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[Exposition] Anna Maria Maiolino, une star brésilienne chez Picasso


Lion d’or à la Biennale de Venise, cette figure phare de l’art brésilien et grande exploratrice des formes expose actuellement au musée Picasso, à Paris, dévoilant une œuvre à la fois conceptuelle et incarnée. Découverte.

Elle s’est fait connaître en marchant les yeux fermés entre des œufs dans la rue : Anna Maria Maiolino, 83 ans, star brésilienne de l’art contemporain, expose à Paris au musée Picasso, une première.

«C’est un honneur, car Picasso était aussi un immigré, espagnol, très curieux, qui a utilisé divers types de support pour faire son travail. Cette curiosité, qui est aussi la mienne, me rapproche de lui. Même si, en comparaison, je suis toute petite, on partage une communauté d’âme», dit l’artiste, née en 1942 en Italie et qui a vécu au Venezuela, à New York et au Brésil. Intitulée «Je suis là/Estou aqui», l’exposition est organisée dans le cadre de la saison «Brésil-France 2025».

C’est la première exposition monographique de l’artiste en France. Elle regroupe une centaine de ses œuvres (dessins, gravures, vidéos, peintures et sculptures abstraites), qui forment un univers singulier de formes géométriques et de symboles mémoriels, rempli de nostalgie et d’humour.

Témoins de son approche pluridisciplinaire, elles traversent plusieurs langues et cultures et sont marquées par une sorte «d’entre-deux poétique» lié à l’exil, «une tension constante entre l’envie d’appartenir à un lieu et de le quitter», souligne Sébastien Delot, commissaire de l’exposition avec Fernanda Brenner, son homologue brésilienne.

«L’ombre menaçante» de la dictature militaire

«J’ai 65 ans de travail derrière moi. Je suis une artiste, une immigrée italienne et une vieille femme de 83 ans», poursuit l’octogénaire au regard malicieux, devant l’une de ses sculptures-objets d’argile baptisés Nouveaux Paysages. Benjamine d’une fratrie de dix enfants ayant grandi dans la région des Pouilles, elle explique avoir puisé d’abord son inspiration dans ses «origines méridionales et calabraises» et une enfance «heureuse».

Celle qui a reçu en 2024 un Lion d’or à la Biennale de Venise pour l’ensemble de sa carrière a quitté son Italie natale avec sa famille pour le Venezuela en 1954. Elle y suit une formation artistique et commence un travail créatif qui ne cessera d’interroger l’identité.

En 1960, elle part pour le Brésil et participe à la création du mouvement d’avant-garde de la Nouvelle Figuration aux côtés de Rubens Gerchman, artiste avec qui elle aura deux enfants. Elle le suivra à New York, se concentrant alors sur le dessin d’illustration et l’écriture poétique, sorte d’autobiographie sous forme de notes qui lui servira tout au long de son travail dans la réalisation de films super-8 notamment.

En 1971, elle le quitte et retourne au Brésil avec ses deux enfants. Elle travaille alors dans une usine textile parallèlement à son travail artistique qui se nourrit de sa situation en tant que femme active, mère de famille, et de réflexions sur la faim et la présence du corps féminin.

Dix ans plus tard, elle réalise sa performance la plus célèbre et une série de photographies l’accompagnant : «Entrevidas» (entre les vies), où elle marche les yeux fermés entre des douzaines d’œufs posés sur le sol en essayant de les éviter, mettant littéralement en scène l’expression «marcher sur des œufs».

L’œuvre est une métaphore de la situation politique au Brésil, malmené par la dictature militaire. «C’était comme vivre constamment avec une ombre au-dessus de la tête qui menaçait chaque geste créatif d’être interprété comme un positionnement politique», explique-t-elle.

Un espace au service «d’idées singulières»

En mars 2025, elle a refait sa célèbre performance au musée d’art de São Paulo, souligne Emilio Kalil, commissaire général de la saison du Brésil en France, qui réunit plus de 600 artistes brésiliens participant à quelque 300 événements culturels.

Anna Maria Maiolino a poursuivi son travail avec des matériaux malléables, et notamment l’argile à partir des années 1980. «Un accès intuitif à une mémoire collective», dit-elle, ajoutant n’avoir «aucun médium privilégié». Une salle entière est recouverte de concrétions artistiques en terre rappelant les plats de pâtes de son enfance italienne.

L’exposition se conclut sur des peintures, livres-objets, xylogravures et dessins réalisés à partir de feuilles déchirées qu’elle décrit comme un «espace inventaire et inventé» mis «au service d’idées singulières».

Quant au titre de l’exposition, Anna Maria Maiolino explique : «Il ne s’agit pas d’une rétrospective, mais bien de dire que je suis toujours là, au travail, engagée. Les œuvres exposées ne sont pas des objets passifs, mais bien des présences actives qui continuent à générer des conversations», affirme-elle avant de conclure : «J’ai toujours su que l’art ne m’abandonnerait jamais.»

«Je suis là. Estou aqui» Jusqu’au 21 septembre. Musée Picasso – Paris.

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