raison qu’ils doivent interpeller, inviter à la réflexion et à l’interprétation, ouvrir la voie à des questionnements et à des révélations.
«Nous avons voulu mettre en avant des endroits qui passaient inaperçus, qu’on ne voyait pas ou plus», souligne-t-elle. Occuper les espaces vides, mettre en avant le patrimoine et l’inclusion sociale à travers des collaborations. «Les projets traitent de thèmes différents plus ou moins lourds, ce qui n’empêche pas une certaine légèreté que nous avons souhaitée apporter. Ce qui n’a pas toujours été simple», note Ann Müller.
«Tous les thèmes abordés par les installations de notre visite traitent de la nature en milieu urbain, des saisons. Les plantes utilisées sont invasives et les matériaux sont tous recyclables ou réutilisables. Les plantes sont des plantes annuelles, aucun arbre n’a été planté et nous avons banni le béton», poursuit-elle avant de guider la troupe vers le jardin urbain Solum réalisé par l’atelier Faber à la sortie de l’Aquatunnel.
Des canisses en roseaux serpentent sur d’impressionnants blocs de grès du Luxembourg disposés à la façon des mégalithes sur un terrain accidenté et envahi par la végétation locale. L’installation doit ouvrir la réflexion sur l’importance de la perméabilité des sols dans la gestion du cycle de l’eau. Elle coupe plutôt le visiteur du monde extérieur et du quartier. Le ramène presque hors du temps avant la modernité au temps des rites païens. Une impression étrange quand on y est chez soi.

De l’autre côté du Béinchen, à quelques pas de là, l’installation «Après l’effondrement», ou comment rien n’est figé et tout évolue dans la nature qui n’hésite pas à reprendre ses droits. Sur les panneaux explicatifs qui accompagnent chaque installation, on peut lire que «c’est un jardin de reconquête qui met en scène le pouvoir cautérisant de la colonisation végétale. La végétation pionnière qui prend possession du lieu, vient adoucir le chaos et la brutalité générée par le choc de l’effondrement». Les anciennes mines à ciel ouvert dans le sud du pays en sont des exemples rassurants.
Les jardins extraordinaires de la LUGA ne sont pas figés jusqu’au mois d’octobre. Ils évoluent et changent constamment, selon Ann Müller qui les arpente au quotidien. Les plantes et les éléments les rendent vivants. Les curieux peuvent donc enchaîner les visites en fonction des saisons pour découvrir ces transformations. Pour le moment, l’organisation se réjouit du succès.
Œuvre
pyramidale
«Nous sommes très satisfaits de la fréquentation de la LUGA que ce soit, ici, en ville ou à Ettelbruck. Nous n’avons pas de système de comptage des visiteurs, mais nous constatons le succès grâce aux visites en ligne et aux commentaires sur les réseaux», explique Ann Müller en emboîtant le pas aux ministres et à leurs suites qui se dirigent vers le funiculaire à la découverte du jardin urbain Endymion du studio SNCDA et de The Living Pyramid d’Agnes Denes en collaboration avec le Mudam.
Cette dernière, tout de bleu ciel vêtue et en bois réutilisable, est constellée de pots de fleurs. Elle se dresse fièrement au centre du parc Dräi Eechelen, face à la vallée et à la vieille ville, entre fortifications et tours en métal et en verre. «Elle aborde la question de la faim dans le monde et la menace d’un dépassement de nos ressources sans une meilleure planification – ou plantation», a écrit sa créatrice. «Un édifice structuré de terre et de céréales, au cœur d’une ville animée. C’est semer la graine dans le sol et dans les esprits.»
Sensations, réflexions, quête du jardin idéal ou d’un monde idéal, la LUGA est multiple et certainement pas à prendre au premier degré. Elle est pleine de messages à peine voilés pour ceux qui sont prêts à les cueillir au passage.