Officier au groupement Pays-Haut des sapeurs-pompiers de Meurthe-et-Moselle, le capitaine Yannick Petrement a vu la réaction de la végétation des forêts évoluer face au feu.
Les feux de forêts représentent-ils une problématique prégnante sur votre secteur, entre Chambley et la frontière belge ?
Capitaine Yannick Petrement : Au niveau du groupement, nous ne sommes pas particulièrement inquiets… Bien que, depuis trois ans, nous percevions les effets d’une évolution de la réaction de la végétation face à l’incendie. Avant, quand le feu arrivait en lisière de forêt, sur une végétation encore bien verte, elle ne brûlait pas. L’augmentation de la température et les sécheresses successives ont fait que la végétation a beaucoup souffert. Désormais, même verte, elle est relativement sèche. Et beaucoup d’arbres sont morts. Dès 2022, on a réellement pu en observer les conséquences, notamment à Hagéville, avec l’un de nos premiers feux importants à entrer en forêt. Mais sur notre secteur, ce qui nous préoccupe le plus en cette saison, ce sont les moissons, où l’activité humaine est génératrice d’incendies. Quand ils surviennent en lisière de forêt, c’est là qu’ils peuvent désormais y entrer…
Existe-t-il un dispositif de vigilance particulier quant à ces feux agricoles ?
Depuis 2020, durant toute la période estivale et en particulier celle des moissons, le SDIS 54 (NDLR : Service départemental d’incendie et de secours de Meurthe-et-Moselle) travaille en partenariat avec Météo-France, la Chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle et, dans le cadre des feux de forêts, l’Office national des forêts (ONF). La Chambre d’agriculture communique auprès de ses adhérents sur des mesures préventives durant cette période à risques : l’importance du dépoussiérage régulier des machines utilisées; le fait qu’il ne faut pas fumer dans les zones à risques; que les engins doivent être pourvus d’extincteurs… Ça, c’est la posture normale en vigilance verte par rapport aux feux de végétaux.
En raison du réchauffement climatique, les essences d’arbres vont certainement changer
Et quels sont les autres stades de cette vigilance ?
Elle comprend trois niveaux de risque incendie : verte, orange et rouge. Dès qu’on passe en orange, la Chambre d’agriculture demande de disposer d’un déchaumeur attelé à un tracteur et prêt à intervenir. S’il y a un souci dans son champ, l’exploitant peut très rapidement faire la part du feu : une bande où il retourne la terre pour stopper ou freiner la propagation des flammes. Ces feux progressent tellement vite qu’ils peuvent parcourir plusieurs hectares avant même qu’on arrive. Toutes ces mesures ont d’ailleurs permis d’épargner de nombreux hectares de récolte depuis 2020.
Comment l’ONF s’inscrit-il dans ce partenariat ?
L’ONF a la connaissance du milieu naturel, de l’état de ses forêts, leur sécheresse, des végétaux morts… Ses représentants sont aussi aptes à nous guider. Contrairement au sud de la France, nous n’avons pas encore de pistes destinées à la défense des forêts contre l’incendie. Mais je pense que, dans certains massifs forestiers de nos régions jusque-là épargnés, nous verrons bientôt arriver ces grands chemins jaunes. Dans un premier temps, plutôt dans le sud du département avec le massif vosgien. Et puis, peut-être un jour jusque chez nous… En raison du réchauffement climatique, les essences d’arbres vont certainement changer pour s’adapter, donc le risque d’incendie se fera plus important. Et il faudra qu’on puisse intervenir rapidement et au plus près du sinistre.